« trois heures du mat, juste pour tes beaux yeux »

Joe & Jules

L'insomnie avait creusé un nid bien profond dans le crâne du jeune Barnes. Une insomnie si terrifiante qu'il n'arrivait à dormir que lorsqu'il était complètement éclaté -alcooliquement parlant- ou fondue dans un univers parallèle grâce au crack qu'il achetait et revendait à quelques habitués. Sans ces deux points, il n'arrivait pas à trouver le sommeil. Il tournait en boucle entre ses draps, réfléchissant encore et encore sans jamais y voir le fond. C'est donc avec énervement que Jules quitta ses draps pour se lever et enfiler un jogging qui traînait par hasard sur le sol. Puisqu'il pensait rendre visite à Caleb le lendemain pour prendre de ses nouvelles, Jules ne voulait pas se réveiller sans aucun souvenir de la veille, histoire d'être présentable. Mais au chiotte les bonnes résolutions, il préférait venir avec les cheveux à moitié coiffés, la gorge sèche et un mal de crâne dégueulasse qu'une envie de malaise à tout bout de champ. Surtout que faire un malaise devant Caleb était source d’ennuis profond -il était certain que s'il tombait devant lui, Caleb paniquerait beaucoup trop pour faire quoique ce soit et se retrouverait tout deux gisant au sol comme deux sous-merdes. Alors la solution était de loin la plus évidente : une ligne, deux trois joints, deux verres et au lit. Sauf que seul, il ressemblerait à un vieux drogué alcoolique au bout de sa vie. Et selon ses sources, il n'était pas encore arrivé à ce stade là.

Debout dans son salon, les yeux gonflés par le manque de sommeil, le brun attrapa son portable pour envoyer un rapide message à sa jolie blonde. Sa jolie Freeman. Ils avaient beau avoir quasiment neuf ans d'écart -et putain, qu'est-ce que ça l'énervait de se savoir aussi vieux- les deux s'entendaient comme deux potes de l'université. Ils pouvaient discuter de tout et rien, sans se prendre la tête à fumer quelques cigarettes et passer un peu de bon temps en tête à tête ou sous la couette. Faut dire que Freeman, elle est vachement bien foutue. Il pourrait en rêver tous les soirs, mais c'est le temps qui lui manque. Enfilant un simple t-shirt et une veste par-dessus, savoir comment il allait s'habiller ce soir était bien la dernière de ses peines. Joelynn le prenait comme il venait, pour le plus grand plaisir de Jules et quelques fois le malheur de Joelynn. Il avoue n'être pas toujours parfaitement bien habillé, coiffé ou propre, mais après des années à vivre tout seul -quasiment tout seul- il a du perdre quelques bons gestes. Descendant en bas de chez sois, il jeta un rapide coup d’œil à droite puis à gauche avant de marcher le long du trottoirs. Ayant apparemment ce soir beaucoup de chance, Joelynn était encore debout à trois heures du matin et traînait dans un vieux bars miteux qui devait bientôt fermer. Elle lui assura de l'attendre devant ce bar, comme une princesse attendant son prince charmant. Sauf que son prince à elle, il était habillé en jogging basket avec une folle envie de fumer et sniffer quelques lignes.

Le rayon lumineux verdâtre qui éclairait la moitié de la rue clignotait à un rythme effréné avant de ralentir, puis accélérer à un rythme impossible à deviner. Même le plus grand joueur de Simon aurait perdu face à cette enseigne. Sous le ridicule rayon lumineux verts, une blonde aux courbes élancés et esquisses semblait perdre patience à trépigner sur place et regarder à droite à gauche, comme si un fou furieux pouvait se jeter sur elle à n'importe quel moment. Un fin sourire se posa sur ses lèvres et dans un mouvement de survie instinctif, il sortit son paquet de cigarette de sa poche droite pour en coller une entre ses lèvres et l'allumer rapidement pour en tirer une bouffée. « Désolé d'vous décevoir m'demoiselle, mais j'crois qu'votre prince charmant ne viendra pas ce soir. » il s'arrêta à quelques pas de la blonde pour venir poser sa cigarette aux coins des lèvres et se rapprochait petit à petit de sa proie. « Mais j'veux bien faire office de valet, si ça vous chante. » dans un haussement de sourcil ridicule, il finit par lâcher un rire et cracher sa clope au sol avant de l'écraser sous la semelle de sa chaussure. « Qu'est-ce que vous en pensez, M'dame Freeman ? » délicatement, il vient passer une main autour de sa taille et planta son regard dans le sien. Joe et Jules, c'était comme un bon verre de vin : on prend le temps de le savourer, rire sur quelques anecdotes croustillantes à propos de ce vin, avant de le boire d'une traite et en redemander encore et encore sans plus jamais vouloir s'arrêter jusqu'à la prochaine bouteille. Il vient déposer un délicat baiser sur la joue de la blonde et se sépara d'elle comme la chose la plus normale, reprenant la route, suivant un itinéraire hasardeux. « Quoi d'neuf Joe ? » ils ne faisaient pas que se rouler des joints et exceptionnellement, siffler quelques lignes. Ils prenaient le temps de discuter tout de même. Comme deux bons vieux amis.