Callie avait été gentillement mise à la porte de l'école. Il faut dire qu'il était plutôt tard, la nuit commençait à tombée et Callie avait fini ses cours depuis seize heures trente mais elle était restée dans sa classe pour ranger, préparer sa journée de lundi bref tout ce qu'elle pouvait faire pour ne pas rentrer immédiatement chez elle. C'était vendredi soir, d'ordinaire elle irait boire un verre avec ses amies ou elle rencontrerait Noah en dehors de la ville pour une petite escapade en amoureux mais ça faisait plusieurs jours qu'elle n'avait pas de nouvelles de lui. Elle n'en donnait pas non plus, il faut dire, mais à chaque fois que son téléphone sonne, elle espère voir son nom apparaître. Elle sait que c'est elle qui lui doit des explications après tout, c'est elle qui l'a envoyer sur les roses de façon plutôt brutale d'ailleurs...Mais elle ne se sent pas de l'affronter alors qu'elle n'a toujours pas régler les tensions familiales. Le problème c'est qu'elle connait ses enfants et plus particulièrement Daniela, c'est une tête de mule et ça risque de prendre un long moment avant que les deux femmes ne puissent se reparler sans éclats de voix et elle sait que du temps, elle n'en a pas des masses si elle veut garder Noah.

Dewsbury, c'est une petite ville et Calista aime bien se rendre à son boulot à pieds. Elle en a pour une dizaine de minutes et cela lui permet de profiter du bon air de la ville. Le square, c'est l'un de ses endroits préférés, tout le monde se croisent, tous types de personnes - des jeunes, des moins jeunes, des riches, des plus pauvres...- c'est un véritable spectacle à chaque fois. Et encore plus un vendredi soir, ceux qui quittent de leur boulot se bousculent avec ceux qui sont sur le point d'aller manger au restaurant ou boire un verre. Callie est un peu chargée, elle a ramenée plusieurs devoirs qu'elle doit corriger durant le week-end, et elle slalome entre les habitants de Dewsbury pour se frayer un chemin jusqu'à chez elle. Elle entend son téléphone sonner au fond de son sac, comme à chaque fois elle sursaute, se demandant si par hasard ça peut être un appel ou un message de Noah, alors elle libère une de ses mains et part à tâtons à la recherche de son téléphone. C'est toute une acrobatie. Elle bouscule un couple qui s'est arrêté devant elle pour faire un selfie et la moitié de ses copies s'échappent de ses mains. « Je suis vraiment désolée... » Elle se confond en excuses auprès du couple qui s'éloigne sans prendre la peine de l'aider à ramasser les copies. Elle s'agenouille et pose le tas de feuilles encore dans ses bras au sol et avant de ramasser celles qui sont évadées, elle regarde son écran de téléphone; elle a un appel manqué mais le prénom qui s'affiche lui fait un pincement au coeur puisqu'il ne s'agit pas de Noah mais d'une de ses amies de Brighton. Elle range le téléphone et observe les copies éparpillées autour d'elle, elle soupire. « Fais chier ! » Callie était ce genre de femme très polie, qui ne jurait pas beaucoup, mais ces derniers temps elle était à fleur de peau et ce genre de paroles devenaient fréquentes.

Elle est toujours accroupie, concentrée à ramasser toutes ses copies sans en manquer une seule parce que si elle n'accepte aucune excuses de ses élèves, elle se voit mal leur avouer qu'il manque des devoirs parce qu'elle les a malencontreusement lâchés en plein milieu de la ville. Heureusement pour elle, certains passants l'aident en lui rapportant une ou deux feuilles traînant à droite à gauche. Callie est agacée et étrangement épuisée, il faut dire qu'elle ne dort plus beaucoup dernièrement, les tensions qui existent avec ses enfants ont le don de jouer sur ses nerfs alors qu'elle est pourtant connue pour son calme légendaire. Mais elle se refuse d'exploser, elle ne peut pas véritablement en vouloir à ses enfants même si elle déplore l'attitude quelque peu exagérée de Daniela. Elle sait qu'elle doit prendre sur elle et c'est ce qu'elle fait depuis plus d'une semaine maintenant mais ces copies qui volent autour d'elle, c'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Elle se relève en époussetant son jean et range sans aucun tact ses copies dans son sac. Callie ! Elle se fige sur place, elle doit être beaucoup plus fatiguée qu'elle ne le pense si elle se met à entendre sa voix dans sa tête. Elle parvient à se tourner en direction de la voix qu'elle vient d'entendre et elle le voit se diriger vers elle. Elle reste interdite, ne sachant comment réagir, son coeur menace de s'échapper de sa poitrine et un sourire idiot se dessine sur son visage sans qu'elle ne puisse le contrôler. « Noah, quelle surprise !» Elle parvient à articuler ses deux-trois mots non sans difficultés. Elle est à la fois heureuse de le voir et un peu gênée aussi, elle ne sait comment réagir face à cette rencontre inattendue. Il lui dépose un baiser sur la joue et par réflexe, elle regarde autour d'elle si personne ne les observe. Même si elle se doute que leur histoire à dû faire le tour de Dewsbury à l'heure qu'il est, probablement grâce à Daniela, elle ne peut s'empêcher d'être gênée par le regard des autres et surtout par le jugement qu'ils pourraient lui porter. Elle baisse les yeux, posant son regard sur sa paire de bottines usées par les années. Est-ce qu'elle va bien ? Evidemment que non mais doit-elle répondre sincèrement à ce genre de questions ou juste prétendre que tout va bien ? N'est-ce pas l'occasion de mettre les choses à plat comme elle souhaitait le faire ? Elle se décide finalement à lever la tête et croiser le regard de Noah. « Oui ça va, c'est enfin le week-end ! Et toi, comment vas-tu ? » Elle se détestait et se maudissait pour avoir donner une réponse aussi bateau. Échanger des banalités pareilles après ce qu'ils avaient vécut, ça la rendait malade et elle savait que c'était elle la responsable de cette situation. Elle n'avait pas rompu à proprement parlé, elle avait juste cesser tout contact, c'était encore pire parce qu'à présent elle était incapable de mettre un nom sur cette relation. Elle secoua la tête et reprit la parole plus sûre d'elle. « Enfaîte non, ça ne va pas ! Comment ça pourrait aller ?! La moitié de mes enfants me déteste et je ne sais même plus comment réagir face à toi... » Elle laissa échapper un long soupir. Elle avait peut-être parler un peu trop fort parce que là, elle pouvait clairement sentir des regards sur elle et étonnamment elle s'en foutait. Elle était juste contente d'avoir réussis à dire ce qu'elle avait sur le coeur depuis plus d'une semaine.