Allongés sur ce canapé, dans les bras de son tendre amour, Achille somnole doucement. Il est tard. Depuis l'accident de voiture, il est fatigué à ses moindres gros mouvements, et même si ça devient de moins en moins douloureux, cette fatigue est présente. Il apprécie tellement cette tendresse et cette complicité entre eux deux. La main de Callum dans ses cheveux, ça ne l'aide pas à essayer de lutter. Parce que ses paupières sont lourdes, et il a besoin d'aller se coucher. Alors, doucement, il se retourne. Ses lèvres se posent sur celle de Call à plusieurs reprises. Il ne se lasse pas de ses papillons qui lui font incroyablement du bien. Il ne se lasse pas de son propre coeur qui bat la chamade, qui bat tellement fort d'amour. Il s'enlace un peu plus dans ses bras, sa tête se niche dans son cou, ses yeux se ferment. Il murmure, doucement. « Je pense que je vais essayer de dormir, je t'attends dans la chambre, pour que tu me changes les bandages. » Achille a énormément perdu en autonomie. Ses déplacements sont limités et il a une chance incroyable d'avoir Callum à ses côtés, qu'il l'aide quand les choses deviennent difficiles. Il a tellement mal et les nuits sont difficiles. Mais... Depuis qu'il dort dans ses bras, les cauchemars n'existent plus. Ils sont là, mais ils sont moins fort. Quand il se réveille, il y a des bras, toujours dans un sommeil profond, mais qui le serre juste un peu plus fort. Et ça fait tellement du bien. Achille dépose une dernière fois ses lèvres contre les siennes puis se lève, avec difficulté. Ses pas se dirigent jusqu'à sa chambre. Achille sort tout ce dont Callum a besoin, pour lui faire ses nouveaux bandages. Il n'est pas capable de le faire tout seul. Il n'est pas capable de se regarder dans un miroir, parce que d'autres cicatrices vont rester et encore plus abîmé un corps qui l'est déjà trop. Il retire son haut, et son pantalon. Il fait tout avec lenteur, il n'a pas réellement le choix. Juste avec son boxer, il s'allonge dans le lit. Callum ne met pas trop de temps à le rejoindre, l'étape des bandages va être difficile, mais après, il va pouvoir essayer de dormir. Juste un peu.  

Les soirées entrelacés sur le fauteuil à écouter des séries ou des films, ils en ont de plus en plus l’habitude. Depuis l’accident, leurs options d’activités de couple sont très limitées. Bien que Callum ne soit pas aussi abimé qu’Achille, la douleur est encore là, malgré que celle-ci ait considérablement diminué depuis le terrible événement. En deux semaines, la guérison du front de Callum démontre une amélioration notable, n’occupant plus autant de place sur son front. Certes, il aura une cicatrice permanente, mais au moins l’enflure est disparue. Il a encore mal; le moindrement qu’il fronce le front, il se crispe. Mais c’est moins pire, et il ne peut qu’espérer le jour où il sera complètement guéri. Quant à sa jambe, les anti-douleurs lui servent à merveille. Elle ne lui fait pas trop mal lorsqu’il est assis, mais son travail exige qu’il doive souvent se déplacer, soit à la cour ou pour passer à travers des filières de dossiers ou des livres juridiques. Le plus dur pour le jeune avocat, c’est de voir son amoureux dans un aussi piètre état. Bien sûr, il guérit. Peut-être pas aussi rapidement que Callum, car son corps est très, très amoché, mais les améliorations sont indéniables et cela réjouit l’homme aux boucles obscures. Car il a hâte qu’Achille soit fonctionnel, non pas qu’il n’aime pas prendre soin de lui - au contraire -, mais parce qu’il voit que c’est difficile sur son moral. Alors il se dit que quand ils seront mieux, il va le payer ce voyage. Peu importe où Achille aura envie d’aller, ils iront. Que tous les deux, entre amoureux.
Callum lui-même en train de s’endormir, Achille manifeste son intention d’aller se coucher. Les jeunes hommes échangent quelques baisers et Callum prévient Achille qu’il va venir le joindre sous peu, après s’être douché. Après quelques minutes - du moins, plus qu’à l’habitude car sa jambe altère sa routine hygiénique - il rejoint finalement Achille qui l’attend dans la chambre. Le jeune avocat s’approche près du lit, prend l’équipement nécessaire qui a déjà été préparé par son amant, puis commence à enlever ses anciens bandages. Il échange quelques regards empathiques avec Achille, lorsque ce dernier fait des rictus de douleur. Il sait que ça ne lui fait pas le meilleur bien du monde, mais il n’a pas le choix de passer à travers ce processus. Une fois que c’est terminé, Callum dépose un baiser sur le front d’Achille puis éteint la lumière avant de venir le rejoindre dans le lit. Il s’étend à ses côtés et l’invite à poser sa tête sur son torse, ce qui lui permet de jouer dans ses cheveux comme il adore le faire.

Il ne met pas beaucoup de temps à le rejoindre. L'étape la plus difficile commence, parce que ça fait réellement mal. Il ferme les yeux, se retient de ne pas pleurer, parce qu'il n'en peut plus de pleurer, d'avoir cette douleur qui persiste encore à se montrer quand il a tendance à oublier l'accident. Mais non, c'est toujours là, en lui. Il a appris à vivre avec cette douleur, il a appris. Mais ce genre de moment, qu'ils font tous les soirs, sont désagréables. Genre, vraiment beaucoup. Mais Callum se dépêche, en restant doux dans ses mouvements, et très vite, il retrouve la place qu'il a dans les bras de son homme. Ses doigts caressent son torse, et dans sa tête, malgré les nombreuses pensées qu'il a, il se demande depuis combien de temps ils n'ont pas fait l'amour. Un sourire aux lèvres, il ne tente rien non plus, parce qu'ils ne peuvent pas, parce qu'ils sont handicapés, parce que l'accident les a rapprochés de bien beaucoup de manières. Il embrasse sa peau. « Bonne nuit. » Il se serre un peu plus dans ses bras, ils reprennent la place qu'ils avaient sur le canapé un peu plus tôt. Ses yeux se ferment et les bras de Morphée l'emportent.

Il a eu tort, de croire que les cauchemars étaient réellement finis. Il a eu tort. Il parle dans son sommeil, une langue inconnue franchie la barrière de ses lèvres. Inconnue, mais pas tellement. L'arabe est une langue qu'il a dû apprendre pour communiquer avec de nombreuses personnes. Il se défend, parce qu'il est là.Ce même gars, avec ses mêmes autres personnes. Il les a oubliés, il les avait oubliés putain. Il supplie qu'ils arrêtent, qu'il a mal. Il bouge dans son sommeil, ça réveille chaque cicatrice longtemps endormie. Il est mort de peur, des larmes glissent sur son visage. Le coup part, dans cette sombre pièce, il s'écroule, sous le rire de deux terroristes. Sauf que cette fois-ci, son rêve change. La réalité met en place des nouvelles pensées, et Callum est avec lui, dans ce songe qui le hante. Achille se voit les supplier de rien faire, il voit cette arme sur la tempe de son amoureux, il suffoque. Et dans ses draps, il bouge, il tape, il se défend. Alors que dans son rêve, il ne bouge pas, sous les menaces d'un couteau sur sa gorge. On le secoue, ses yeux s'ouvrent, sa main, dans un réflexe peu contrôlé s'empare de ce qui s'est toujours caché sous son oreiller. Cette arme, il enlève la sécurité, et il se met à hurler. Il est chez lui. Non, il n'est pas chez lui, il est la bas, dans ses songes, sous le regard de son amant qui vient de mourir sous ses yeux.

Très rapidement, Callum sombre dans un profond sommeil. Il est tellement exténué de ses dures journées au travail qu’il n’est pas difficile pour lui de s’endormir, tant son corps et son esprit sont en manque d’énergie. Il ne va pas sans dire que la chaleur d’Achille l’aide à s’assoupir; il se sent bien si près de lui. Ses rêves sont flous; le genre de rêves qui englobent une panoplie de songes sans but ni lien quelconque. Juste tout plein de souvenirs ou d’idées qui semblent superflues et qui, dès son réveil, partiront aussi vite qu’ils sont arrivés.
Son sommeil est toutefois coupé par l’agitement soudain d’Achille. Callum ouvre l’oeil, quelque peu déstabilisé par les mouvements brusques qu’exécutent son amoureux sous les draps. Il ne comprend pas; il prend quelques instants à remettre ses esprits en place. Il sait qu’Achille a parfois des cauchemars, et ce, bien que la cause de ces derniers demeure encore un sujet tabou. Callum sait très bien aussi qu’Achille a des squelettes dans son placard qui demeure enfermés loin des curieux. D’ailleurs, ils n’en ont jamais réellement parlé, le sujet ravivant trop souvent les traumatismes du passé. Avant même que le jeune avocat n’ait le temps de poser sa main sur l’épaule d’Achille pour le secouer, ce dernier agrippe son arme à feu et le pointe au visage de Callum. Devant cette situation ô combien invraisemblable, son corps se met à trembler, craignant que le pire n’arrive. Il sait qu’il n’est pas dans son état, il comprend que ce n’est pas destiné à lui faire peur ou le blesser, mais il n’en demeure pas moins qu’il est terrifié. « Ach, dépose ton arme », lance-t-il, totalement affolé. « Tu devais être en train de faire un mauvais rêve… T’es ici, avec moi. Lâche ça », poursuit-il, s’approchant doucement de lui. Il est rare pour Callum de ressentir la peur; à vrai dire, il est la majorité du temps un homme brave pour qui rien ne suscite de l’effroi. Mais là, avec ce fusil pointé directement sur lui, prêt à lui déchirer la chaire d’une seule balle, ses sens palpitent comme s’il voit devant lui les derniers instants de sa vie.

Il hurle, il hurle parce qu'il a peur, il hurle parce qu'il n'en peut plus. C'est terrifiant, ses rêves nocturnes. C'est la cause de son malheur, de son manque de sommeil, parce que ce rêve-là est angoissant. Parce que la vision de Callum, de son copain, mort par un de ses types qui a de nombreuses fois tabassé Achille, ça fait peur. C'est le genre de choses qui fait qu'il risque de lutter pour s'endormir. Il y a cette voix, celle qui connaît si bien, qui lui demande de lâcher son arme. Il y a cette autre voix, celle de ce gars, celui qui a brisé la vie d'Achille. C'est un duel. Puis, il y a sa conscience. Il tremble, sa voix est cassée, il a arrêté de hurler. Ses yeux observent chaque détail de sa chambre, inspectant le moindre bruit. Il a chaud, il est en sueur, son coeur s'affole, et il a terriblement peur. Puis il réalise. Ses yeux retrouvent leurs couleurs. Achille tremble, il réalise la scène, il réalise parce que la vérité reprend le dessus. Le passé s'éloigne, et le présent refait surface. « Oh mon dieu. » Ses mots ne sont pas clairs, il a dû mal à parler. Il lâche son arme, d'un seul coup, qui atterrie sur le matelas. Achille a failli le tuer. Il a failli lui tirer une balle dans sa tête. Il a failli tuer son copain. Il le regarde, il est bloqué, il tremble. Puis, il éclate en sanglots. « Je suis désolé. » Ses mains cachent son visage, il efface les larmes, mais d'autres surviennent. Il ne réalise pas. Achille est quelqu'un de dangereux, il l'a toujours su. Il peut vite être violent, s'emporter pour trois fois rien, avoir peur quand un bruit ressemble énormément à quelque chose qui s'assemble à la guerre. Mais ce qu'il vient de faire là, c'est pire que tout. « Call je voulais pas, je voulais pas. » Il est en état de choc. Il panique, il panique et il ses jambes rejoignent son torse. Il se protège, contre lui-même. Ce soir, il avait oublié que les démons étaient encore présent, qu'ils pouvaient le rendre dingue. Achille n'est pas quelqu'un de bien, Achille aurait pu faire un meurtre putain. Il aurait pu perdre l'homme qui fait battre son coeur. Qu'est-ce qu'il a fait ?

Callum est pétrifié. La situation semble lui échapper des mains, tant il est pris à la gorge par l'absence de lucidité de son amant. Il ose espérer que sa voix le ramenera sur Terre, qu'il quittera l'atrocité de ses songes et renouera avec la réalité. Il ne veut pas qu'il tire sur la gachette, il veut qu'il revienne à ses esprits avant qu'il ne soit trop tard. Doucement, Achille semble réaliser ce qui se passe: il est pris dans un effrayant cauchemar qui le force à agir instinctivement, en dépit du fait que le danger est fictif, que la réalité lui octroie toute la sécurité dont il peut rêver. Callum est soulagé lorsque son amoureux lâche larme qui s'abat sur le matelas. De son côté, Achille comprend enfin ce qui se passe et ce qu'il était en train de faire deux secondes plus tôt. Il s'excuse, complètement désemparé et dépassé par les événements. Mais Callum ne peut lui en vouloir; il a un passé trouble qui le torture quand il rejoind les bras de Morphée, le poussant parfois à bout. Il ne sait pas ce qui le hante précisément, et encore moins ce qu'il voit dans ses rêves, mais il sait que c'est horrible. Alors Callum s'approche doucement de lui, lui dit de déplier ses jambes pour ne pas aggraver l'état de ses plaies. Il passe son bras autour de ses épaules et l'attire contre lui, prenant soin de ne pas causer un faux mouvement qui raviverait la douleur physique bien endormie par les analgésiques. "Ne t'en fais pas, c'était qu'un cauchemar", lui souffle-t-il en déposant un tendre baiser sur la temple. "Veux... veux-tu en parler?", s'aventure Callum. Il sait que c'est tabou. Il sait que ça lui fait mal de même y penser. Mais parfois, en parler c'est se libérer. Et peut-être qu'en réalité, c'est tout ce dont il a besoin: être libéré.

La vérité prend le dessus, ses songes s'éloignent doucement et dans les bras de Callum, il réalise ce qu'il vient de se passer. C'est difficile pour lui, de se montrer aussi faible que ça. C'est une part de lui qu'il a toujours voulu cacher, il ne veut pas en parler à son petit ami parce qu'il a peur de le voir partir. Sauf que là, il se doit des explications. Il aurait pu le tuer putain. Perdre l'homme de sa vie, ce n'est même pas imaginable. Dans ses bras, il s'accroche à lui, il calme ses sanglots doucement, en essayent de faire des exercices de respiration, un truc que son psy lui avait conseillé quand il était sorti de l'hôpital, après cette mission catastrophique. Il ne veut pas se taper une affreuse migraine, déjà que depuis qu'il n'a plus les points de suture sur son arcade, ça va mieux, mais là c'est hors de question de souffrir le martyr encore. « Je suis désolé. » Il se répète, mais Callum est incapable de comprendre ce qu'il se passe dans la tête d'Achille. Il est incapable de comprendre qu'il s'en veut, genre vraiment. Qu'il a eu peur pour la vie de son petit ami bien après, qu'il ne réalisait même pas ce qu'il était en train de faire. Alors, il doit lui parler, il doit lui dire la vérité et ne plus se cacher dans un mensonge qui peut le noyer plus facilement. « Je... » Ouais, il doit lui dire, et maintenant. Alors Achille se redresse, enlève les traces de ses larmes sur son visage et se redresse, sans être capable de se retirer de l'étreinte de son amoureux. Il doit lui dire, mais il ne sait pas par quoi commencer.

Depuis l'accident, Callum découvre une version différente d'Achille. Un Achille plus vulnérable, ou du moins, qui accorde suffisamment de confiance à Callum pour lui dévoiler ses craintes, sa douleur et sa tristesse. Avant ça, l'ancien militaire s'efforçait toujours de se la jouer dur, de paraître comme une personne inatteignable par toute émotion négative, outre la colère. Il est ainsi surpris de le voir ainsi, mais se sent choyé d'être la personne qui puisse le voir ainsi et l'aider à travers les étapes difficiles de sa vie, quelles qu'elles soient.
Malgré le soutien qu'il essaie de lui apporter, Callum voit très bien qu'Achille demeure tout aussi affolé. Il est revenu à ses esprits, certes, mais les images qui ont perturbé son sommeil demeurent imprégnées dans sa tête et semblent, aux premiers abords, refuser de le laisser tranquille. Il veut qu'il lui parle. Non pas qu'il meurt d'envie de connaitre les dessous de ses rêves, mais parce qu'il sait que ça lui fera du bien en parler. Et le connaissant, cela ne doit pas être un sujet duquel il a parlé à des gens avant, voir même à personne. Il se charge alors de le tenir près de lui, car il sait que sa présence le calme. "Tu peux me dire, si tu as en envie. Je ne te forcerai pas à m'en parler, mais ça te ferait du bien", le rassure-t-il. Il ne veut pas brusquer les choses. Après tout, ça ne fait que deux semaines qu'ils se sont avoués leurs sentiments. Alors Callum ne veut pas dépasser les limites de leur relation, limites qu'ils n'ont pas encore définies. Néanmoins, il sera là quand Achille aura besoin de parler, que ce soit maintenant ou plus tard.

Il se doit de lui donner des explications. Il ne se force en aucun cas, mais lui dire la vérité... Peut-être que ça peut lui faire du bien, ouais. Puis Callum mérite de savoir toutes les choses horribles qui sont arrivées à Achille. Dans cette relation, Achille ne veut pas de secret. Callum est définitivement trop important à ses yeux pour qu'il se permette de lui cacher des choses. Call ne le force pas, Achille a bien compris ça. Mais il veut parler. Il cherche juste ses mots, il cherche juste à dégrossir la situation. Il ne veut pas lui faire peur, avec des mots violents. Il ne veut pas laisser la colère prendre la situation en mai. Il tient trop à lui pour le laisser lui échapper, et pourtant, il peut presque parier qu'il serait déjà parti s'il voulait le faire. Après tout, Achille vient de le menacer avec une arme, même si ce n'était pas voulu, même si c'était quelque chose d'irréel, que son esprit à jouer et a contrôlé son corps tout entier, Achille aurait pu le tuer. Et Callum aurait pu partir, avec la peur, avec l'envie de ne plus rien avoir à faire avec un fou comme lui. Alors, il se doit de lui donner des explications, d'ouvrir cette porte qu'il a fermée à clef, en se jurant de n'en parler à personne. « J'étais en mission, on devait chopper un gros gars, genre, un gars qui aurait pu faire exploser l'Angleterre, tu vois ? » Les détails de cette mission, il n'en a plus réellement. Il a oublié tout le reste, sa mémoire n'a gardé que la torture, avec des détails bien précis. « Ils étaient deux ou trois, je ne me souviens plus, mais ... Ils m'ont choppé. C'était des gars du même gang, le chef a sûrement dû entendre des choses, peut-être qu'on n'a pas été discret, j'en sais rien. » Il regarde un point fixe, se concentrent sur ses respirations pour ne pas craquer. Il ne regarde pas l'heure sur son radio réveil, mais il sait d'hors et déjà qu'ils sont au beau milieu de la nuit, et qu'après son récit, il va être incapable de s'endormir. « Je suis resté une semaine dans cette pièce sombre, glauque. Ils m'ont torturé, ils m'ont violé, ils m'ont... » Il lève les yeux au ciel, il ne pleure pas. Il s'accroche juste un peu plus dans les bras de son amant, pour être certain qu'ils ne vont pas revenir. « Les cicatrices, c'est les marques de fouet, c'est les lames de couteau, c'est une putain de balle qui s'est atterri en bas de ma clavicule. J'en ai partout, ils m'ont... Ils m'ont juste détruit. » Les larmes coulent, doucement. « J'ai cru que j'allais mourir... » Sauf que c'est après, c'est après qu'il a eu cette sensation de mourir, parce qu'il a complètement changer, il est devenu une autre personne parce que c'est difficile d'assumer la vérité, d'assumer à quel point notre vie est brisé et que remonter la pente... C'est quasi impossible.

La tension est lourde. Callum sent qu’Achille veut parler, il veut se confier. Il sait que ça le démange à l’intérieur, non pas parce qu’il a envie que les souvenirs refassent surface, mais parce qu’il n’en peut plus de renfermer cette douleur. Le jeune homme le regarde et lui sourit un peu, démontrant à la fois qu’il sera à l’écoute si son amoureux décide de lui parler ou si, au contraire, il préfère ne dire mot. Il comprendrait si telle était sa décision, car ultimement, Callum n’a pas envie de le forcer à révéler des choses qui sont trop secrètes ou trop difficiles à évoquer. Mais Achille se décide à se confier. Le jeune avocat est heureux de voir qu’il s’apprête à s’ouvrir, mais il sait que ce qu’il entendra ne sera pas joyeux; que son coeur risque de se serrer à l’entente de ce sombre secret. Alors, il l’écoute sans rien dire. Le récit le fait souffrir d'une façon indescriptible; car l’entendre dire à quel point sa vie a été ruiné, à quel point on a violé son intimité, lui a arraché une partie de sa vie, ruiné son avenir avec des séquelles physiques et mentales inoubliables, c'est insupportable. Ça lui fait juste mal. Personne n’a envie d’entendre qu’un être cher a vécu l’enfer, personne. Callum ne peut empêcher les larmes de lui monter aux yeux, tant il est choqué par ce qu’il entend, tant ça le déchire de voir Achille dans cet état. Il s’est toujours douté que ses cicatrices viennent de la guerre; qu’elles marquent son corps de la plus cruelle des façons. Mais il n’a jamais posé de questions car ça ne le regarde pas, mais surtout, parce qu’il sait qu’il s’agit de la faiblesse d’Achille. Ce passé trouble, c’est la corde sensible de l’ancien militaire. C’est ce qui a fondamentalement noirci son existence; et il n’y a rien que Callum ne voudrait plus que d’illuminer cette partie obscure. Mais ça prendra du temps, de la patience et de l’amour. Et ça, le jeune avocat en regorge.
À la fin de son récit, il le serre dans ses bras. « Je suis tellement désolé que tu aies vécu ça », lui dit-il, quelque peu bouche-bée. C’est si difficile de croire qu’une chose aussi effroyable ait pu lui arriver. Il ne le digère tout simplement pas. « Je ne laisserai jamais personne te traiter de la sorte, je te le promets », enchaine-t-il, la voix tremblante. Il se sent absolument démuni. Il aimerait tous les tuer, ceux qui ont fait du mal à Achille. Les égorger comme des cochons, les regarder se vider de leur sang jusqu’à la dernière goutte. Il voudrait juste les faire souffrir comme ils ont fait souffrir Achille. La frustration et la tristesse accaparent avec violence son corps. Mais malheureusement, il n’y a rien qu’il puisse faire.