Why are we so scared?

La journée s’annonce tranquille. Il pleut dehors et la boutique est déserte. J’en profite pour travailler sur les instruments qui doivent être prêts pour demain. Un violon à terminer et une guitare électrique à réparer. Ça devrait le faire. Je souris. Je suis content d’être là, dans la lutherie. Je me sens tellement chanceux d’avoir pu récupérer mon ancien job. Bon ok, je conçois que les luthiers ne courent pas les rues, mais étant donné que j’ai planté le gérant quand je me suis fait interner à la clinique, je n’avais que peu d’espoir qu’il me reprenne. Faut croire qu’il apprécie mon travail. Ce que j’aime dans ce boulot, c’est la même chose que lorsque je joue du violoncelle : le silence. Quand je suis suffisamment concentré sur ce que je fais, Jace et Nathan restent à carreaux. C’est d’ailleurs quelque chose que j’ai remarqué à la clinique. Ça a toujours été vrai, seulement je ne m’en étais jamais aperçu avant. C’est un peu comme si les instruments et la musique m’apportaient une certaine paix intérieure. Mes médicaments n’ont aucun effet sur mes hallucinations, mais la musique oui. Je trouve ça assez dingue. La cloche suspendue au-dessus de la porte d’entrée retentit, me sortant de mes pensées. Je pose le violon en construction sur la table et sort de l’arrière-boutique pour accueillir le nouveau client. « Bonjour ! » m’exclamé-je avant même d’apercevoir la personne à qui je m’adresse. Je me place derrière le comptoir et je manque de m’étouffer avec ma salive. Je tousse, aussi discrètement que possible. « Que… Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » demandé-je alors que ma voix se barrait légèrement dans les aigus. Oh punaise, Jasp, garde ton calme. Je respire profondément. Ahah ! Toi qui voulais pas le rencontrer, c’est raté ! Je lance un regard noir à Nathan qui se marre comme une baleine à côté. Je prie sincèrement pour ne rien faire de trop bizarre. Je ne veux pas me griller, pas déjà. Mais pourquoi tu lui dis pas qui tu es ? Il est plus sur scène, tu peux lui parler maintenant. L’intervention de Jace est à la fois mignonne et innocente. Il n’a pas idée à quel point je flippe à l’idée qu’il découvre ma réelle identité. Et s’il était déçu ? Et s’il n’avait pas vraiment idée de ce que ma schizophrénie représente ? Trop de choses me font peur et pourtant, il est là, devant moi. Sully. J’t’avoue que j’suis avec l’écureuil sur ce coup-là. Nathan a repris son sérieux et est étonnement calme. Il semble sincère ce qui est plutôt surprenant venant de lui. Non, sérieusement. T’aimes parler avec ce gars-là, il te comprend et tu le comprends. J’dis pas que faut que tu lui sautes dessus, surtout qu’il est pas dispo -quoique si tu veux mon avis, à ta place, j’me le ferai ici et mainte… Beurk ! Bref, fais quelque chose du con. J’me disais bien aussi. Nathan reste Nathan, mais il n’a pas entièrement tort. De quoi est-ce que j’ai peur au juste ? Pourquoi est-ce que les choses devraient être différentes entre lui et moi IRL alors que tout allait bien sur internet ? Jasper ! Jasper ! Jasper ! Jasper ! … Ok, là, il me fout la pression. Breathe and go for it dummy ! Sully s’est approché du comptoir pendant que les deux autres s’exprimaient. J’esquisse un sourire et me lance. « Un problème avec votre guitare ? » demandé-je en pointant l’instrument du doigt. Puis, soudain, je réalise quelque chose… Certes à la clinique, je ne pouvais pas publier de photo avec mon compte sur loverpool, cependant mon métier était bien affiché… Et des lutheries, à Liverpool, il n’y en a pas des masses. Est-ce qu’il est venu me voir moi ? Ou est-ce qu’il a juste oublié que j’étais luthier ? Oh putain, on est mal barré…

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« I remember one evening in the pouring rain,  And in my heart was an aching pain... » et flûte. Il fallait que ça arrive là. Et bien sûr, je n'ai plus de corde… « CAAALEEEEEB ! » aie mes oreilles, c'est plus fort qu'elle. « Faut que j'te dise … bah t'en tires une tête, qu'est-ce qui t'arrive ? » elle me dévisage de la tête aux pieds. Minute, elle est rentrée comment ? « T'as encore le double ? » Et voilà qu'elle lève les yeux au ciel. « Je t'ai dit que c'était pour le bien de l'humanité. » Je souris à sa remarque, l'humanité tu parles, elle veut dire pour son bien à elle. Sûrement une histoire d'enquête ou je ne sais quoi. « Fais gaffe/ » « Oui que l'autre gourde ne le sache pas. » « C'est de ma fiancée que tu parles. » J'aime lui rappeler.  « Et on est chez elle. » Et voilà qu'elle grimace. Pire qu'une gamine. « Ça je peux pas l'oublier, vu ses goûts en matière de décos, bon tu me racontes ? » Je détourne la tête, pas envie. « Fais pas ta majorette choupette et dis-moi tout ! » Et voilà qu'elle me colle à présent, je range Belle à sa place. « Allez, dis-moi, dis-moi, dis-moi. » Pire qu'un perroquet. Je soupire et plante mon regard dans le sien. « J'ai cassé ma corde. » J'aurai pu stipulé que c'était la dernière … « C'est tout ? » Elle se laisse tomber dans le canapé, telle une actrice. « J'ai cru que tu allais m'annoncer que quelqu'un est mort ou j'sais pas une nouvelle pénurie ou autre connerie du genre maritime. C'est rien ! » J'aurai dû parier, je savais qu'elle disait ça. « C'était ma dernière. » « Et ? » Elle plante son regard dans le mien. « T'as qu'à aller chez un marchand ou j'en sais rien moi. » Négatif. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. « Ton gars là, il est ... comment ça s'appelle déjà ? » Oh non, je n'aime pas ça. « Lutheur, Limier, non c'est pas ça. » « Luthier » « BINGO ! Ouais voilà, il peut t'aider ? » Pourquoi est-ce qu'elle se lève ? Et pourquoi elle fait cette tête. « Me dis pas que tu l'as toujours pas rencontré ? » On tourne la tête et on bouge, j'ai pas envie d'avoir cette discussion, pas aujourd'hui. « Non, mais je rêve qu'est-ce que je vais faire de toi ? » Rien probablement, vu qu'elle ne cesse de répéter cette phrase depuis des années. « Bouge ton cul et va le voir ! Bon pas habiller ainsi, non parce que là, t'es pas du tout à ton avantage ! Attends bouge pas ! » Hein ? Pardon ? Elle va où là ? Je rêve ou … je me frappe mentalement, laissant tomber ma tête dans mes mains. Elle est infernale…

Qu'est-ce qui m'a pris ? Sérieusement. Je suis dingue. Il peut très bien ne pas être là. Oui voilà, ce n'est pas le seul Luthier de Liverpool… Oui bon d'après l'annuaire, y en a pas des masses. Oui, mais il bosse peut-être pas aujourd'hui. Oui voilà, il ne bosse pas. Je n'aurai pas dû la laisser rentrer dans ma tête. Mauvaise idée. Je peux toujours faire demi-tour. Sapristi, c'était quoi ce bruit. Non, mais je rêve. Elle me suit en plus ? Elle me fait des signes pour que je rentre, elle avait peur que je m'échappe ou quoi ? Ce qui est vrai, puisque l'envie me démange. Bon, il n'est pas là. Grande inspiration. Tout va bien se passer, je serre Belle, enfin l’étui et je pousse la porte. Je peux le faire. Ce n'est rien, aussi bien il ne va pas me reconnaître, du moins s'il est là. Personne, la boutique est … « Bonjour ! »  … vide. Ceci m'apprendra à vouloir penser trop vite. Saperlipopette, c'est lui. Enfin je crois, non y a pas de doute c'est lui. « Que… Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » Super. Il ne m'a pas reconnu. Soulagement ou frustration, je ne sais pas. Sûrement du soulagement, c'est vrai après tout, c'est juste des mails… Je me suis juste confié à lui, je lui ai juste dit des choses que j'ai dit à personne, hormis Izzy, mais elle ça ne compte pas. Quoique non, je lui ai dit des trucs que j'ai même pas dit à Izzy… Je me racle la gorge. Il faut que j'arrête de le fixer. S'il ne me reconnaît pas, ce n'est pas plus mal ? C'est un signe. Après tout, ce n'était rien. Je m'attendais à quoi ? Qu'il me reconnaisse aussitôt, qu'il soit heureux de me voir, en vrai ? Je n'en sais rien, pour dire, je m'attendais à rien. J'y avais jamais songé… « Un problème avec votre guitare ? » Hein ? Je relève les yeux vers lui, je me suis même pas rendu compte que j'avais bougé. A croire, que mon corps me dit d'avancer, alors que ma tête me dit de fuir. « Euh … Bonjour … euh .. » On se reprend. Je me racle à nouveau la gorge. On va faire croire que j'ai un chat dans la gorge, ça va passer inaperçu. « Excusez-moi. Oui, j'ai un souci de corde, j'ai cassé la dernière ce matin. » Et ma meilleure amie m'a forcé à venir te voir, car d'après elle tu es le mieux placé pour m'aider et qu'accessoirement ça serait un super moyen de rencontre. Je passe les sous-entendus cochons qu'elle a pu me sortir après. Elle se fait vraiment des idées par rapport à tout ça. « Et comme j'ai un petit concert prévu demain soir, je me suis dit qu'il fallait que je l'emmène chez le médecin. » Pourquoi je parle ainsi ? On dirait un débile. Un médecin, vraiment ? Et le pire, je n'ose même pas le regarder dans les yeux. Je ne sais pas pourquoi. « Vous pouvez m'aider ... » Foutu, j'ai craqué … Il faut que je détourne mon regard ou il va me prendre pour un sociopathe.

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J’ai beau l’avoir là, en face de moi, j’ai du mal à croire que c’est bien lui. Je ne l’ai encore jamais vu d’aussi près. Plusieurs fois, je me suis rendu à ses petits concerts, mais jamais je n’ai osé aller le voir pour lui dire : hey, salut, c’est moi. Pourquoi ? Parce que j’aime ce qu’on a et que je ne veux pas que les choses changent. Je n’aime pas le changement, ça ne m’a jamais trop réussi. Non, mais c’est vrai, quand on y regarde de plus près, c’est un changement, la mort de mes parents, cette séparation forcée, qui m’a rendu barge… enfin j’abuse, mais ça n’a pas aidé. Parce que bon, faut pas se mentir, c’est lorsque j’ai débarqué chez Papy Earl à Liverpool que mes hallucinations ont débuté. Le psychiatre qui m’a suivi pendant six mois approuve mon raisonnement. C’est quoi qu’il a dit déjà ? Ah oui, la disparition soudaine de mes parents à induit une cassure psychologique chez moi et étant déjà sujet de schizophrénie, bien que très légère, ça a explosé. Ouais, je paraphrase, il a peut-être pas dit ça mot pour mot. M’enfin ça se vaut. Et ce n’est pas important. Je soupire intérieurement. Enfin disons que si j’avais pu soupirer sans que ça se remarque, je l’aurais fait. Donc tu vas pas lui parler ? me demande Jace. Honnêtement, je n’en sais rien. Cherche pas, c’est une couille molle. Que d’amour, c’est fantastique… Je m’applique comme je peux pour ignorer Nathan. Je n’ai aucune envie de me laisser influencer par ses conneries. Et il manquerait plus que je m’emporte et que je commence à parler tout seul devant Sully. Nan. « Euh … bonjour … euh ... » Il a l’air encore plus mal à l’aise que moi et ça me perturbe. Je me demande vraiment s’il sait qui je suis et s’il est venu pour moi. Je sais que c’est très égocentrique et qu’il faut que je me rende à l’évidence que clairement le monde ne tourne pas autour de moi, pourtant je ne peux m’empêcher de me poser cette question. Ouais, m’enfin, s’il est comme toi, vous êtes pas prêts de nous jouer les retrouvailles passionnées. Nathan secoue la tête, désabusé, alors que Jace lui acquiesce absolument à tout ce que son comparse raconte. Je regarde Jace presque triste pour lui ; il est trop facilement influençable. Pff, tu t’cherches des excuses pour te défiler. J’l’influence pas là. J’ai juste raison, c’est tout. Parfois, je me dis que ce serait cool de pouvoir le bloquer par la pensée. Bon sang, j’aurais enfin la paix !  « Excusez-moi. Oui, j'ai un souci de corde, j'ai cassé la dernière ce matin. » Sully me sort de mes rêveries et c’est surement pour le mieux. Instinctivement, je tends le bras en direction de l’étui, mouillé par l’eau de pluie, que Sully tient encore dans ses mains, puis je l'installe sur le comptoir, pressé de découvrir l'instrument. « Et comme j'ai un petit concert prévu demain soir, je me suis dit qu'il fallait que je l'emmène chez le médecin. » Il continue de parler et soudainement, je relève la tête. Surpris. Un petit concert demain soir ? Mais depuis quand ?! J’suis pas au courant. Pourquoi j’suis pas au courant ? Ah bah, il n’veut plus te parler en fin de compte ! Nathan se marre pendant qu’intérieurement je rage. Bizarrement, Jace n’acquiesce pas. Il regarde ses pieds. « Vous pouvez m'aider ... » C’est mon métier, je fais ça tous les jours, bien sûr que je peux l’aider. Je me sens soudainement moins content de le voir. Pourquoi est-ce qu’il ne m’a pas dit qu’il avait un concert de prévu ? Je commence à me demander si l’autre n’a pas raison. J’ai ouvert l’étui depuis que je l’ai posé sur le comptoir, et je commence à examiner les cordes pour lui trouver les mêmes ou voir si je ne peux pas lui proposer quelque chose d’un peu mieux. « Un concert demain soir, hein ? » Je ne réalise même pas que j’ai dit ça à voix haute. Pour tout dire, je suis entre deux stades : celui de réflexion intensive et celui de grande concentration. En théorie, les deux ne sont pas compatibles… peut-être que c’est même le cas en pratique. Je n’en sais rien et je m’en fiche. Putain, j’ai l’impression de bouder comme un gosse. « Hormis des nouvelles cordes, vous faudra autre chose ? » demandé-je presque bougon. Je me dirige vers l’une des étagères pour regarder les sets de cordes qui pourraient convenir. Je me rends compte que mon sourire s’est envolé. Je ne sais même pas à quel moment c’est arrivé. Je me sens bête d’avoir pensé que je pouvais avoir de l’importance pour lui. Visiblement, c’était une erreur. J’attrape les cordes puis inspire profondément. Aller, c’est un client comme un autre, on reste accueillant et poli. En me retournant, j’affiche un petit sourire … forcé. Et apparemment, ça se voit. Nathan plonge sa tête dans sa main.

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Je n'aurai pas dû venir. Mauvaise idée, très mauvaise idée. Pourquoi est-ce que je l'ai écouté ? Elle ne pouvait pas s'abstenir de rentrer dans ma tête. La preuve, il ne m'a pas reconnu. Ce n'est pas comme-ci je m'attendais à quelque chose. Non, vraiment je ne sais pas ce qui m'a pris de l'écouter. Il est bien trop tard pour faire demi-tour. J'aurais l'air de quoi si je partais maintenant ? D'un fou ? D'un sociopathe, ce qui pourrait-être le cas, vu la manière dont je le regarde. S'il ne prend pas peur, c'est une chance. Il faut que je regarde ailleurs, oui, mais où ? Et puis j'en ai pas vraiment envie. Il me plaît son regard. Pardon ? Pourquoi je pense ainsi et puis surtout pourquoi je parle de cette façon. Je me reconnais pas. Ou je suis peut-être moi et j'en ai pas l'habitude … Allez savoir. Il me perturbe et ça me perturbe ! Je suis censé dire ou faire quoi ? Y a aucun livre qui existe sur ce genre de situation. Et je ne suis certainement pas Izzy. Je ne suis pas doué avec les gens comme elle. Ce n'est pas moi qui vais vers eux, c'est eux qui viennent à moi la plupart du temps. Pour le boulot, c'est autre chose, je n'ai pas le choix. Je dois d'abord me calmer, ce qui est plus facile à dire qu'à faire. Surtout là. Je ne sais pas pourquoi je réagis ainsi, ce n'est que lui. Justement c'est lui ! Et il me reconnaît pas. Ou alors il m'a reconnu, mais il fait genre qu'il ne m'a pas reconnu … Nœud à la tête : bonjour ! Bon il me reste plus qu'une stratégie à adopter : que ferait Izzy ? Est-ce la bonne technique … pas sûr ! « Un concert demain soir, hein ? » Pardon ? J'étais pris dans mon nœud que j'en ai oublié la réalité, comme à chaque fois que je lui parle. Sauf que quand je lui parle, je suis derrière un ordi, c'est plus facile. Là, j'ai l'impression de gravir des montagnes. Et puis c'est quoi ce ton ? J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Je n'ose plus ouvrir la bouche. Je le savais qu'il ne fallait pas que je vienne. « Hormis des nouvelles cordes, vous faudra autre chose ? » Mais euh … j'ai fait quoi moi ? J'ai dit quoi de mal ? Pourquoi qu'il me tourne le dos ? Sûrement pas pour que je regarde ses fesses. Et puis pourquoi je les regarde d'abord ! Aaaah ! Je suis perdu. Bon que ferait Izzy si elle était à ma place ? Elle parlerait, comme à son habitude. « Euh … Oui c'est pas vraiment un concert, c'est plutôt une scène ouverte. Ma meilleure amie a eu la brillante idée de m'inscrire et je n'ai pas su lui dire non … Ce n'est rien de très extravagant ou important enfin ... » On respire. Je n'ai jamais parlé aussi longtemps. « Enfin je veux dire non ce n'est pas important, quoique je sais pas. Je suis pas doué en soit, c'est juste pour le plaisir. » Il est où le bouton stop. Je suis littéralement en train de perdre mes moyens ! Et lui il m'a fait un sourire assez méchant, je veux ma Izzy et vite ! Oui, je veux m'enfuir et pleurer tout mon désespoir dans un pot de glace ! Qu'est-ce qui m'arrive … Gifle mentale ! « Enfin ça pourrait être une soirée importante, si j'ose demander à la personne de venir, mais comme je n'ai pas encore ... » OH MON DIEU ! Je suis abruti ! J'ai oublié de l'inviter, alors que je voulais qu'il vienne. Je lui parle toujours de mes concerts ou scènes, mais là. Là j'ai oublié de l'inviter et c'est demain. Je mérite des gifles, mais comment ? Pourquoi ? Que ? Oui, je n'ai pas d'explication à cette réponse et je me sens pas bien. Con surtout, bien que je n'ai pas ce mot. Il est impoli et peu courtois. « Je viens de me rendre compte que j'avais oublié d'inviter cette personne ... Pardon. Surtout qu'elle est assez spéciale pour moi et comment dire je savais pas trop comment faire… » Je parle à voix haute là ? Vraiment ? « Euh pardon, oui c'est tout ce qu'il me fallait, désolé de vous avoir dérangé. » Je n'ose même plus le regarder dans les yeux. Il faut que j'arrête d'agir comme Izzy, ça ne me réussit pas. Absolument pas. Parler ce n'est pas mon truc.

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Je savais que Sully avait de l’importance pour moi, mais je ne pensais pas que ses actes ou ses mots pourraient me toucher autant. Savoir qu’il pourrait ne pas me parler de l’un de ses concerts alors que ça fait partie des petites choses qui comptent dans notre relation - aussi étrange soit-elle - me fait comme un pincement au cœur. C’est peut-être stupide, je n’en sais rien, mais je pensais vraiment que ça lui tenait à cœur de me parler de sa musique. C’est bien c’que je dis, il n’veut pas d’toi en fait. Je lève les yeux au ciel. Se contrôler et ne pas commencer à parler tout seul. Il ne manquerait plus que ça. C’est que ça me démange vraiment de lui répondre à ce petit emmerdeur… qu’il s’occupe de ses propres fesses. Je reporte mon attention sur Sully qui s’embrouille tout seul. Je perds rapidement le fils de ses paroles, je ne comprends même pas pourquoi il se donne la peine de se justifier. C’est un peu comme si on était en primaire, qu’il avait invité toute la classe à son anniversaire, mais qu’il avait oublié de me donner mon carton d’invitation et qu’il essayait de s’expliquer pour se faire pardonner. Ça me donne une sensation étrange. Une impression de déjà-vu. Sauf qu’à l’époque, je n’étais pas invité on purpose… et non pas parce que mon carton d’invitation avait été perdu ou était malencontreusement passé à la machine à laver. Oui, ce sont de vraies excuses que des gamins m’ont sorti. C’est triste, j’étais bizarre petit. M’enfin… ça, ça n’a pas beaucoup changé. Je le vis juste beaucoup mieux maintenant. « … Je suis pas doué en soit, c'est juste pour le plaisir. » Cette phrase me sort de mes pensées et j’arque un sourcil. Pas doué ? Mais il est génial ! Comment est-ce qu’il peut en douter ? Il ne semble pas remarquer la surprise sur mon visage puisqu’il continue de s’enfoncer encore et encore. Bientôt, il n’y aura plus qu’un cheveu en bataille pour dépasser de la terre. Cette idée m’amuse, j’esquisse un léger sourire. Sourire qui s’agrandit au fur et à mesure qu’il continue de parler. Jace, accoudé sur le comptoir, le menton dans ses mains, a l’air d’apprécier le spectacle. Je dois avouer que je partage son sentiment. Les mots qui sortent de la bouche de Caleb me plaisent assez. Plus il parle, plus je me rends compte que mes doutes étaient infondés. Il est sais qui je suis, ça, j’en ai maintenant la certitude. Il n’est pas venu dans ma lutherie par hasard. Et il a vraiment oublié de me parler de son concert, ce n’était pas volontaire. Ça se voit à la façon dont il parle de cette fameuse personne. C’est peut-être un peu présomptueux de ma part d’être persuadé qu’il parle bel et bien de moi, mais je ne peux m’en empêcher. Ce n’est pas comme si je ne le connaissais pas après tout. Certes, nos conversations ont été majoritairement virtuelles, mais ça ne veut pas dire qu’elles n’étaient pas vraies pour autant. Mon sourire toujours accroché à mes lèvres, je ne relève pas tout ce qu’il a pu dire jusque-là. Je me contente simplement de rebondir sur sa dernière phrase, soit les cordes de sa guitare. « Est-ce que je vous les installe ou préférez-vous le faire vous-même ? » Je reste très professionnel, peut-être même un peu trop, mais j’ai totalement perdu l’air bougon qui refusait de quitter mes traits quelques minutes plus tôt. Oh bon sang Jasp… fais quelque chose, dis quelque chose ! Je tourne légèrement la tête pour fusiller Nathan du regard. Come on ! J’te trouve peut-être chiant au possible, mais c’type-là, il te plait vraiment ! Tu sais qu’c’est lui. Il sait qu’c’est toi, si tu fais rien, il s’passera jamais rien ! Bouge ton cul, merde ! J’essaye de l’ignorer, mais c’est vraiment difficile. Surtout que je pense que, pour une fois, il est vraiment possible qu’il ait raison. Jace s’est redressé et commence à faire des gestes qui m’indiquent de me jeter à l’eau. Nathan, lui, les bras croisés sur sa poitrine, secoue la tête d’un air désapprobateur. Allez ! Prouve moi que j’ai tort et qu’t’es pas vraiment une mauviette ! Mais faites qu’il se taise ! Je repose mon regard sur Sully. Il porte vraiment bien son pseudo. Un vrai nounours. Un nounours sacrément beau gosse soit dit en passant. Non, mais regardez-moi ces yeux… JASP ! Oui, c’est bon, c’est bon. Je souffle un bon coup. Inspire un bon coup. Recommence. Faut que je me lance. Allez… go ! « Sérieusement, plus ridicule, y’a pas. » What ? Pourquoi est-ce que c’est sorti comme ça ? Il me regarde avec de grands yeux. Est-ce qu’il pense que je le trouve ridicule ? Oh non… non ! « Non, pas toi… » Et voilà que je me mets à le tutoyer, c’est quoi ça encore ? Aaaaaah ! « Nous deux, j’veux dire. Enfin regarde, on est aussi gauche l’un que l’autre. On va pas s’mentir, tu sais très bien qui j’suis, comme je sais très bien qu’t’es Sully. T’es pas arrivé là par hasard. J’veux dire des luthiers, y’en a la masse à Leeds. » Je marque une pause pour reprendre mon souffle. J’ai tout déballé sans prendre le temps de respirer. Faut croire qu’il me rend vraiment nerveux. Les applaudissements de Jace et Nathan en bruit de fond me font sourire. J’ai réussi. Je suis plutôt fier de moi. Je me permets quand même de rectifier quelque chose. « Et je t’interdis de dire que t’es pas bon ! Tu sais qu’tu l’es, tu veux juste pas l’admettre. »

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J'ai l'impression d'avoir de nouveau cinq ans. Je suis pris la main dans le sac. Seulement je n'ai pas Jules ou Izzy pour me défendre. Non, je suis seul face à lui. Bon ce n'est pas comme-ci c'était une de ces brutes épaisses qui s'amusaient à me tyranniser gamin. Non, lui c'est lui… Bien joué, dans le genre descriptif, on ne peut pas faire mieux. J'ai l'impression que plus je dis quelque chose et plus je m'enfonce. Jules n'arrêtait pas de me dire, que je ne parle pas beaucoup, mais lorsque je parle, c'est souvent important et trop. Je suis dans l'excès, je le sens, mais c'est plus fort que moi. Limite ma bouche s'ouvre toute seul et les mots sortent. Je n'ai pas le temps de penser à ce que je vais dire qu'ils ont déjà franchi le seuil de ma bouche. Pourtant ce n'est pas mon genre, je pense toujours avant d'agir, toujours et là… Là rien. J'ai l'impression d'être devant, devant quoi d'ailleurs ? Je ne peux pas dire le néant ou le vide. Quoique le vide est une bonne métaphore pour décrire ce qui se passe. Je ne contrôle rien, je ne sais pas ce qui se passe et je dois bien avoue que ça me fout la trouille. Plus on parle et plus quelque chose se passe en moi. Un truc que je n'arrive pas à expliquer, un truc qui me renvoie à mon passé. La dernière fois que j'ai ressenti ça, j'avais quinze ans et là j'en ai le double. C'est un truc en fonction de mon âge ou qui se passe tous les quinze ans ? Je n'en sais rien et j'aimerais bien qu'on m'aide à y voir plus claire ! En plus, c'est de la triche, lui il a des aides, moi je suis seul. Enfin aide, j'entends par là, qu'il n'est pas seul dans sa tête. Je le juge pas, ça m'a intrigué au début et je trouve ça cool dans le fond. Bon ce n'est pas une maladie facile à vivre, mais dans ses mots je me suis compris. Je n'ai peut-être pas de personne qui m'aident, parce que dans le fond ils l'aident un peu, mais je me sens bien seul et étrange par moment. J'ai souvent été pointer du doigt à l'école à cause de ça, de ce que j'étais, du fait que j'étais seul. La solitude ne m'a jamais effrayé, j'ai toujours aimé me réfugier dans mes livres et ma musique. Mon petit hâve de paix. C'était ça qui détonnait chez moi, le fait que je me suffise à moi même. D'après les autres, l'homme ne peut pas être seul et pourquoi pas ? C'est vrai que parfois c'est pesant, mais je préfère ma compagnie à celle de quelqu'un qui me comprend pas … Et je ne sais pas pourquoi le visage de Caiti m'apparaît en pensant ça. Elle me comprend, mais pas comme lui. L'idée est terrifiante, je suis censé passer le reste de mes jours avec elle. Et pourtant je me sens bien mieux avec lui, qu'au côté de Caiti. Nous sommes ensemble depuis trois ans et je lui ai jamais parlé comme je lui parle. Je ne sais pas pourquoi. Je pense que ça ne s'explique pas. Ou alors je suis complètement perdu, encore plus que d'habitude, mais je n'ai pas envie de penser à elle et ce truc. Enfin je devrais dire mariage. Ce n'est pas ma priorité du jour. Pour l'heure, il faut que j'évite de faire une crise d'angoisse, il y a a mieux comme première impression. Il faut que je reprenne mon calme, que je pense à quelque chose d'apaisant, où mais quoi ? Lui ? Pourquoi. Je dois bien avouer que ses yeux m'apaisent, mais en même temps j'ai peur de son courroux. J'ai l'impression d'avoir fait une bêtise en oubliant de l'inviter. Ce n'était pas voulu et je ne veux pas qu'il m'en veuille pour ça. Je n'ai pas la tête en place en ce moment, c'est en partie de sa faute. Je me tairais bien de le dire, puisque je ne suis pas censé savoir qui il est, alors que je sais parfaitement qui il est. Suivez la logique. Bientôt je vais me faire des nœuds mentales, si ce n'est pas déjà le cas. « Sérieusement, plus ridicule, y’a pas. »  Pardon ? Je sens mes yeux qui s'ouvrent en grand et mon cœur qui s'est arrêté pendant un instant. Il veut me faire faire une crise cardiaque ou bien ? On se calme. Respire. Expire. Je suis au bord du malaise. Un peu d'air ou de l'eau serait la bienvenue. Je me recule un instant, manquant de faire tomber quelque chose. Pourquoi je suis venu ? Je n'aurais pas dû !  « Non, pas toi… » GNAN ? Là je pige plus rien. J'ai l'impression d'avoir la même tête que l'un de ces minions qui ne pigent rien. Pourquoi je pense à ça ? Parce qu'Izzy n'arrête pas de dire que j'ai une tête de nounours, d'un truc trop mignon. Et elle les trouve mignon, tout comme ce truc poilu de monstre et compagnie. Non je ne vais pas faire de l'hyperventilation. Je peux me contenir. On y croit.  « Nous deux, j’veux dire. Enfin regarde, on est aussi gauche l’un que l’autre. On va pas s’mentir, tu sais très bien qui j’suis, comme je sais très bien qu’t’es Sully. T’es pas arrivé là par hasard. J’veux dire des luthiers, y’en a la masse à Leeds. » Je … pardon… Je …  « Et je t’interdis de dire que t’es pas bon ! Tu sais qu’tu l’es, tu veux juste pas l’admettre. »Je … Je le regarde reprendre ses esprits. Je suis là comme un con, j'ouvre la bouche, mais rien ne sort. Absolument rien. Je reste pétrifier par ce qu'il vient de dire. Ça devrait me rassurer, me pousser à me détendre, mais ça fait l'effet inverse. La chaleur qui m'a pris il y a quelques minutes a finit par monter jusqu'à ma tête. Oh bah c'est flou d'un couupp …  « Sully » Hein ? De qui ? De quoi ? J'ouvre un œil, puis un second. Une ombre est penchée sur moi, j'entends une voix au loin, ah non pas si loin. Près, plus près que dans mes souvenirs. « oh un ange. » dis-je en souriant. Je cligne des yeux et là tout me revient, petit à petit. Des instruments autour de moi. Et puis lui. Il me parle, mais pour tout avouer, je n'écoute pas vraiment. Il s'est passé quoi là ? Oh non, je m'étais promis de ne pas flancher. Vu les fourmis que j'ai dans les jambes, j'ai flanché. Et pas qu'un peu. « De l'eau. » finis-je par dire, la gorge bien sèche. Mais quel con je fais ! Vive la rencontre. Et là tout me revient, ses derniers mots. « Tu … tu me trouves … y a plusieurs Luthier à Leeds ? » Traduction ? Et je l'entends rire, et je ne comprends pas tout. Je me suis pas fait une commotion, il manquerait plus que ça. Ma tête a l'air d'aller, tout est à sa place. Et j'allais dire quoi ? Qu'il m'aime bien ? Qu'il me trouve douer ? Allez savoir, je ne sais pu ce que mes pensées veulent me faire dire ! En tout cas, je suis bien assis, au moins je ne peux plus tomber plus bas !

Why are we so scared?

Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce qu’il ne dit rien ? Non, mais sérieusement, faut qu’il dise quelque chose. Il me fait peur là. Je commence à regretter d’avoir écouté Nathan. Depuis quand est-ce que c’est une bonne idée d’écouter Nathan de toute façon, hein ? Eh ! Je t’entends, tu sais ? Oui, je sais et je m’en fiche. J’ai les mains qui deviennent rapidement moites et je peux entendre mon cœur battre dans mes oreilles. Je me demande ce qui est train de se passer dans sa tête. Euh… Il est pas un peu pâle le monsieur ? Je penche légèrement la tête sur le côté comme pour mieux voir. Si, peut-être un peu. Je pose la guitare sur le comptoir devinant que quelque chose se prépare même si je suis incapable de dire de quoi il s’agit. Quand je me retourne pour de nouveau faire face à Sully, je le vois flancher. Instinctivement, je fais un grand pas en avant et l’attrape dans sa chute, l’allongeant sur le plancher. Ah bah ça y est, tu l’as tué. Et c’est qu’il se marre en plus ce con ! Je laisse échapper un grognement. « Oh ça va, ta gueule ! » Maintenant que Sully est inconscient, je peux me permettre d’enfin répondre à Nathan. Cependant, cette situation ne m’enchante pas pour autant. A genoux, je me penche au-dessus du jeune homme, vérifiant tout de même son pouls du bout de mes doigts. Le contact entre ma peau et la sienne provoque en moi un énorme frisson. Woah. Et si t’essayais d’le ranimer plutôt que d’abuser d'son corps ? Mais de quoi est-ce qu’il parle lui encore ? Je soupire bruyamment tout en secouant légèrement le bel inconscient. « Sully … Sully, réveille-toi. » C’est débile de dire ça, ce n’est pas vraiment comme si il dormait. Mais ça ne me semble pas totalement déplacé non plus. Bon sang, c’est qu’il commence sérieusement à me faire peur. « Sully. » Ah ça y est, il rouvre les yeux. J’esquisse un sourire anxieux. Je me demande bien ce que j’ai pu dire de décalé au point de le faire tomber dans les pommes. Ce n’est pas comme si je lui avais fait une déclaration d’amour ou quoi que ce soit. J’ai juste dit qu’on avait l’air débiles tous les deux à prétendre ne pas savoir qui nous étions respectivement. « Oh un ange. » Un quoi ? Un rire sincère s’échappe entre mes lèvres alors que Nathan se permet un nouveau commentaire en ricanant : il a dû se cogner la tête vachement fort. Je recommence à l’ignorer et rien que pour cette raison, il me fait un joli doigt d’honneur. J’ai qu’une envie : lui tirer la langue, mais non, ça n’arrivera pas. « De l’eau. » Rapidement, je me remets debout et pars dans l’arrière-boutique lui chercher une petite bouteille d’eau ainsi qu’une barre de chocolat. Lorsque je reviens lui apporter, il s’est redressé en une position assise. Je m’accroupis devant lui et lui tends la bouteille, puis la barre chocolatée. « Tiens, et mange ça, ça te fera du bien. » Il a l’air totalement perdu, et malgré les circonstances, je trouve ça affreusement mignon. J’esquisse un sourire en coin alors qu’il se remémore ce que je lui ai dit avant qu’il ne perde connaissance. « Tu … tu me trouves … y a plusieurs luthiers à Leeds ? » Je me remets quelque peu à rire. J’attends qu’il se remette un peu de ses émotions avant de changer de sujet, espérant peut-être le mettre un peu plus à l’aise. « Alors, tu comptes m’inviter à ton concert un jour ou bien ? » J’utilise bien sûr le ton de la plaisanterie, j’essaie de détendre un peu l’atmosphère. Je ne suis pas convaincu que ça fonctionne.

Why are we so scared?

Tout commence à reprendre place dans ma tête. Les mots circulent tel des voitures en action. Techniquement j'imagine plus que ceux sont des vélos, ou des tortues et parfois un train passe, déchirant tout sur son passage. Là, le train n'est pas passé, mais plus un avion qui a percuté tout sur son passage. Je suis tombé. La tête la première, j'ai flanché. Je peux déjà entendre les rires d'Izzy et ce qu'elle va me dire : petite nature. Jules serait encore là, il me le dirait aussi. Je viens de faire un malaise. Un malaise ! Il faut que ça m'arrive à moi, c'est une caméra cachée ou bien ? Vive la rencontre. Je ne sais pas pourquoi j'ai réagi ainsi, en même temps, on ne prévoit pas de faire un malaise. Jules m'a toujours dit que j'étais un être bien trop fragile, et ça ne s'est pas arrangé après son départ. J'ai envie de dire que c'est même pire, c'est en parti pour ça que je ne bois pas. Enfin non  ça c'est autre chose, mais bon j'évite les endroits qui pourraient conduire à un stresse trop intense pour mon corps. Je ne comprends pas pourquoi j'ai réagi ainsi… D'un sens, je me comprends pas. En sa présence, je ne sais pas. Me raclant légèrement la gorge et récupérant mes émotions. Un malaise. Ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Il faut dire que j'évite bien les situations, mais là, il m'a pris de cours. En soit, ce n'est rien, mais je ne sais pas. Je crois que j'étais trop stressé. Elle va m'engueuler la miniature quand je vais lui dire. Oh ça oui ! Je vais y avoir le droit. Passant une main dans mes cheveux, je n'ose plus bouger. Il est parti où ? Quoi ? Je lui ai fait peur ? Ah bah bravo ! Manquait plus que ça ! En même temps, je le comprendrais, je suis un déchet ambulant, il aurait raison de partir. On se connaît pas encore, enfin pas physiquement et je m'effondre devant lui. Qu'est-ce qu'il va penser ? Hormis que je suis une petite nature. Il n'aurait pas tort. Je n'y peux juste rien si en sa présence, je perds le contrôle de mon corps et de mes pensées. Son visage m'apparaît de nouveau.  Je me sens mieux là. Il va falloir qu'il arrête de me faire de tel frayeur, je tiendrais jamais moi. Ou alors que je me mette au yoga. Une idée à évaluer. Être plus calme. Je le suis en temps normal, enfin pas vraiment dans ma tête, mais je devrais y arriver. Toute façon la première étape est passée. Qu'est-ce qui peut arriver de pire que ça ? (si sage …   ) « Tiens, et mange ça, ça te fera du bien. » A son contact, ma peau frisonne. Mon cœur s’accélère encore et ça serait cool qu'on se calme ! Je n'ai pas envie de flancher à nouveau ou pire de faire un arrêt cardiaque. Je sens aussi que mes lèvres bougent, je peux sentir le sourire se créer doucement, ne changeant pas mon regard de trajectoire. Lui. Mon sourire est naturel, vrai et sincère, le sien m'apaise et me rassure. Drôle de sensation. J'ai l'impression d'être un gamin devant le ciel étoilée. A l'époque, ce n'était pas le sapin de noël qui me faisait frétiller, mais plus les étoiles, les rues qui scintillent, brillent de mille éclat. J'adorais me poster sur le toit pour admirer tour ça. Les mots se bousculent devant la porte de sortie. J'ai l'impression de voir des passages qui veulent à tout pris sortir. Le sens n'est pas là. C'est illogique et incompréhensible et ça le fait sourire. Ce qui me plaît. Je ne sais pas pourquoi, mais sa réaction me plaît. Je me sens idiot, mais il me le fait pas sentir. Et là Izzy dirait : c'est un mec bien, garde le ! Ou alors elle dirait, fonce saute lui dessus. Je pense que l'option deux serait plus probable, mais ce n'est pas moi. Et puis quand j'essaie d'être dans sa peau, ça finit mal : la preuve. « Alors, tu comptes m’inviter à ton concert un jour ou bien ? » J'avale une gorgée. Il faut que je me détente. Ce n'est que Jasper … tout paraît plus simple derrière un ordi. « Tu .. tu veux vraiment venir ... » Pourquoi j'ai dit ça. Non mais franchement. « Tu sais c'est rien mais .. je sais pas pourquoi j'ai réagi ainsi. Pardon. Non mais il a fait chaud d'un coup et puis toi t'es là et tu me dis tout ça. Et puis j'ai cru que tu m'avais vraiment pas reconnu et ça m'a fait un truc et là je me suis rendu compte que j'avais oublié de t'inviter et ça aussi je m'excuse encore .. » pourquoi est-ce qu'il rigole. Oh ! « J'ai recommence c'est ça .. pardon » Je me sens tellement minable. Il fait comment lui pour gérer bien cette situation ? J'ai vraiment l'impression d'être à nouveau un gosse. Jasper me paraît si .. impressionnant et moi je suis si .. ridicule. « Oui je veux vraiment que tu sois là ... » je n'ai même pas le cran de le regarder dans les yeux. Minable. Je joue avec l'étiquette de la bouteille d'eau. Signe que je suis stressé. Pourquoi ? Après ce qu'il vient de me dire, je devrais être content, il me trouve douer en plus de ça. Quand je dis que je suis minable, un vrai gamin. Je me racle la gorge et relève mon regard vers lui. Allez prend ton courage à deux mains … « Jasper est ce que tu voudr… shit attend. » ma jambe vibre, c'est quoi ce délire. Je cherche le truc en question, qui n'est autre que mon téléphone. Il manquait plus que ça. J'ai été coupé dans mon élan. Et mon père qui me rappelle à l'ordre. Lui aussi il m'énerve. Je souffle en regardant le message. Reportant mon attention sur lui. « Désolé le boulot ... »

Why are we so scared?

A le voir aussi confiant sur scène, derrière sa guitare, je n’aurais jamais imaginé que de simples mots pourraient l’amener à perdre connaissance. Non, je crois clairement que je m’attendais à tout sauf à ça. Pourtant, je ne suis pas totalement débile. On a beaucoup parlé tous les deux et j’ai me suis bien aperçu qu’il manquait cruellement de confiance en lui et qu’il était bourrée d’une innocence hors du commun. C’est d’ailleurs ce qui m’a le plus attendri chez lui au début. Il me fait beaucoup penser à Jace, en peut-être un peu plus mature quand même. Je pense d’ailleurs que c’est pour cette raison que Nathan l’apprécie autant. Attends une minute, j’ai jamais dit que je l’aimais bien moi c’te p’tite nature ! Un léger sourire parcourt mes lèvres. Il a raison, il ne l’a pas dit. Seulement, je sais pertinemment que s’il ne pouvait pas le voir en peinture, il se serait donné à cœur joie pour me le faire comprendre. Parce que des gars et des nanas qui ne lui plaisaient pas, j’en ai rencontré une petite poignée, et mon dieu, ce que c’était invivable. Imaginez un peu vivre dans un immeuble où l’alarme incendie est enclenchée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Eh bien dites-vous que c’est deux fois pire quand je me mets à fréquenter quelqu’un que Nathan ne peut pas blairer. Et en général, quand Nathan gueule, Jace pleure… Je ne vous raconte pas le bordel que ça donne. Non, là, je sais qu’ils n’ont rien contre Sully et ça me rassure, parce que ce gars-là, je l’aime vraiment beaucoup. Je ne dirais pas que je l’aime avec un grand ‘A’, juste que passer du temps à lui parler m’apaise. Il me comprend vraiment, et je pense que je le comprends aussi. Depuis que je me suis inscrit sur ce site de rencontres à la clinique et que j’ai cliqué sur son profil, ma conception des choses, de la vie, tout à changer. Et pourtant, ce n’était pas ce que je cherchais à la base. De quoi, l’amour ? Un coup d’œil à Jace, j’arque légèrement mon sourcil. Est-ce que c’est vraiment ça que j’ai trouvé en Sully, l’amour ? Je n’en ai pas la moindre idée. Le fait est que je cherchais simplement à m’évader de la clinique, ne serait-ce que pour que le temps d’un mail par jour. Je voulais me sentir normal et non complètement taré. Je le suis peut-être, taré. Enfin, je pense qu’il s’agit surtout d’une question de point de vue. J’ai une maladie mentale. Par définition, je suis taré.

Je lui tends la bouteille d’eau ainsi qu’une barre chocolatée, et lorsqu’il s’en saisit, sa peau frôle la mienne. Quelque chose se passe, mais je ne sais pas ce que c’est. Aucun frisson ne me parcourt l’échine, aucune décharge d’hormones ne m’atteint, rien ne semble se passer. Pourtant, il y a bel et bien quelque chose. Quelque chose qui me fige pendant quelques secondes. Un peu comme si j’étais paralysé sans vraiment l’être. Non, c’est vraiment bizarre. Ça y est, on t’suffit plus. Maintenant, faut que t’hallucines d’autres trucs. Nathan lève les yeux au ciel et j’en viens à la conclusion qu’il a surement raison. Je perds les pédales. Peut-être que tu veux tellement qu’il y ait quelque chose que tu te l’imagines ? La petite voix de Jace se fait entendre depuis l’autre côté du comptoir. Je hausse les épaules machinalement, sans faire attention à la façon dont Sully pourrait l’interpréter. C’est vraiment difficile de communiquer avec les personnes dans ta tête sans alerter les personnes qui sont, elles, vraiment là. Seulement, la belle au bois dormant ne semble pas remarquer quoi que ce soit, bien trop concentrée à remettre de l’ordre dans ses idées et son flot de paroles. Et il parle. Il parle encore et encore. Il se justifie alors qu’il n’y a aucune raison pour lui de se justifier. Et moi … moi, ça me fait rire, alors je ris de bon cœur alors que Nathan semble agacé au plus haut point par toute cette niaiserie. C’est niais, on est d’accord. Seulement, c’est bien le seul que ça dérange.

« J'ai recommence c'est ça ... pardon. » J’acquiesce d’un léger hochement de la tête. Mon rire se voit progressivement remplacer par un petit sourire amusé. Oui, il m’amuse beaucoup. Il est vraiment … niais ! J’allais plutôt dire adorable. « Oui je veux vraiment que tu sois là ... » Etant donné que je viens plus ou moins de lui demander de m’inviter, ça vaut mieux qu’il en est envie. Mon sourire s’agrandit un peu. Je le regarde, toujours accroupi devant lui, jouer avec l’étiquette de la bouteille d’eau. Il est nerveux. Je ne l’aurais pas cru, mais finalement, je réalise tout doucement que Sully est une véritable petite boule de nerfs. Il est beaucoup trop tendu. Avoue que t’aimerais bien le détendre, si tu vois ce que je veux dire…  Et voilà que Nathan commence à monter et descendre ses sourcils de façon très peu subtile. Je lève les yeux au ciel. Focalisé depuis quelques instants sur sa bouteille d’eau, Sully relève enfin le regard et le pose sur moi. « Jasper est ce que tu voudr… shit attends. » Je le regarde fouiller dans sa poche et en sortir son téléphone. Dommage, ça l’a coupé dans son élan. « Désolé le boulot ... » Supposant qu’il va devoir y aller, je pousse sur mes jambes pour retrouver une position debout. Je lui propose ma main pour l’aider à se relever et il l’accepte sans même hésiter une seconde. « Je te verrai demain soir dans ce cas. » Sur son visage, les expressions se succèdent et après la surprise de cette annonce, un immense sourire vient prendre place sur ses lèvres. Je sais bien qu’il ne m’a techniquement pas invité, mais je sais aussi qu’il était sur le point de le faire, alors c’est tout comme. Il faut bien que quelqu’un prenne les devants. J’suis fier de toi, mon padawan. Pour une fois… Je lâche sa main que j’avais encore dans la mienne, puis je le regarde récupérer sa guitare et quitter ma boutique. « A demain. » me lance-t-il avant de passer la porte, et avec un sourire, je lui fais un signe de la main. A demain.