Elle était fière d’elle, Candice. Deux heures d’entretien avaient encouragé une femme à faire la démarche nécessaire pour quitter son mari et aller dans un centre pour femme battue. La guerre n’était pas gagnée, elle en était consciente, mais elle venait de vaincre une bataille et intérieurement elle ressentait comme une certaine victoire. Elle avait eu les mots justes, elle avait su lui parler, lui faire comprendre que ce n’était pas normal qu’un homme puisse battre sa femme parce qu’elle a trop fait cuir les pates. Elle a les bras encombrés par ses dossiers, mais c’est une bonne journée. Une jour avec comme elle aime si souvent le souligner. Ils se font rares, mais elles les apprécient, et dernièrement il y avait souvent un dénominateur commun à toutes ses « jours » avec, Callum. Une nuance de rouge vint teinter ses joues à cette pensée, elle ne l’avouera pas à voix haute, pour éviter de donner à tout ça une trop grande importance, mais elle aime les moments passés avec lui. Ils sont particulièrement agréables, et précieux. Un café pratiquement tous les jours, quand leurs emplois du temps le permettent, une soirée en fin de weekend, elle surmonte ces moments, sans jamais savoir quoi faire. Elle se rappelle encore de la dernière soirée, où ils étaient aller voir un film ensemble, elle s’était surprise à attendre une attention de sa part, une prise de main, un baiser un peu trop près de ses lèvres, mais elle se résigna à le souhaiter réellement. Comment allait-elle réagir, si vraiment il ferait une chose pareille. Elle ne se sentait pas capable d’apprécier un contact physique avec un homme. Même si Callum, elle le connaissait l’appréciait, l’admirait. Il avait parfois cette même lueur dans le regard, cette brisure silencieuse, d’un passé douloureux. Elle n’avait jamais osé lui demander pourquoi, comment, avec qui. Mais elle savait. Elle savait qu’il avait souffert et rien que pour cela, elle voulait ne pas reproduire la même chose. Il lui était trop précieux. Cependant, elle savait qu’il ne s’agissait là pas d’une simple amitié, elle ne pouvait pas se résigner à que ça. Il y avait cette électricité, ce magnétisme indéniable. Elle avait beau lutter contre, l’ignorer, le rabaisser, il était là. A chaque fois que ces yeux chocolat se posaient dans les siens, le cœur de Candice faisait une embardée dans sa poitrine. Elle ne comprenait pas, elle avait peur, elle avait toujours ses cauchemars, mais elle avait le temps. Il était tout aussi patient qu’elle… Elle aimait ça. Elle traversait les portes de l’ascenseur lorsqu’elle croisa son regard. Elle sourit malgré elle, alors qu’elle remontait doucement les feuilles qui glissaient malgré elle. « Bonjour.  » Fut délicat et rougit par ses émotions. Elle détourna sa tête légèrement, se demandant un instant si elle n’avait pas les cheveux en bataille et un crayon coincé sur son oreille. En réalité si, mais elle ne pouvait pas faire autrement, ses mains étaient prises. « ça va ? Tu vas à quel étage ? » Elle lui lança un regard, avec ce petit sourire timide de la ville contente de le voir, mais complètement pas à l’aise avec tout ça. Lui si, mais de cette sensation, quand les portes se refermaient les laissant tous les deux seuls dans un endroit aussi exiguë. Elle soupira fortement, pour ne pas sombrer d’un seul coup, mordant sa lèvre, fortement.

Ces derniers temps, mes réveils étaient emprunts d’un sentiment de bonheur que je n’avais pas connu depuis des lustres. Peut-être était-ce parce que je me sentais heureux loin de Londres et des tourments qui teintaient mon quotidien lorsque j’y étais, ou était-ce cette petite blonde qui causait une curieuse euphorie dans mon coeur. Je me rendais chaque jour à mon travail dans l’espoir de la croiser encore, de voir un sourire se dessiner sur ses lèvres et pouvoir échange quelques mots. Le dernier mois avait pris une tournure inattendue. Je ne m’attendais pas à rencontrer une femme qui ferait chavirer mon coeur aussi rapidement sachant le tiraillement que me causaient encore les deux années passées. Je n’aurais jamais cru pouvoir manifester de l’intérêt, autre que sexuel, envers une personne. Car je croyais que je resterais marqué à vie, craignant l’engagement qui ouvrirait sur un coeur encore brisé. Mais quelque chose chez elle me faisait écarter ces pensées négatives et adopter plutôt une réflexion positive. Quelque chose me disait que je devais être optimiste, que la vie ne serait pas aussi triste et seule que je l’envisageais.
Néanmoins, les choses se déroulaient lentement. Et j’aimais ça de cette façon. Les petits signes d’affection que je lui démontrais étaient faits dans la subtilité et dans le respect de notre intimité que je savais devait être apprivoisée à un rythme anormalement lent. Mais pour elle et pour moi, je crois que c’était ce qui était nécessaire au regard de mon passé et, de ce que je comprenais de plus en plus, du sien. Je savais qu’elle avait possiblement vécu quelque chose qui l’avait profondément marquée et je ne pouvais me résigner à entraver cette barrière qu’elle s’était construite. Lui prendre la main, lui offrir mon manteau lors des temps glacial, lui donner un baiser sur le front ou la joue, lui ouvrir la porte; toutes ces petites attentions démontraient l’affection que j’avais pour elle sans toutefois la brusquer. Je savais que si elle et moi allions bâtir quelque chose, cela ne pouvait s’inscrire que sur une longue période de temps. Tous les deux avions besoin d’un lien de confiance basé sur le respect, chose que je n'avais pas connue dans ma relation précédente. Un relation abusive cause tant de ravage sur la confiance d’une personne et c'est une leçon que j'avais malheureusement appris de façon difficile.
La journée de travail était relativement chargée. J’avais un gros cas sur lequel j’étais penché depuis la matinée et je ne pouvais me résoudre à ne pas le régler la journée même. Les maux de tête qu'il me causait ne serait pas vains car il s'agissait d'un gros client pour notre firme; ils étaient insupportables mais nécessaires. Je devais aller chercher quelques documents dans notre bibliothèque d’archives qui se trouvaient au sous-sol de l’immeuble. J’empruntai l’ascenseur et ce dernier fit un arrêt deux étages plus bas. Lorsque les portes s’ouvrirent sur Candice, mon coeur manqua un battement. Je lui souris instantanément et priais pour que personne n’arrive à la course pour se joindre à nous. J’avais envie de la voir, lui parler seul à seul, ne serait-ce que quelques instants. « Je me rends au sous-sol dans le paradis des archives », lui lançais-je à la blague. « Et toi? », lui demandai-je pour sélectionner l’étage. Le calme voyage dans l’ascenseur ne dura pas longtemps. Nous entendîmes un bruit étrange et le courant arrêta complètement. En conséquence, on peut deviner qu’une autre chose propulsée par le courant décida d’arrêter: l’ascenseur. Une simple lumière d’urgence s’alluma, nous permettant difficilement de distinguer le bouton d’urgence. N’étant pas un fan des ascenseurs, j’espérais que le courant revienne rapidement ou qu'on viendrait nous secourir sans plus attendre. « Ah bonheur, quand tu nous tiens.», lui lançai-je dans un ton de désespoir. Malgré que la pression qu’exerçait le dossier sur lequel je travaillais, je ne pouvais me cacher la petite joie que m’apportait cette situation.