Ses doigts tapent les uns après les autres sur la table. Un rythme effréné. Presque stressant. Melyna commence peu à peu à perdre patience. Elle fatigue. Elle capitule. Son crayon bleu valse à travers la pièce. On ne saurait expliqué sur le coup si c'est dû à une tentative désespérée, comme si ce geste à l'apparence simple, lui permettrait de la faire réagir. Ou, à contrario, si elle jette tout simplement l'éponge. La vérité, c'est que c'est un peu des deux. Voilà déjà un bon cinq heures qu'elle bosse d'arrache pied sur ce dossier et elle n'a toujours pas trouver ce qui clochait. Et elle en est certaine, quelque chose cloche. Quoi ? Telle est cette stupide question à laquelle, pour le moment, elle est incapable de donner suite. La tête dans ses mains, elle rumine. Elle s'auto-déteste de ne pas réussir à trouver ce détail qui changera tout. Heureusement, elle peut compter sur Logan, toujours de bonne humeur. « Tu as fait tomber quelque chose. » Elle relève la tête, ses yeux verts dénués de toutes émotions. « Il n'est pas véritablement tombé ... Mais merci. » Elle tends la main pour le récupérer mais son frère se montre taquin et s'éloigne, stylo en main. Melyna roule des yeux avant d'afficher un petit sourire d'amusement. Bon Dieu, qu'est-ce qu'elle deviendrait sans lui !  « Je peux récupérer mon bien ? » Oui, non. Logan montre une certaine hésitation. « J'sais pas ... » Il veut un câlin peut-être ? Ou un merci ? « J'ai besoin de l'appartement ce soir. » Son coeur manque un raté. Son pouls s'accélèrent. Ces changements ne sont pas réellement flagrant mais son frère la connait bien trop pour savoir que son esprit se met déjà à fulminer. « C'est juste une réunion avec des amis, Mely'. » Oh. Elle peut donc calmer son coeur et ses pulsations. Il ne veut pas la quitter. Pas maintenant. Elle a encore besoin de sa présence. Juste un peu. « Je stressais pas. » Si, elle stressait. Elle avait stressé pendant une dizaine de secondes. « Tu fais ce que tu veux de ta vie. » Et de ses soirées, par la même occasions. Mais Melyna se permet d'être flemmarde ce soir et de ne pas dire toutes ses pensées. « Je comptais sortir, alors ... Ça tombe bien. » FAUX. Elle n'avait rien de prévu pour sa soirée. Elle avait juste envie de bouger, finalement. L'idée d'être en présence de mecs pendant plusieurs heures la répugnait presque. C'était comme si elle pressentait que l'un d'entre eux allaient la draguer. Urgh. No way. Logan lui rends son stylo avant de déposer un baiser furtif sur son front pour ensuite aller s'enfermer dans la salle de bain. Melyna en profite pour appuyer sur son téléphone portable pour connaître l'heure : bientôt dix-neuf heure. Elle ne devrait donc pas tarder.

C'est les lèvres saupoudrées de rose et les yeux souligné par un peu de mascara noir qu'elle entre dans le bar. Ce même bar qu'elle a côtoyé la semaine dernière sans aucune raison particulière. En passant devant, avec sa voiture, elle avait comme ressenti le besoin d'y retourner. Quelque chose l'appeler. Un petit tour de son subconscient qui lui rappelait sa rencontre avec ce brun : Rafaël. Elle ne lui avait même pas envoyé de message, d'ailleurs. Trop pudique. Trop timide. Elle lui aurait dit quoi ? Merci pour le verre que tu m'as payé. J'espère que tu es bien rentré. Nope. Ça sonnait bien trop clichait. Ça ne lui correspondait même pas. A peine entrée qu'elle scrute la pièce du regard. Elle le recherche. Lui. Ce brun aux yeux noisettes incrustés de paillette. Lui, ce jeune homme qui lui a fait passé une soirée bien drôle et divertissante. Elle commence à perdre espoir quand la silhouette au bar se retourne. La rousse penche la tête sur le côté, un petit sourire au coin des lèvres. « Besoin de se changer les idées ? » Elle s'approche de lui et hésites un moment : doit-elle lui faire la bise ? Finalement, elle opte plus pour la femme sympa mais pas trop. Melyna s'assoit donc sur un siège, juste à ses côtés. « Tu viens ici tous les vendredi soir ? » Oublions les habitudes et le : comment vas-tu. S'ils sont ici, seuls, c'est bien parce que quelque chose ne va pas. Alors autant éviter les mensonges. « Un coca, s'il-vous plait. » Pas d'alcool au volant ! Ses yeux se baladent sur le visage de Rafaël, tentant de faire abstraction des légers bleus qu'elle arrive à apercevoir. « Une bagarre ? » Elle laisse sa question en suspend pendant un instant, puis pointe un doigt vers, justement, un des hématomes. La semaine dernière, elle n'avait pas pu poser cette question qui lui brûlait la gorge. C'était maintenant chose faite.

Les larmes aux yeux, il se regarde dans le miroir de la salle de bains. Il s'est enfermé à double tour, elle peut plus rien lui faire, pour l'instant. Elle ne l'a pas trop abîmé sur le visage, pour une fois. Mais il a toujours cette trace, son coup de pied qu'il a reçu sur sa face, ce coquard qui rend son œil violet. Raf retire son tee-shirt, ses doigts se déposent sur son torse, putain la couleur est dégueulasse. Il y a des hématomes récents, d'autre pas, mais il garde chaque trace, comme pour lui rappeler qu'il n'est qu'une sombre merde. Elle a arrêté de s'excuser, c'est devenu un jeu pour elle, c'est devenu quelque chose de malsain, quelque chose qui le dépasse, il ne sait pas vraiment quoi faire pour se sortir de cette merde. Il ne sait plus s'il a envie d'avancer, il ne sait plus rien du tout. Rafaël retire ses vêtements, son sous-vêtement, et il se laisse tomber dans la douche. Il allume l'eau. La chaleur ne l'aide pas, elle fait brûler ses traces, elle lui fait un mal de chien. Il se retient de hurler. Parce que ça va lui faire trop plaisir, elle va comprendre qu'elle a gagné s'il craque devant elle. Pire, elle va continuer, encore plus fort, encore plus tout court. « Putain ! » Il hurle. C'est plus chaud, c'est froid. C'est d'la neige qui sort de son pommeau de douche. Il l'entend rire, il l'entend être fière d'elle, de son coup à la con. Il ose pas répondre, il a peur des conséquences. Il pleure juste un peu plus, il pleure juste parce que c'est la seule chose qu'il est capable de faire. « J'me casse. » Il se murmure contre lui-même. Il éteint l'eau, cette eau qui coule contre la douche. Il se donne du courage, juste au cas où sa peau entre en contact avec cette glace qui lui donne froid. Il sent qu'il a envie d'éternuer, il sent qu'il va sûrement prendre froid. Mais il ne peut rien faire contre ça, parce qu'encore une fois, elle a gagné. Elle gagne toujours, elle est devenue terriblement forte à ce petit jeu. Quel jeu, d'ailleurs ? Parce que lui, il n'a jamais demandé de participer à cette sombre connerie. Jamais. Lui, il subit les conséquences.

Il se dépêche de s'habiller, il enfile les premières choses qui lui tombent sous la main, s'assurant simplement que ce soit des choses propres. Alice ne s'est pas encore attaquée à ses habits, et il profite de cette paix quand il se rend compte qu'elle a quitté l'appartement. Il en profite pour se faire couler un café, ramassant par la suite les bouts de verre d'il ne sait pas vraiment quoi. Il sait juste que c'est ce qui lui a subi un morceau de verre dans le torse. Machinalement, ses doigts caressent le pansement qu'il a pris soin de se mettre. Il n'en veut plus, de son café. Il enfile ses chaussures et décide d'aller boire un verre. Il a besoin de quelque chose, il n'est pas capable d'expliquer quoi, mais il en a sérieusement besoin. Il passe la porte de ce bar, s'installe sur la première chaise libre du comptoir et demande au barmaid un scotch. Fort, un truc fort. C'est la seule chose qu'il a besoin. Il a besoin d'oublier que ses blessures le lancent, que par moment, ça devient difficile de respirer, que par moment, il a tellement l'impression de se prendre un coup dans le ventre qu'il est comme paralysé. Il sursaute, mais cette voix, il la reconnaît parfaitement. Il lui offre un sourire timide. On lui passe son verre, et il ne se fait pas prier pour que ses lèvres goûtent ce liquide alcoolique. « Ouais, un peu. Et toi ? » La question est rhétorique, sinon, elle ne viendrait pas dans ce bar. Elle est vraiment belle. Il s'est fait la réflexion la dernière fois, quand il l'avait vu, mais il le pense encore plus ce soir. Elle dégage quelque chose de calme, et c'est franchement agréable. « Ça peut devenir une habitude. » Si elle est là, ouais, il peut venir tous les vendredis et voir son sourire qui rayonne son visage. Il n'est pas trop sociable, il ne sait pas quoi lui dire. Pourtant, il se sent mal-à-l'aise à sa question. Il est hors de question qu'il lui dise la vérité. Que ce soit une inconnue, ou une amie proche, Rafaël ne parle pas du malheurs qu'il a chez lui, quand les portes sont fermés, quand il se retrouve face à son épouse. « Ouais, une méchante bagarre, j'ai l'habitude. » Et il fait en sorte de cacher ses autres hématomes, il veut pas qu'on ait pitié de lui. C'est trop difficile d'être lui, c'est trop difficile de se rendre compte du bordel dans sa tête. « Qu'est-ce que tu fais, un vendredi soir, dans un bar ? T'as pas des gens qui t'entourent ? T'as pas des soirées ? » Quand il décide d'être curieux, il l'est un peu trop. Pourtant, il ne juge pas, c'est simplement des questions qui circulent dans sa tête. C'est simplement pour apprendre à la connaître.

Ce bar, elle ne le connait pas tant que ça. Faut l'avouer, la rousse a tendance à passer du temps du côté de son université plutôt que dans la ville qui l'héberge. Mise à part la librairie, le magasin de café et son appartement, elle ne connait pas grand chose. C'est pas faute d'avoir essayer de découvrir Dewsbury. Liam avait tenté de la faire sortir, les dimanches après-midi. Melyna avait toujours fini par s’asseoir dans l'herbe et à l'écouter parler. Pourtant, ce bar, elle commence à l'apprécier. C'est pas son lieu favoris mais il entre peu à peu dans le top. L'alcool à profusion ne fait pas partie des points positifs. Ni même les gars bourrés. Ou bien, si on va plus loin, les petits vieux qui viennent chercher leur dose de femme fatale. Non. Melyna, elle aime surtout la présence d'une seule et unique personne. Un homme. Certes, elle ne lui a parlé qu'une seule et unique fois. Mais bon Dieu, il lui a laissé comme un gout d'aventure dans la bouche. C'était pas un sentiment ordinaire. C'était pas non plus un sentiment exceptionnel. La jeune femme avait juste la sensation que quand ils se sont quittés, sur le parking, ce n'était pas la fin. Il l'intriguait. Beaucoup. Trop. Pour dire, elle avait espéré comme jamais le trouver à une table. Et ses prières ont été entendu puisqu'il est là, verre à la main, attablés au bar. « Ouais, un peu. Et toi ? » Elle pince ses lèvres entre-elles, prenant une mine dubitative. « On peut dire ça comme ça. » Elle avait besoin d'air, de changement, de quelque d'inhabituel : comme parler avec un parfaitement inconnu. Car il faut le dire, Rafaël est un inconnu. « J'avais besoin de relâché les pressions de la semaine. » Et de ne pas être dans l'appartement, à supporter les lourdauds d'amis de son frère, qu'elle aurait voulu ajouter. Mais elle avait la nette impression que le jeune homme n'en avait rien à faire. « Ça peut devenir une habitude. » Mhm. Elle serait partante ! « Tu veux que je deviennes alcoolique ? » Petit sourire amusée sur le minois, elle laisse échapper un petit rire. « C'est possible que ça devienne une habitude. » Melyna, elle aime jouer avec la subtilité des mots. Elle trouve que cela donne un charme fou. « Si tu arrives à me supporter, bien entendu. » Et bizarrement, elle a la sensation que se sera le cas. Rafaël est calme, posé, à l'écoute. Il a toutes les qualités pour réussir à dompter la jeune femme. Il arrive même à éveiller la curiosité en elle avec ces hématomes. Faut dire que c'est pas courant. « Ouais, une méchante bagarre, j'ai l'habitude. » Le simple mot "bagarre" lui donne des frissons. « Pourquoi ? » Pourquoi se bagarrait-il ? Quel en était la raison ? « Qu'est-ce que tu fais, un vendredi soir, dans un bar ? T'as pas des gens qui t'entourent ? T'as pas des soirées ? » Oulah. Une question à la fois. « Mollo, l'asticot. » C'est une question, une réponse et vice-versa. « Je suis ici pour me changer les esprits, mais je pense que tu l'avais plus ou moins compris. » Elle prends son verre rempli de liquide brunâtre et le porte à ses lèvres pour boire quelques goulées. Yep ! Y'a pas mieux qu'un coca-cola pour vous remettre les méninges en place. « Tu sous-entends que je devrais être avec mon petit-ami, plutôt que de traîner dans ce genre d'endroit, c'est ça ? » C'est vrai qu'à vingt-six ans, elle devrait être posée, avoir une vie rangée. « Mon frère organise une soirée. J'ai préféré passer mon tour. » qu'elle finit par avouer. C'était plus simple que de tourner autour du pot. « Et toi, pourquoi t'es pas avec ta femme ? » Elle fait un signe de tête vers la bague qu'il porte au doigt. Il pensait sérieusement qu'elle ne le remarquerait pas ? Dommage. Melyna, elle observe bien trop les gens. Elle les étudie presque. « Laisse-moi deviner ... » Les bleus au visage, l'alcool fort, les regard vide. Boom. Une idée avait germé. « Elle a vu que tu t'étais bagarré, elle t'a foutu à la porte pour le reste de la soirée. » Elle parie 5£ qu'elle a bon. Et si elle perd, elle lui paye un verre.

La musique est basse, digne d'un bar sans prise de tête. Il n'y a pas un brouhaha dérangeant. C'est calme, c'est tout ce dont il a besoin pour essayer de se vider l'esprit. Chaque fois, quand il en a l'occasion, d'être dans un endroit calme, juste pour réfléchir à sa triste vie. Rafaël cherche à comprendre d'où tout ça a commencé, cherché à savoir pourquoi il a aussi peu de chance. Le fait de ne pas pouvoir avoir d'enfants, c'est un sujet sensible, c'est quelque chose qui le chagrine énormément. Parce qu'il a vraiment envie d'avoir des enfants, de fonder sa propre famille. Rafaël est persuadé que ce n'est pas un futur projet. Pas avec elle, pas avec Alice. Plus rien avec elle. Ses pensées se tournent vers elle, il regarde son torse, il sait ce qu'il se trouve derrière son tee-shirt. Il se fait violence pour ne pas pleurer une nouvelle fois. Pas devant ces inconnus qu'il ne connaît pas, pas devant Melyna qui vient s'installer prêt de lui. Alors, il décide de mettre son cerveau en pause, quelques secondes, pour apprécier cette beauté naturelle qui est en train de boire un coca. Lui, il a l'air d'un alcoolique. Son scotch est pratiquement vide. Il se fait violence pour ne pas en demander un deuxième, appréciant la jolie voix de cette femme. « Qu'est-ce qu'il s'est passé de si difficile pour toi cette semaine ? » Melyna, elle dégage quelque chose qui est réellement agréable. Il a l'impression d'être écouté et d'écouter. C'est une sensation agréable, pour tout dire. Il rigole. Pas trop fort. Il ne veut pas se faire remarquer, mais il rigole. C'est un rire timide, un demi-sourire est en train de se former sur ses lèvres. Ses yeux se posent dans les siens, c'est agréable d'être plongé dedans. Elle dégage vraiment quelque chose de calme. Son coeur bat un peu plus vite, il n'en comprend pas la raison, mais ça lui fait du bien. Il a l'impression de découvrir un monde qu'on lui a caché. Un monde sans violence, alors qu'il s'est très bien qu'en s'éloignent, les misères du monde sont présentes. Réchauffement climatique, attentat, pédophile, violence conjugale. Et c'est tellement triste de se dire qu'il fait partie d'une de ses catégories. Catégorie qui n'est pas bien vu, parce que dans un monde où les Hommes sont supérieurs, c'est difficile à croire que certains ne le sont pas. Bien au contraire. « Je suis prêt à te supporter tous mes vendredis, sache le. » Oui, il est prêt à oublier et à s'autoriser d'oublier, de décompresser, juste pour être un peu plus proche d'elle. Cette idée, elle plaît énormément à Raf. Alors, sans comprendre vraiment la raison, il se détend. Sauf qu'il ne pensait pas Melyna observatrice. La question, elle le gêne. Mais il se doit de répondre. Alors, il termine son verre, juste pour se donner une certaine confiance. Il contrôle ses tremblements, il ne montre aucune expression sur son visage qui peut le trahir. Il gère plutôt bien la situation. Mais que répondre à un "pourquoi" ? Surtout quand on ne connaît pas la réponse. Il trouve le premier mensonge qui lui passe par la tête, et sans sourciller, il répond le plus naturellement. « Parce que j'étais bourré, on m'a chauffé, ça m'a énervé. » Alors qu'en vrai, c'est juste parce qu'il avait oublié de ranger sa tasse. C'est qu'une connerie, ça n'a toujours été que des conneries. C'est tellement devenu une habitude que lui-même essaye de se préparer mentalement. Sauf qu'il n'y arrive pas, jamais. « Tu as donc un petit ami ? » Il ose demander. Alors qu'au fond, que la réponse soit positive ou pas, il ne peut rien faire. Il est marié. Il n'est plus célibataire. Déjà, dans sa tête, il trouve que c'est trahir sa femme de trouver une autre fille jolie. Alors... Alors qu'il a le droit de se permettre autre chose quand il est maltraité par quelqu'un qui, un jour, a fait des vœux. Pour le meilleur ou pour le pire. C'est surtout le pire. Il hoche la tête. S’apprêtant à lui répondre, mais elle enchaîne sur un sujet tellement sensible qu'il serre son verre. Pas trop fort, parce qu'il n'a pas envie de le casser. Ses yeux se posent sur son alliance, et machinalement, il joue avec. Bon sang, un sourire nostalgique se dessine sur son visage. Parce qu'à l'époque, ils étaient heureux. Parce qu'à l'époque, ils n'avaient pas de gros problèmes. Il regarde Melyna, il reprend rapidement ses esprits. Un sourire qui se veut sincère se dessine sur ses lèvres. « Bingo. » Ouais, elle l'a mis dehors parce qu'il s'est bagarré avec quelqu'un d'autre. Elle l'a mis dehors. Ouais, non putain elle l'a pas mis dehors parce qu'il s'est bagarré. Putain, c'est elle qui lui fait tout ça. Putain. Et il s'énerve, tout seul, il jure doucement, un mot pas audible. Un mot que seul lui peut comprendre. Sa situation le dépasse. Alors, il lève la main, demande un verre de scotch pour lui, un coca pour elle. Un pour oublier. Un pour enlever ce prénom de ses pensées. Un pour oublier ces blessures qui le lancent définitivement trop. Parce qu'il est vraiment en train d'souffrir le martyr. Mais ça va, il gère, il ne le montre pas.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé de si difficile pour toi cette semaine ? » Elle n'arrive pas à retenir son soupire. Il est comme empli de tristesse et en même temps, il a ce petit côté : je n'ai pas envie d'embêter mon monde. Melyna, elle a jamais été le genre de filles à aimer parler de ses problèmes. Elle préfère construire des murs entre le monde extérieur et ses émotions. Elle trouve ça plus simple, plus facile. Elle préfère qu'on voit une personne pleine d'assurance, de sourire, de gentillesse plutôt que ce qu'elle peut être vraiment. Une fille blessée, une fille faible aussi, dans le fond. Suffit de voir ses poignets pour comprendre qu'elle a pas réussi à faire face à certains événements de sa vie. Pourtant, Rafaël, il dégage ce petit truc qui lui donne envie de parler, de faire tomber un peu ses barrières qu'elle s'est crées. « Je crois que c'est un tout. » Sa main s'empare de la paille dans son verre et s'amuse à la faire tourner. Il n'y a pas à dire, la rousse est mal-à-l'aise. « Des dossiers qui n'en finissent plus, une date qu'on préfère oublier ... » Elle ferme quelques secondes les yeux, en repensant à Liam. Ca fait un an. Un an déjà. Et la douleur est toujours aussi présente. Melyna est incapable de dire si, un jour ou l'autre, elle disparaîtra. « Enfin ! » Elle reprends le contrôle d'elle-même, affiche un petit sourire pour faire oublier son mini coup de blues. Faut qu'elle se reprenne, elle est pas venu ici pour se larmoyer. « La nouvelle commence bientôt, ça ira mieux. » En tout cas, c'est ce qu'elle tente de se persuader. Elle a besoin de ça, pour tenir. Elle a peur de se retrouver happer une nouvelle fois dans les ténèbres et ne plus savoir quoi faire. Elle a peur de commettre à nouveau une erreur. « Je suis prêt à te supporter tous mes vendredis, sache le. » Elle ne sait pas si elle doit le trouver adorable, ou si elle doit se méfier de lui. Elle ne le connait pas, le brun, et lui ne la connait pas. Pourtant, depuis qu'elle a eu cette idée folle d'aller s’asseoir à sa table, la fois passé, elle n'arrive pas vraiment à le regretter. D'habitude, elle est plus réservé. Mais Rafaël dégagé quelque chose, ce je-ne-sais-quoi qui l'avait attiré comme un aimant. Peut-être que c'était juste ces yeux noisette bordé de pépite d'or ? Peut-être que c'était juste la façon qu'il avait eu, de lever le regard vers son visage, ce soir là, qui lui avait semblé quelque peu familier. Elle sait pas, et bordel, elle est curieuse au plus haut point de découvrir ce qu'il cache. « Parce que j'étais bourré, on m'a chauffé, ça m'a énervé. » Un bagarreur dnoc. C'est étrange. Il n'a tellement pas l'allure du type qui cogne. Non. Il parait tellement plus réservé, timide. Tellement plus le genre de gars qui pourrait se faire marcher sur les pieds, si jamais on le pousse à bout. Mais Melyna, elle préfère ne rien dire. Elle préfère ne pas jugé. Tout comme lui, ne la juge pas. Quoi que .. « Tu as donc un petit ami ? » Elle acquiesce négativement de la tête. « Non. » Elle est aussi libre qu'elle le veut. Elle n'a aucune attache. « L'amour, c'est pas quelque chose qui est fait pour moi. Pour le moment. » Elle a encore du mal à accepter sa dernière rupture. Enfaite, elle a du mal à oublier sa dernière relation. Elle n'a pas eu la chance de trouver la bonne personne, pas comme Rafaël qui a pu épouser la femme qu'il désirait. « Bingo. » Elle peut lui mettre une tape derrière la tête pour lui dire de stopper ses conneries ? Non. Et elle en a grandement envie. Elle meurt d'envie de lui dire qu'il a tout pour être heureux. Il a trouvé la femme de sa vie, nom d'un chien ! Et il va tout faire disparaître en fumée pour ... De la colère dissimuler dans des bagarres ? C'est des bêtises. Alors, Melyna, elle prends les choses en main. Elle attends que le serveur posent les deux verres devant eux, et elle fait un échange. « Quoi ? » Il a réellement besoin de ce verre de scotch ? « Je parie que tu es venu en voiture et que tu repars avec. Je t'évite d'être en état de sobriété sur la route et de finir en garde à vue ! » Elle esquisse un mince sourire, amusée. « Tu pourras l'être quand j'aurais mon diplôme, je viendrais à ton secours. » Elle sera sa super-héroïne. Ou quelque chose du genre. « Tu tentes d'oublier quoi, avec l'alcool ? Ou de te faire croire quoi ? » Parce qu'elle le sait, Melyna, il y a toujours une raison qui pousse les gens à boire. Elle-même à essayer et à bien vite compris, en finissant la tête dans les toilettes, que se serait pas la façon la plus glamour d'arriver à un tel résultat. Non, le mieux, c'est d'y faire face et d'assumer le tout. C'est compliqué, dure. Ça fait mal. a fait pleurer. Mais au moins, on en ressort plus fort et non alcoolique.

Rafaël s'inquiète un peu. Même s'il ne connaît pas vraiment Melyna, il apprécie énormément sa présence. Alors que c'est ridicule, ils ne se connaissent que depuis une semaine. Et c'est la deuxième fois qu'ils se voient. Pourtant, ce qu'elle lui dit, ça lui fait un pincement au coeur. Elle sourit, mais il est facile de comprendre qu'elle cache quelque chose. Pas forcément un truc grave, mais peut-être que la vie n'est pas de son côté et qu'elle a des difficultés à avancer. Il n'ose pas lui poser trop de questions, parce qu'il a peur d'être gênant. Puis, lui, il n'aime pas quand on lui pose des questions trop profondes, pas qu'il ne se braque. Non, jamais. Mais chercher ses mots est difficiles. « Tu as bientôt terminé tes études, non ? » Parce qu'il se souvient d'une brève conversation où ils ont échangé leurs vies au travail. Lui, il s'est retrouvé très con face à elle, qui essaye d'avoir un diplôme alors qu'il n'en a aucun. Pendant qu'elle, elle bosse comme une dingue, lui, il se morfond sur son sort parce qu'il n'a plus de travail. Mais... C'est plus difficile que ça, c'est un bordel sans fin et peut-être que personne ne peut vraiment comprendre ce qu'il se passe dans sa tête. Lui-même se perd. « Tu vas tout cartonner. » C'est une phrase simple, mais franchement sincère. Il ose croire en elle. Parce que ça prouve que la vie continue malgré les difficultés de la vie. La conversation change rapidement, parce qu'elle lui parle de ses bleus, et il s'en veut de ne pas être aussi discret. Il a cette impression d'avoir marqué sur son front la vérité, alors que personne ne connaît ce qu'il se passe quand il rentre chez lui. Personne, puis, qui peut le croire ? S'il ose aller voir un professionnel, porter plainte, on va lui rire au nez et le foutre à la porte parce qu'ils ont dû véritable boulot. Pas des conneries comme ce qu'il subit au quotidien. Et cette phrase qu'elle lui sort, ça le fait franchement réfléchir. Pour lui aussi, l'amour ce n'est pas un truc qui est fait pour lui. Il essaye de trouver quelque chose de positive dans sa vie sentimentale, et il regrette de s'être marié. Alors qu'au fond, il s'en veut lui de ne pas être assez bien pour elle. Il s'en veut de ne pas pouvoir lui apporter ce qu'elle désire. Il s'en veut de ne pas pouvoir lui offrir une famille. L'adoption, ils y ont réfléchi, et c'est peut-être de là où toute est partie. Il y a réfléchi, longuement, à cette première grosse dispute. Il a cherché à savoir ce qu'il avait fait de mal. Et il a eu sa réponse, son problème, c'est d'être stérile. Puis... Alice lui répète tellement qu'il n'est qu'une sombre merde et qu'il n'a rien à foutre dans son monde, que d'autres mériterait d'être en vie et que lui, il n'a plus sa place qu'il... Qu'il a commencé à y croire. Croire en cette fausse vérité. Croire que finalement, il ne mérite pas d'être vivant. Il se perd tellement dans ses pensées qu'il ne relève pas sa phrase. Pourtant, ses mots font écho dans son cerveau, et ça risque de lui donner une horrible migraine. Il commande deux verres, et quand son verre d'alcool se pose devant ses yeux, il s'apprête à le prendre en main. Sauf que Melyna échange les verres. Il se retient de ne pas faire une remarque désagréable. Parce que dans le fond, les remarques méchantes, ce n'est pas lui. Il ne sait même pas comment elle a réussi à croire qu'il était bagarreur. Il ne fait même pas de mal à une mouche. « Je peux rentrer à pied. » Il n'habite pas si loin, il est même proche. Puis il n'a pas pris la voitue, Alice marque les kilomètres à chaque fois qu'elle rentre, elle sait très bien... Il a envie, de lui dire ce qu'il essaye d'oublier. Alors, autant entrer dans les confidences, sans en dire la vérité. « Mon mariage. » Ouais, il veut oublier cette partie de sa vie. Il souhaite revenir en arrière, quand il était jeune et qu'il habitait encore à Montpellier. Il souhaite ne pas avoir supplié ses parents quand ils lui ont dit non, pour son escapade à Londres. Il souhaite ne jamais avoir rencontré cette odieuse femme. Il souhaite beaucoup de choses, et malheureusement, il sait très bien que ça ne se réalisera jamais. « Alice va me tuer. » Il dit, sur un ton de plaisanterie. Alors que ce n'est même pas une blague, c'est peut-être la vérité. Un jour, elle ira trop loin. Un jour, elle va vraiment détruire le jeune français. « Si je rentre tard, elle ne risque pas d'apprécier. » Il précise. Sait-on jamais. Si jamais il sent le parfum de Melyna et qu'elle s'en rend compte, elle risque de frapper fort, elle risque de le foutre dans leur petit dressing, juste parce que ça l'amuse de voir Rafaël aussi faible. Parce qu'il est claustrophobe et qu'elle en joue. Et il panique, doucement, il ne devrait pas être là, il doit rentrer avant qu'elle ne rentre. Il ne veut plus avoir mal, pas ce soir, les coups sont encore trop récents.

Elle ne saurait dire ce qui est le plus perturbant : le fait qu'elle parle à un homme qu'elle ne connait pas ou le fait qu'elle arrive à se livrer comme jamais elle ne l'aurait cru. Oh, ben-sûr, elle ne dit pas tout. Rafaël ne doit même pas réussir à tout mettre en place dans sa tête, mais ça la soulage, un peu, de savoir qu'elle peut vider son âme et sa conscience sans risquer de se prendre une seule remarque. « Tu as bientôt terminé tes études, non ? » Elle acquiesce, un petit sourire se posant délicatement sur ses lèvres. Elle imagine déjà la scène de la remise. Son frère dans la foule, elle, sur l'estrade avec ce fameux diplôme dans les mains. C'est beau. « Pour fin juin, oui. » Et en même temps, ce souvenir inventé est teinté d'une petite noirceur, de doute. Liam ne sera pas là. « Tu vas tout cartonner. » Elle jette ses mauvaises pensées à la poubelle avant de tourner la tête vers le brun. C'est adorable. Il ne sait rien sur ses notes, sur son niveau, mais il croit en elle. « Je te dirais ça dans quatre mois. » qu'elle souffle lentement. « Tu fais des études aussi, toi ? » Elle sait plus s'ils avaient soulever le sujet la dernière fois ou non. Il est jeune, marié. Elle mise sur un petit boulot plutôt que des études longues. Ou peut-être que c'est un surdoué. Celui du style à avoir créer sa société très jeune et qui cartonne désormais. Ou, c'est un athlète de haut niveau ... Non. Cette idée ne pourrait fonctionner. Pas qu'elle trouve Rafaël sans muscle, -elle ne sait pas, et elle ne va pas lui demander d'enlever ses vêtements pour se donner une idée- mais ce mode de vie ne convient pas avec ce genre de métier. Bien que, en y repensant, les bleus sur sa peau pourrait provenir des pas si inhabituel soirée de boxe que peuvent organiser les villes voisines. C'est truc illégaux qui la répugnent au plus haut niveau. Et si le soucis résidait de là ? Et si le terrain glissant entre Rafaël et elle était enfaîte simplement leur différence de vie ? Diantre. Elle se pose bien trop de question. Melyna n'a même pas la moindre idée de comment les formuler à voix-haute. Elle préfère donc l'observer, silencieuse comme jamais, et siroter son coca. Mais elle ne tarde pas à comprendre que l'alcool est un moyen pour le jeune homme de passer à autre chose. Elle pourrait le laisser, avec son deuxième, peut-être plus, verre de scotch. Néanmoins, c'est plus fort qu'elle, elle se sent dans l'obligation de le protéger, de le faire réagir. Il ne peut pas continuer ainsi. « Je peux rentrer à pied. » C'est une éventualité possible. « Je peux te raccompagner, aussi. » Aucun sous-entendus. Elle ne s'attends pas à être invité chez lui, ni à connaître son adresse. C'est juste un moyen de pouvoir prolonger le moment. « Mon mariage. » Elle écarquille les yeux, surprise. Comment arrive-t'on à ce stade de vouloir oublier son mariage ? « Je ... » suis désolée, qu'elle voulait dire. Mais ces simples mots ne résoudraient rien. Et puis, elle est certaine que le brun ne veut pas les entendre. A quoi bon être désolée ? Elle ne sait pas ce qu'il se passe dans son couple. Peut-être qu'il a fait une énorme connerie et qu'il tente de l'oublier dans le simple but de trouver un moyen de se faire pardonner celle-ci ? « Tu es jeune, je suis sûr que c'est passager. » C'est la seule chose qu'elle a trouver pour tenter de retrouver un sourire sur le visage découragé du français. « Alice va me tuer. » Alice. C'est donc le prénom de l'élue de son cœur. « Si je rentre tard, elle ne risque pas d'apprécier. » Melyna reporte son attention sur les verres en face d'elle. « Tu ferais mieux d'y aller dans ce cas. » Elle ne veut pas qu'il est des problèmes à cause d'elle ou de tout autre chose. « Fait attention à toi, Rafaël. » Elle ne sait pas exactement pourquoi elle souffle ça quand elle le voit se lever. C'est venu comme c'est reparti. Une sorte de pressentiment. « Je paye les consommations, ça me fait plaisir. » Elle cherche son porte-feuille dans son sac et en sort quelques billets pour les tendre au serveur. Elle lui laisse même le trop-plein en pourboire. « A la semaine prochaine, du coup, si j'ai bien compris ? » Ses lèvres s'étendent gracieusement sur son visage. Le brun le lui a redonné grâce à quelque paroles. Et, bizarrement, elle attendait vendredi prochain avec impatience.