Les heures passées devant le juge ne sont jamais de tout repos. Le jeune avocat a passé sa journée à plaider une cause devant un jury pour une histoire de fraude fiscale commise par une entreprise bien connue d’Angleterre. Il n’a pas encore le verdict, mais il ose croire que le manque de preuves fera pencher l’affaire en faveur de son partie. Épuisé, il est rentré chez lui vers onze heures le soir, car il a dû passer quelques heures après la fin de la séance pour piocher sur un autre dossier qui demandait une attention immédiate. Il a donc très hâte d’être enfin à la maison pour savourer une bonne tisane (Callum ne boit presque plus, aussi surprenant que cela puisse être) et rejoindre les bras de son amoureux. Une fois arrivé, il s’élance vers la somptueuse cuisine pour amorcer la préparation de sa tisane, voyant qu’Achille est sous la douche. On réchauffe l’eau, on infuse et hop! c’est prêt à être savouré. Il voit son petit-ami sortir de la salle de bain habillé de la tête aux pieds. Les temps sont froids, certes, mais il trouve dommage de ne pas le voir vêtu de sa simple tenue d’Adam. Le jeune homme prend une grande gorgée de sa tisane à la menthe puis dépose sa tasse sur le comptoir pour ensuite s’approcher de son homme. “Bonsoir”, lui dit-il en marchant vers lui. Il desserre sa cravate et se penche vers lui pour l’embrasser tendrement. “Tu aurais pu m’attendre”, lui reproche-t-il à la blague en passant sa main dans le creux de son dos. Callum ne peut ignorer les pulsions qui assaillent son corps. Les deux hommes n’ont pas été intimes depuis environ une semaine; l’horaire chargé de Callum, le déménagement dans leur nouveau chez-soi ainsi que la fatigue chronique d’Achille n’ont pas aidé leur cause. Chaque fois que l’homme rentre travailler, son amoureux est généralement déjà endormi ou il n’est tout simplement pas là. Alors malheureusement, ils n’ont pas réellement eu l’occasion de partager un moment de passion. Et maintenant qu’il est là avec lui, Callum est bien décidé à lui faire l’amour.  “C’est rare que tu es encore réveillé à cette heure”, lui dit le barbu en le dévorant des yeux, non sans cacher ses perverses intentions qui s’entendent parfaitement dans sa voix mielleuse. Il descend sa main sur les fesses d’Achille et l’attire un peu plus contre lui. Doucement, il commence à baiser son cou, prenant bien soin d’y laisser sa marque. Quant à ses mains, elle s’agrippe au rebord de son jogging qu’elles ne demandent qu’à descendre. Sa tisane pourra bien attendre, car pour l’instant, il ne veut que son copain.

Ses yeux s'ouvrent brusquement, en sursaut. Il cherche à comprendre ce qui l'a brusquement réveillé et quand il entend de nouveau des coups à la porte, plutôt brusque, Achille décide de se lever. Vêtu de sa plus simple tenue, il prend un boxer propre dans l'armoire qu'il enfile en vitesse. Il râle d'avoir été réveillé aussi tôt, bien que Callum lui soit parti au travail. Leur dernière querelle ne date que de trois jours, et pourtant, il est rassuré que la relation qu'ils partagent n'ai pas été fragilisé. Il enfile un pull de Callum et son jogging et il se dépêche. Parce que les coups ne s'arrêtent pas. Il se prend les pieds dans les cartons et il râle dans sa propre barbe. Achille ouvre la porte, prêt à râler contre un livreur où il ne sait qui. Sauf qu'il se fige entièrement quand il voit ce qui se trouve devant ses yeux. Trois types, dont un qui est le père de son petit ami. Il n'a pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il se sent projeter contre le sol. Son dos rencontre violemment le sol et son souffle est coupé quelques secondes. Les bruits se font si loin qu'il ne réalise pas vraiment ce qui est en train de passer sous ses yeux. « Il me semble que le premier avertissement n'est pas passé. » Souffle le géniteur de son petit ami. Il y a ce fameux sourire, que lui a parlé Callum, sur ses lèvres. Achille est pris de peur, et alors là, il se rend compte que les peurs de son petit ami n'étaient pas fausses. « Je sais pas ce qu'il te trouve, franchement. » Il lui murmure, il y a une main qui frôle son entre-jambe et il se tourne pour observer un gars plus costaud que lui. « Tu me déçois Achille. » Il y a cette main qui caresse sa joue, cette main qui brûle sa peau. « Mais lâchez-moi ! » Il hurle. Sauf qu'il se prend un coup dans la tête qui assomme totalement Achille. Il perd tous ses repères, il commence à faire une crise de panique et ça les amuse, ils rigolent comme des abrutis. Achille se roule en boule, mais on le prend de force pour qu'il se trouve étendu comme une sombre merde sur le sol. Il y a ses coups, dans son ventre, cette main sur sa bouche qu'il mord, mais qui ne réagit pas. Il hurle, parce que le dernier coup est plus fort, le dernier coup lui fait affreusement mal, et les larmes glissent sans qu'il n'arrive à se contrôler. Et là, Achille n'a des pensées que pour son petit ami. Il aurait dû fermer sa gueule, accepter en silence ce faux mariage. « C'est mon dernier avertissement. J'ai des contacts qui vont te couper les vives, te brûler ton identité, ils attendent plus que mon aval. Tu peux finir dans la rue, sans trouver échappatoire que te suicider sera ta meilleure offre. » Ils rigolent, Achille est mort de peur. « C'est mon dernier avertissement. » Il se répète. Un dernier coup, comme cadeau, et ils se barrent. Avec un Achille plus perdu que ce qu'il l'est déjà.

Sous la douche, il pose ses mains sur ses bleus qui lui font affreusement souffrir. Le déménagement le fatigue, il se force à ne pas se crisper, ni hurler en douleur quand il se trouve face à Callum. Parce qu'il ne lui a rien dit, parce qu'il a peur, parce qu'il se sent con face à cette situation. Il sait que Callum va lui en vouloir, de ne rien dire, mais il n'y peut rien. Il se dépêche de s'habiller, ne voulant que son lit pour soulager son dos et essayer d'oublier ses blessures encore trop douloureuses malgré la semaine qui vient de passer. Achille aperçoit de la lumière, et il voit Callum face à lui. Un faible sourire aux lèvres, il s'enlace dans ses bras. « Je pensais que tu allais rentrer plus tard. » Il murmure, et la peur prend place parce que Callum est en train de lui faire du rentre-dedans. Pas qu'il ne veuille pas, il en meurt d'envie, mais les bleus sont encore visibles. Celui de son visage est vite parti, et pourtant, Callum ne lui a pas posé de question. C'est aussi surprenant et il se sent mal de cette confrontation. Bien que les baisers et les avances de son copain lui font de l'effet, il pose ses mains sur son torse pour le repousser gentiment. « J'ai pas envie Call, pas ce soir, je suis fatigué. » Il s'en veut de lui dire ça, parce que bien sûr, c'est faux. Il ne rêve que de ça, d'être contre lui à ne former plus qu'un. « Vient, on va se coucher. » Achille lui fait un sourire, un sourire tellement faible que ça lui fait peur. Mais il a actuellement mal, et il sent que rester debout et droit trop longtemps va vite devenir insupportable.

Le jeune avocat continue son petit manège, se voulant un peu plus insistant. Mais il sent soudainement la main de son amoureux qui le repousse doucement avant d’exprimer verbalement son refus d’aller plus loin. Mais Callum, il en a horriblement envie. Ça fait plusieurs jours qu’il entend encore la même excuse, qu’Achille lui dit qu’il est trop fatigué. Certes, les deux amants sont en plein déménagement et la tâche ne s’avère pas de tout repos. Mais leur absence d’intimité commence à lui peser sur le moral, lui qui est habitué à une vie sexuelle beaucoup plus mouvementée. Commencent-ils à avoir une relation monotone? Où le sexe n’est plus aussi passionné et fréquent qu’au départ? Il n’espère pas, parce que son corps se languit de celui d’Achille; il est affamé et ne désire que d’être dévoré par les tendres caresses de son amant. “Aller, ça fait depuis mercredi que tu me dis la même chose”, dit-il en jetant un regard piteux à Achille, l’implorant de céder à l’envie. Ses yeux fixent ses lèvres qu’il capture à l’instant, prenant soin de mordre délicatement sa lèvre inférieure. Il repasse ses mains autour de lui pour le serrer davantage contre son propre corps. Sa main s’infiltre dans le pantalon de son amoureux pour caresser sa virilité. “J’suis sûr que t’en as envie”, lui souffle-t-il dans l’oreille. L’avocat va peut-être un peu trop loin, mais il n’est pas habitué à ce que son petit-ami lui refuse une partie de jambes en l’air, encore moins lorsqu’ils n’ont pas eu de contact sexuel depuis plus d’une semaine. Alors oui, Callum est insistant et ne met pas un frein à ses caresses et ses baisers langoureux. Ce n’est pourtant pas dans ses habitudes d’agir à l’encontre des souhaits de son amoureux; jamais n’a-t-il tenté quoi que ce soit sans son consentement, mais il est persuadé au fond de lui que la fatigue n’est qu’une excuse bidon et qu’une fois bien stimulé, il s’abandonnera à l’étreinte endiablée de Callum. Du moins, c’est ce que croit le jeune homme. Il ne sait pas que sous ses vêtements se cache un corps ravagé par les hématomes. Il avait bien sûr remarqué la petite démarcation bleutée autour de l’oeil d’Achille, mais il n’avait pas posé de questions sachant très bien que si c’avait été quelque chose de grave, son copain lui aurait confié; il n’aurait pas fait ce que Callum lui avait reproché d’avoir fait à leur première grosse dispute qui était de ne pas lui avoir fait confiance, de ne pas lui avoir parlé. Il s’était donc dis que c’était forcément une blessure dû à une vilaine chute, et que si c’avait été le fruit d’une agression commise par son père, les dommages auraient été beaucoup plus visibles. Ainsi, la chose n’avait pas été discutée et n’avait pas non plus sonné l’alarme chez le jeune couple.

Achille est pris d'une peur inconnue. Son refus, il n'est pas pour rien. Et Callum n'en fait qu'à sa tête, pire, il insiste. Il se sent pris par son propre piège parce que là, il n'en a même plus envie. C'est vrai qu'au début, Callum le chauffait peut-être trop et qu'il était prêt à se laisser aller, mais là, Callum est trop tentant. Callum le touche, et il prend peur. Il n'arrive pas à prendre plaisir à ses caresses sur son membre. Achille n'arrive même pas à réaliser que Callum fait quelque chose contre son gré. Alors Achille prend vraiment peur et il repousse de nouveau son petit ami. « J'ai dit non ! » Il hurle. La boule dans sa gorge lui fait affreusement mal. Son propre cri l'étonne et la culpabilité prend le dessus. « Pardon mon coeur. Le déménagement m'épuise, j'suis ... Pas aujourd'hui. » Il s'en veut tellement qu'il fuit la conversation, la bile menace et il souffle un bon coup pour ne rien sortir. Il ne veut pas alarmer son petit ami. Il dépose un baiser sur ses lèvres. Ce n'est pas assez, mais ça fait toujours ça en plus. « Va sous la douche, ça va te faire du bien. Je t'attends dans la chambre. » Il annonce. Et il part. Parce qu'il n'est pas prêt à une nouvelle confrontation. Il se dépêche de filer dans le lit, et c'est là qu'il se rend compte que Callum a raison. Ils n'ont rien fait depuis un moment, et en une semaine, Achille a toujours dormi avec au moins un tee-shirt. Ne voulant même pas exposé son torse. Il s'en veut, il s'en veut tellement qu'il se remet en question. Il ne doit plus cacher quelque chose à Callum, à croire que la première, ça ne lui a pas faire une leçon. Il entend l'eau, Achille en profite pour un moment pour lui à essayer de se calmer. Quand Callum revient, qu'il s'allonge sur le lit, Achille ressent l'ambiance bizarre et il s'en veut encore plus, parce que tout ça, c'est sa faute. Alors il murmure à Callum en se tournant vers lui, en prenant doucement sa main. « Tu... » C'est difficile à sortir de sa bouche, alors il souffle un bon coup, se donnant une certaine confiance. « Tu devrais dire oui, à ce faux mariage. » Il sert sa main, fort, très fort. « Tu devrais vraiment dire oui. Je m'adapterais. » Il sait que si Callum n'était pas là, il aurait éclaté en sanglots.    

À sa grande surprise, Achille le repousse une deuxième fois, cette fois-ci en prenant bien soin de lui hurler d’arrêter de le toucher. Callum est pris d’un sentiment de culpabilité. Il était vraiment en train de caresser son amoureux sans son consentement, et ce, à un endroit interdit. “Je… je suis désolé”, lâche-t-il alors. Il est déconcerté et se sent horriblement mal. S’il pouvait, il se serait fondu avec les murs pour disparaître. Il ne prend même pas le temps de s’expliquer et file sous la douche, ne désirant pas affronter le regard d’Achille tant il se sent mal pour son comportement déviant. Dans la douche, il s’interroge sur le comportement distant de son amoureux. Certes, Achille est fatigué et ils ont beaucoup de pain sur la planche. Et pourtant, jamais n’a-t-il réellement invoqué cette raison pour refuser un rapport sexuel. Il y a forcément une raison, une vraie, qui explique le pourquoi de l’isolement d’Achille. Car son comportement est bizarre depuis les derniers jours; il est plus distant, n’est plus ouvert aux caresses de Callum et déjà bien endormi quand Callum rentre le soir. Somme toute, il semble vraiment avoir adopté un comportement renfermé.
Une fois sa douche terminée, l’avocat fait irruption dans la chambre à coucher qui est à peine installée; ils n’ont pas réellement eu le temps de défaire leurs boîtes et de placer leurs choses. Le jeune homme s’assoit sur son côté de lit et s’apprête à prendre place près de son amoureux. Il compte bien avoir des réponses de la part d’Achille, car il commence réellement à réaliser que quelque chose cloche, qu’il y a quelque chose qu'il ne lui dit pas. Ses soupçons sont renforcées par la prise de parole d’Achille qui lui conseille d’accepter d’épouser Sophie. Il retient sa mâchoire, car celle-ci serait certainement tombée au sol. “Pourquoi ce soudain changement?”, lui demande-t-il, le regard rempli d’incompréhension. Il se lève du lit, ne désirant plus avoir une once d’intimité avec Achille tant la frustration pend possession de son corps. “Putain, mais il se passe quoi avec toi, hein?”, lui demande-t-il en ne manquant pas d'hausser le ton. “Tu n’veux plus baiser depuis une semaine, t’es distant et là tu veux que je me marie à Sophie? Putain, t'étais au bord du précipice à la simple évocation de cette possibilité!”, renchérit-il, toujours embêté par le revirement de situation. Il ne s’attendait pas du tout à ce qu’Achille change ainsi d’avis. Il a besoin de comprendre ce qui se passe dans la tête de son petit-ami. Il veut le savoir, et il veut le savoir maintenant.

Achille donne son consentement pour quelque chose qu'il ne veut pas. Il voit l'incompréhension de son amant, et il se sent affreusement mal. Il se renferme de nouveau sur lui-même, tant les mots de Callum lui font mal. « C'est pas d'la baise. » Il dit, distant et froid. Pourtant, il n'a pas la force de lever la voix, il est fatigué de crier, il est fatigué de pleurer. Il est fatigué que tout ne soit pas simple, pourquoi on leur fait la misère, comme ça ? Ils ne méritent pas tout cet acharnement. « Tu veux savoir ce qu'il se passe ? » Le ton monte, doucement. Il quitte le lit, ne manquant pas de tomber à la renverse sur un carton à la con. Il lâche un juron, se mettant face à son petit ami. « C'est la seule solution qu'on a ! C'est toi qui l'as clairement dit. On n'a pas le choix. » Puis, il y a Callum qui s'énerve, et Achille se sent impuissant. Alors... Alors tant pis, il brise les secrets. « Tu t'es pas dit que j'pouvais pas rester debout plus de cinq minutes ? » Il lui balance dans la gueule. Sa main se pose sur le bas de son tee-shirt, les yeux se remplissent de ses perles salées. Il sert fort le bout du tissu. « Parce que t'avais raison depuis le début ! T'avais raison de croire que j'étais pas en sécurité ! Mais putain c'est pour ça que j'veux pas que tu me touches. » Et là, il lève son tee-shirt avec rage. Il laisse Callum voir ses hématomes, les tâches assez impressionnantes qui envahissent la totalité de son torse. Ses yeux sont fermés, il a peur de la réaction de son copain. Parce qu'il sait que Callum ne va pas apprécier le lourd secret que cache Achille. Il s'en veut, mais de toute manière, il ne peut pas faire autrement. Ils n'ont pas le choix de subir une nouvelle dispute, de subir quelque chose qu'ils ne méritent toujours pas. Le silence est en train de l'étouffer, et Achille se sent déjà faible de tenir aussi longtemps sur ses jambes. Alors, toujours dans un silence encombrant, il s’assoit au bord du lit. « Je suis désolé. » Et pourtant, il sait que des excuses ne vont pas aider pour cette fois. Il n'a pas la force de remettre son tee shirt, alors il se sent mis à nu, comme ça, et c'est franchement humiliant.

Callum roule les yeux quand Achille le corrige sur son vocabulaire. Le jeune homme tente de jouer sur les mots, et pourtant Callum sait très bien que ce n’est qu’une façon de parler. Il voit devant lui un Achille qui s’énerve à son tour, qui saute en dehors du lit tant l’électricité du moment l’anime lui aussi. L’avocat en a vraiment marre de cette relation qui ne semble jamais trouver son équilibre. Certes, il l’aime d’un amour fou, Achille, mais c’est difficile de ne jamais trouver un juste milieu entre les drames et le bonheur. Ils sont toujours poussés à l’extrémité de l’un ou l’autre, sans qu’il n’ait même le temps d’apprécier la joie lorsqu’ils en viennent à elle. “Non mais t’es pas possible Achille, sérieux!”, lui lance-t-il alors qu’il mentionne qu’ils n’ont d’autres choix. Ils n’en ont pourtant pas reparlé depuis une semaine; ainsi, il ne parvient pas à comprendre l’entêtement soudain de l’ancien militaire. “De quoi tu parles?”, s’empresse-t-il de demander aussitôt qu’il évoque son incapacité à tenir debout. Chaque fois que Callum le voit, il est déjà endormi ou il s’apprête à dormir. Ils n’ont même plus de temps pour discuter tant le jeune homme le fuit dès le premier regard croisé. Mais lorsqu’il lève son chandail, Callum en perd ses bras. Il sent en lui se former un mélange de colère et de tristesse qui se mixent de la plus tortueuse des façons. Ses yeux sont incapables de dévier leur focus. Il observe les hématomes alors que son coeur se serre sous cette vue déchirante. “Pourquoi tu t’entêtes à ne rien me dire?”, lui lâche-t-il, cette fois-ci avec une voix transmettant son impuissance. Normalement, il aurait haussé le ton, mais il n’en a plus la force. Il est épuisé de ces éternelles bagarres, de ces hurlements qui le tuent de plus en plus à chaque fois. Il s’approche d’Achille et le prend délicatement par les côtes, passant ses pouces sur sa peau bleutée. Les larmes lui montent rapidement aux yeux; il le fixe, complètement ravagé par la tristesse. “Quand?”, lui demande-t-il difficilement. Il serre doucement son amoureux contre lui. Ses larmes tombent sur les épaules d’Achille. “J’en peux plus”, souffle-t-il alors qu’ils sont toujours enlacés l’un contre l’autre. Ils veulent juste qu’on les laisse vivre, qu’on cesse de cibler la mort de leur couple. Ils ne parviennent pas à comprendre l’enjeu que pose leur relation. Dans l’ère dans lequel ils vivent, ne devraient-ils pas être libres de leurs choix? Libres de choisir leur partenaire de vie sans que leur décision ne soit jugée? Et pourtant, ils ont la fervente impression de se retrouver dans une histoire saugrenue des années dix-huit cents. Ils sont à la veille de toucher le fond du gouffre; ce n’est qu’une question de temps.

La vérité éclate, et Achille ferme les yeux forts, très forts. Se préparant aux massacres, se préparant au cri. Et pourtant, rien ne se passe comme il le pensait. Il est même surpris que Callum ne se fâche pas, mais il a compris, dans sa voix, que sa confiance en prenait un coup. Callum réalise doucement pourquoi Achille le pousse à dire oui. Ils n'ont plus le choix, maintenant, ils doivent vivre dans quelque chose qu'ils ne désirent pas. La boule dans sa gorge s'agrandit un peu plus, parce que c'est peut-être ça, le plus terrible. Que les cris cessent, parce qu'ils sont fatigués de toute cette histoire. « J'avais peur. » Il a dû mal à parler, parce qu'il ne sait pas quoi lui répondre de plus hormis la vérité. Il est vrai qu'Achille aurait dû lui dire le premier jour. Et pourtant, il a eu vraiment peur, parce que le père de Callum est un sombre connard, mais aussi parce qu'il a réussi à terroriser l'ancien militaire. « Ne pleure pas mon coeur, s'il te plaît... J'ai assez honte comme ça. » Il laisse la main de son petit ami découvrir le corps abîmé du plus jeune. Il ferme les yeux, parce qu'il a la sensation d'être à nouveau dans les coups. C'est horrible comme vision, c'est angoissant. Achille se crispe doucement, la douleur revient de plus belle. « Une semaine. T'étais au boulot, il est venu trois jours après notre discussion... » Est-ce qu'il faut préciser le bien-être immense qu'à Achille quand Callum le prend dans les bras ? Il le serre fort, retrouvant une proximité qu'ils ont perdue par la faute du plus jeune. Les larmes qu'il sent son en train de lui briser le coeur. Achille regarde Callum, caressant doucement sa joue. « Je ne me sens plus en sécurité ici Call... » Il murmure. « Ils étaient trois, il y en a un qui m'a touché. Ton père m'a menacé, me prévenant que c'était le dernier avertissement. » Les larmes coulent à son tour, et finalement, il préfère se confier dans le calme, sans les cris. Mais sans les cries, c'est que ça signifie quelque chose, c'est qu'ils sont à bout. « Je veux partir d'ici. Deux fois, il est venu deux fois. » Il panique, ça s'entend à sa voix. « Je veux qu'on parte. » Il panique, sa respiration devient irrégulière, sa vision lui joue des tours, et il s'accroche à Callum, parce qu'il a l'impression de voir des étoiles, il a l'impression qu'à tous moment, il peut tomber dans des songes qu'il ne contrôlera désormais plus.

Callum n’a jamais autant pleuré que pendant sa relation avec Achille. Et ce n’est pas parce que le jeune homme est malheureux, au contraire, mais c’est que leur relation est d’une complexité sans pareil qui capture avec virulence toute la force qu’il possède. Callum regrette amèrement de ne pas s’être préoccupé davantage d’Achille, de ne pas avoir observé les signaux lui indiquant que ce dernier n’était pas bien. C’est difficile de voir la personne que l’on aime dans un état pareil, que celle-ci nous révèle des blessures dont la vue nous attriste profondément, nous rappelant notre impuissance. C’est ainsi que Callum se sent; impuissant face aux menaces de son père qui se veut de plus en plus insistant. Il aurait cru qu’à vingt-huit ans, il aurait la possibilité de mener sa vie comme bon lui semble. Il avait pourtant terriblement tort; sa vie ne lui appartient pas et ne lui a jamais appartenue. Est-ce vraiment ce que ça signifie que d’être un Edwards? Naître pour vivre selon les désirs d’autrui?
Callum observe les larmes qui tracent leur chemin sur les joues d’Achille. Il entend ce qu’il lui dit; qu’il aimerait qu’ils partent pour ne plus remettre les pieds dans ce pays de merde. Si seulement Callum en avait la possibilité, si seulement cette solution n'était pas utopique. Alors il soupire et baisse la tête, car il sait que sa réponse ne plaira pas à son amoureux. “Je ne peux pas partir, Achille. Si je quitte, j’ai rien”, lui répond-il la voix remplie de regrets. “Je sais que tu vas me dire que je t’aurai toi, et ça je le sais. Et putain que je suis chanceux, mais tu le sais ce que ma carrière représente pour moi”, lui explique-t-il. Il est parfaitement conscient que ce n’est pas la réponse qu’Achille voulait, loin de là. Mais il se doit d’être honnête pour son couple qui a déjà suffisamment pris de coups. “Je vais la marier”, souffle-t-il à contre-coeur. “Et un jour, je te promets que je serai devant l’autel avec toi”, rajoute-t-il avant de poser ses lèvres sur les siennes. Ça lui fait terriblement mal que de dire ces paroles parce qu’il s’était convaincu que ça n’arriverait finalement pas; qu’il passerait sa vie avec Achille sans qu’il n’y ait une autre personne dans le portrait. Il lui semble toutefois que ses mains sont liées et qu’il n’est pas en mesure d’agir par lui-même, comme s’il était devenu une marionnette manipulée par les sombres desseins de son père.

Il n'a plus la force de se battre. Il a compris, Achille, que ça ne servait désormais plus à rien. Quoi qu'ils fassent, ils vont perdre. Ils auront beau essayer de courir, ils se feront toujours rattraper pour vivre des choses encore plus horribles. Il ne supporte pas de devoir se foutre dans l'ombre, il ne supporte pas de devoir laisser son copain utiliser la dernière solution pour qu'ils puissent enfin avoir la paix. Achille est déboussolé, et pourtant, il a tout de même l'impression de retrouver son petit ami malgré les terribles événements qui tombent sur eux. Il a un mélange de sensation, celle de récupérer de l'oxygène dans ses poumons. Et pourtant, malgré tout, la pression sur leurs épaules est incontrôlable. Il n'arrive pas à se calmer, les sanglots reprennent de plus belles quand il essaye de reprendre un souffle un peu plus normal. Il s'en veut de lui cacher encore des choses, et pourtant sa réaction lui fait un bien immense. Mais il voit, Achille, que Callum n'en peut plus. Pas forcément des cachoteries, mais plutôt du fardeau. Achille lui parle de ses craintes, mais surtout de ce manque de sécurité. Parce que qui dit que malgré les efforts de Callum, malgré cette fameuse Sophie, son père va s'arrêter ? Achille n'est pas serein, et il hoche doucement la tête. Il ne peut pas se montrer égoïsme juste parce que lui n'a pas de boulot. Il est obligé d'accepter le fait que Callum a des responsabilités. « Je le sais. » Il murmure. Oui, il sait qu'il y a cette partie de lui qui aime énormément son boulot. Alors ils vont justes vivre dans la peur. La phrase de Callum lui fait froid dans le dos, mais ils n'ont pas d'autres solutions. « On n'a pas le choix... » C'est terrible, ce qui est en train d'arriver à leur couple. La promesse de Callum, ça n'arrive pas à rassurer Achille qui est mort de peur. Parce que les dés sont jetés, qu'ils ont perdu la guerre et qu'ils n'ont aucun contrôle sur leur vie. « On vivra dans l'ombre. » Il murmure, de nouveaux sanglots bloquent sa gorge. Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ? Est-ce qu'il va devoir vivre avec elle et abandonner Achille dans leur nouvel appartement ? Est-ce qu'Achille va devoir prendre rendez-vous pour pouvoir essayer de croiser son petit ami ? Son ventre est en train de se contracter tant il a mal. Tant c'est blessant d'être dans une situation comme celle-là. Car pendant que lui ira jouer au parfait époux dans un restaurant luxueux, Achille sera probablement en train de vider son quota de larmes. Parce qu'il réalise qu'une autre va vivre ce que lui souhaite faire avec son petit ami. Il se sent faible, pire, il se sent dépasser par la situation. Alors il l'embrasse, dans l'espoir de trouver du réconfort à travers leurs échanges.