Je m'occupe de préparer le plat pendant que tu te décrasses sous la douche. Je t'ai concocté des lasagnes pour te requinquer après une journée exténuante. Tu sembles avoir apprécié l'idée, avant de filer sous la douche. Je pose les assiettes et le repas sur la table, puis tu reviens et on dîne tranquillement, comme à notre habitude. On apprécie l'ambiance chaleureuse crée, sans avoir la nécessité de se couper  du monde en allumant la télévision. La morosité a suffisamment gagné notre quotidien pour rajouter des frustrations supplémentaires. Alors on échange, on évoque nos journées respectives chacun son tour, en savourant le plat et un bon verre de vin rouge. On profite d'une vie de petit couple, et je n'en demande pas davantage. A part le mariage qui me semble ordinaire si on détaille toutes nos années fabuleuses passées aux côtés de l'autre. Cette existence me suffit pourtant, elle me procure un bien-être au quotidien, surtout lorsqu'on dîne tous les deux, en tête à tête, sans personne pour nous déranger. Je n'ai pas honte de t'accaparer, te vouloir pour moi tout seul. On a bien le droit de rêver à notre âge ? « J'ai dû illustrer un bouquin thriller aujourd'hui, assez sanglant. Il devrait te plaire. » Je te déclare lorsqu'on aborde ma journée, après avoir évoqué la tienne, assez mouvementée entre course poursuite d'un assassin et insultes déclarées par un groupe de jeunes délinquants. Je tente de te rafraîchir la tête avec des idées plus agréables, et je t'explique le résumé du livre. Quand la conversation prend fin, j'attaque subtilement un sujet qui me prend plus à cœur. « Au fait, tu as pu aller voir pour les plats du mariage ? » Je t'interroge, les yeux fixés dans les tiens, tandis que je pique ma fourchette dans mon assiette. Tes prunelles transparaissent ton incompréhension, tu ne sembles pas être connecté au sujet, alors je t'éclaire. « Tu sais, ce que je t'avais demandé, pour évaluer les prix. Combien ça nous reviendrait. »

J’étais rentré, pour une fois, à l’heure prévu. Du coup, j’avais profité pour aller prendre ma douche. Courir après des suspects n’aide franchement pas à sentir la rose. Et surtout j’avais besoin de me décrasser après une journée à courir à droite et à gauche, laissant mes muscles endoloris. L’eau me détend, me donne une sensation de sérénité. C’est donc fraîchement lavé, et un peu plus reposé que je débarque au salon pour dîner. Tu avais eu l’attention particulière de me préparer un de mes plats favoris. Les discussions vont bon train concernant nos journées de boulots, il est vrai que je pars tôt le matin et que je rentre parfois assez tard, on se croise finalement peu, et partager un repas est très agréable. Les tensions se sont quelque peu effacées en ce moment, laissant entrevoir une sérénité qui nous manquait cruellement. Je tenais cependant à ne pas trop m’étaler sur ma journée, l’idée que mon boulot empiète sur notre vie de couple ne me plaisait guère. Mais l’oreille attentive que tu me portes me permet de me décharger de ce poids parfois un peu trop lourd à porter. Mais je suis tout aussi curieux de ta journée, de savoir ce que tu as fais, et surtout l’état de ta mère également. « Oh, tu as pu lire le résumé ? Ca a été tu es parti sur quoi ? » Je hausse un sourcil, heureux de ne plus évoquer ma journée, que j’aimerais bien avoir terminé. Tu abordes ensuite un sujet qui m’était totalement sorti de la tête. Tu m’avais demandé il y a quelque temps de regarder les plats du mariage. Mais, entre les tensions qui se renforcent avec Jud, laissant un climat bizarre entre nous, et surtout une certaine agitation en moi, et un boulot prenant, je n’avais pas eu le temps d’y penser, comme si inconsciemment cela s’était effacé. Signe que je dois prendre en compte une vérité que je n’accepte pas totalement. Je me stoppe alors que je piquais avec ma fourchette un morceau de lasagne et te regarde avec à moitié de l’étonnement dans mes prunelles. Je crois que j’ai merdé. « Heu… Je suis désolé… » Je ferme la bouche, contrit. À quoi ça sert de ce justifier alors que j’ai tout les torts et la raison de subir ta foudre. Moi qui avait promis de faire des efforts. C’est bien mal parti.

Le dîner se déroule à merveille, la gaieté imprègne nos échanges et secoue nos cœurs. L'amertume et la rancœur se sont envolées de nos entrailles depuis qu'on a réussi à tout mettre à plat. La découverte de l'inconscience de ma mère a réussi à gagner ta compassion, et c'est sans doute ce léger rapprochement qui a nous permis de remettre en avant la question du mariage. Tu semblais peu réceptif à cette idée, mais tu as réussi à me rassurer et à éprouver l'envie de lier nos vies. Alors je redeviens serein et la distance qui s'était imposée entre nous a disparu. La complicité est au centre de nos discussions, on aborde divers sujets avant de retomber sur l'union qu'on doit préparer. Je t'avais demandé il y a quelques jours de te rendre dans une boutique spécialisée, un traiteur, afin de visualiser le prix qu'on devrait donner. Juste à titre d'information. Mais je sens ton regard s'éteindre, et ta surprise s'emparer de ton corps. Tu arrêtes même l'élan de ta fourchette, étonné par cette question. Tu la laisses en l'air tandis que je repose la mienne sur l'assiette, comprenant qu'une altercation va nous séparer une seconde fois. Je ne peux plus garder mon calme, j'en ai ras le bol que tu détournes le mariage de notre existence. J'en ai assez que tu manques de franchise, alors je te fusille du regard sans même le vouloir. « Matt, putain ! » Je râle d'un ton agacé, incapable de laisser la hargne de côté. « Je te l'ai demandé il y a un mois... » Mon ton est aussi glacial que mon regard. « J'ai franchement la sensation que tu te fiches de moi. » Je déclare pour te faire part de mes sentiments, qui sans surprise, me broient la poitrine.

Depuis quelques temps les tensions se sont allégées entre nous. Je ne dis pas que c’est redevenu comme avant, ce ne sera jamais le cas réellement, mais l’atmosphère était quand même plus légère. Une bulle de non-dit avait éclaté et avait ramené un peu de sérénité dans le foyer. J’avais également fait quelques concessions concernant le mariage, parvenant à mettre à plat certaines choses qui me serraient le cœur. Mais tout n’était pas réglé, je pourrais même dire que c’était pire qu’avant. Néanmoins, je ne pouvais absolument pas en parler avec toi. Je ne pouvais même en parler à personne. Je ne suis pas certain que l’on comprenne réellement la situation dans laquelle je suis. Mais je m’enfonce de nouveau dans ce mensonge. Je crée de nouveau une situation complexe qui allait de nouveau nous mener vers un terrain glissant si ce n’est déjà fait. Cette histoire de mariage parvient encore à me surprendre pourtant je sais que je suis le seul fautif, pris dans mon quotidien, je suis parvenu à oublier la demande que tu m’avais faite. Je t’avais pourtant promis de m’en charger, je m’en rappelle, mais j’avais toujours remis ça au lendemain, laissant le temps s’écouler, jusqu’à oublier de le faire. La tension monte en flèche entre nous, ainsi que ma propre frustration. Je me ferme un peu plus, de toute manière je mérite bien ton courroux. Je secoue la tête « Désolé, ça m’étais sorti de la tête. » Je rétorque avec au moins autant de hargne que toi, la fatigue n’aidant pas. Je n’avais vraiment pas envie de rentrer dans ce cercle infernal, mais je n’avais pas envie de me laisser attaquer sans répondre. « Sérieusement ? J’ai oublié merde ça arrive. Faut toujours que je sois irréprochable avec toi de toute façon. » je pose bruyamment ma fourchette avant de m’adosser à ma chaise et de croiser les bras.

Notre conversation était ordinaire, l'ambiance chaleureuse, jusqu'à ce que je t'interroge sur un sujet qui fâche. J'ai simplement voulu connaître l'évolution de tes recherches auprès du traiteur, mais le compte-rendu que tu me transmets est désolant. Ton manque de motivation et d'enthousiasme à ce sujet m'exaspère, et cet agacement profond et déchirant ne tarde pas à t'exploser à la figure. Je ne parviens pas à contenir la hargne que j'éprouve à ton égard, encore moins cette frustration qui tapisse mes entrailles. Je t'en veux de m'encombrer le cœur de déception, morosité ; et surtout d'angoisses. Je commence à croire que ton amour s'est dissipé avec les années, pendant que le mien s'est renforcé de jour en jour. « Habituellement, les choses qui te sortent de la tête, sont des choses pas importantes ! » Je m'exclame avec froideur sans vraiment hurler, pour te faire comprendre cette pensée qui m'habite. Celle qui me fait douter de ta loyauté, et qui se repose sur le fait que tu pourrais possiblement n'avoir aucune envie d'unir ta vie à la vie. Pourtant toi tu n'hésites aucunement à me rendre coupable de ton manque d'intérêt, très injustement je trouve. Mon cœur se serre à tes remarques acerbes car je n'ai jamais eu la sensation d'être un compagnon emmerdant. « J'ai jamais été exigeant pour quoi que ce soit ! J'ai même attendu un mois avant d'évoquer de nouveau le mariage. Je t'ai plus emmerdé comme le désirait ta volonté ! » Je te crie dessus parce que ma colère s'est accentuée devant tes reproches. Je suis incapable d'accepter ce trait de caractère que tu me donnes. « J'accepte que tu rentres à pas d'heure à cause de ton boulot ; j'accepte que tu sois trop crevé pour faire l'amour. J'accepte que tu sois un piètre cuisinier, un piètre menteur aussi. Comment tu peux dire un truc pareil alors que je suis toujours aussi fou de toi ? » Je lâche avec amertume, l'air plus blasé que colérique. Comment on a pu en arriver là, tous les deux, à se quereller sans arriver à s'exprimer sans rage ? J'ai tellement besoin de toi à mes côtés, si tu savais. « Tu as juste encore la lâcheté de refuser que c'est toi qui merdes. » J'explose contre toi, car c'est tout ce qu'on a la force de faire de toute façon.

C’était typique de notre soirée. Tout commençait bien avant de déraper. Ça me broyait le cœur mais quand on s’enfonçait dans cette spirale il était compliqué d’en sortir sans casse et sans heurt. Le sujet du mariage est toujours aussi épineux. Mais je fuyais comme une anguille face à ce sujet, simplement parce que je n’avais pas les réponses que tu attendais. Moi-même j’étais complètement perdu face à ce sujet. Alors te faire face avec ce sujet m’épuisait. J’étais tiraillé entre l’envie de te donner ce que tu désires tant et fuir à l’idée de la crainte qui m’envahit dès que j’entends le mot mariage. Pourtant mes parents ne m’ont pas donné un exemple désastreux de cette institution, si ce n’est que j’ai perdu mon père trop tôt. Mais, au quotidien, je vois des couples se déchirer dans des divorces houleux, en arrivant parfois à l’extrême. L’idée que l’on puisse un jour en arriver là, s’écharpant avec au milieu notre progéniture m’effraie. « Oui ben ce n’est pas comme si c’était vital non plus ! » Je ne vois pas en quoi commencer par le traiteur était plus important que le lieu ? je fronce les sourcils, de mauvaise foi je fais preuve. Lâche, c’est bien ce que je suis en ce moment, et la fatigue n’aide pas. Les mots sont mal choisis et je les regrette mais ils sont malheureusement sortis et c’est trop tard pour les ravaler. Je sursaute et encaisse tes reproches, mais il m’est compliqué de garder mon calme. Je souffle brutalement pour calmer mes nerfs. « Parce que tu n’as que le mariage en tête, merde, j’ai l’impression que tout ce que je fais à côté n’est que poussière ! » Je suis injuste et je le sais, mais la dispute prend des airs de règlements de compte. Des non-dits qui ont besoin d’éclater. Je sais que tu as parfaitement raison mais la colère emplit notre atmosphère. « Et alors ? tu crois que je n’aimerais pas avoir plus de temps libre ? De voir moins d’horreur pour t’être plus disponible ? » Je grogne, les décibels grimpent et laissent une marque indélébile, encore une fois. Tu as raison, mais je refuse de me l’avouer. Je refuse d’avouer que je suis cette personne ignoble qui ne te fait que du mal. Un éclair blessé passe dans mes prunelles face à cette vérité cinglante. « Tu m’emmerdes James. Et tu ne m’apprends rien. » Non parce que je suis bien pire que ce que tu penses réellement.

J'éclate ma hargne lorsque j'apprends que tu ne t'es pas occupé de notre mariage comme je te l'avais demandé. La colère démolit tout sur son passage et broie nos cœurs sans scrupule. Tu t'appliques d'ailleurs à rétorquer et à faire preuve d'autant de hargne que moi. Tout part en vrille assez facilement, alors que notre échange était basé sur nos journées. Je ne voulais pas que la rage nous domine, qu'on finisse sur une note lourde et déchirante. Je ne tenais pas à ce qu'on dispute et je t'avais interrogé innocemment, sans arrière-pensée, et sans ce but de te piéger. Je pensais sincèrement que tu accordais désormais de l'intérêt à notre union, mais ça semble être une corvée. J'ignore pour quelle raison tu as décidé de le remettre dans nos vies, au creux de mon esprit, si c'est pour le délaisser de nouveau. « Pour toi, oui, c'est sûr. Je l'ai bien compris. » Tu me blesses en me criant que ce n'est pas forcément vital. J'ai le goût de pleurer quand tu glisses de tels commentaires hors de ta bouche, parce qu'enfin, la vérité éclate. Tu contenais tes ressentiments et tu me les éclates à la figure. La souffrance est vive lorsque tu percutes mon cœur par ta colère. Tu le saccages par tes reproches que je considère injustes mais que tu sembles véritablement penser. Tu m'écorches et m'anéantis en quelques secondes. J'ai déjà les larmes aux yeux, je ne les contrôle pas. Pourtant, mon père m'a appris à être fort, à retenir les sanglots et à ne pas dévoiler mes sentiments aussi facilement. Sauf qu'avec toi, c'est compliqué. C'est tellement rare qu'on se délivre à une telle haine que je n'ai pas pris l'habitude de renforcer ma coquille. Je me suis désarmé au fil des années, tant la confiance que je tissais à ton égard était grandissante. Je garde contenance pour ne pas m'effondrer devant tes piques qui s'accentuent, et je me laisse emporter par mon impulsion pour répliquer avec autant de hargne. « Tu es injuste ! Je t'en ai pas parlé depuis un mois bon sang ! Je pensais juste que tu aurais compris que ça me tenait à cœur que tu t'occupes de ça ! Ça m'aurait montré que ce n'est pas du vent. Que tu en avais envie toi aussi. » Tu me donnes l'impression d'être le mec le plus emmerdant de l'univers, et j'ai la gorge qui se serre à chacune de tes remarques. « Je n'ai jamais dit ça, je sais que c'est difficile pour toi aussi. J'essaye de te faire comprendre que je suis moins exigeant que tu ne semblais l'affirmer. Tu as plein de mecs qui t'auraient déjà fait une scène pour si peu. » J'ai la sensation que tu ne trouves plus ton bonheur auprès de moi et c'est frustrant. Je me demande bien ce que tu me trouves, pourquoi tu restes là, si je suis aussi chiant que tu le penses. J'ai un goût amer en bouche. J'y peux rien si c'est vital pour moi de me marier, de fonder une famille. Je suis navré qu'on n'ait pas les mêmes opinions pour une fois, alors qu'on a toujours été sur la même longueur d'onde toi et moi. Tu finis par me déclarer royalement que je t'emmerde. Ça finit à me briser le cœur, je ravale ma salive et fierté. Je me terre dans un silence, qui devient pesant au bout de quelques secondes. Je cherche ton regard, du mien, peiné plus qu'enragé. « Tu me trouves si chiant que ça ? » Je te demande, parce que je doute complètement. La complicité était revenue entre nous, je ne t'ai fait aucun reproche pendant des semaines. Qu'est-ce qui coince autant ? Pourquoi il y a un tel fossé et qu'on plonge dedans dès qu'un élément nous envahit de rage ? « Je veux dire... pourquoi tu m'as dit oui matt ? Il y a deux ans, pourquoi tu as accepté de te marier avec moi si tu n'en as jamais eu l'envie ? » Je t'interroge pour que tu vides tes tripes une bonne fois pour toutes. Il n'y a plus aucune animosité dans ma voix, seulement de la fébrilité et une demande sous-entendue que tu fasses preuve de franchise. Quitte à me blesser, autant le faire jusqu'au bout.

Un simple oubli de ma part et tout part en cacahuète. Je suis responsable de cette situation. Mais je ne veux pas encaisser tes reproches sans rien dire, ce n’est pas dans mon tempérament. Pourtant je ne suis pas de prime abord une personne qui se met facilement en colère. Mais, depuis quelque temps j’ai l’impression d’être devenu quelqu’un de complètement différent. Parfois je ne me reconnais plus. Mais j’ai encore ma fierté pour l’avouer à voix haute et te donner une raison de m’enfoncer un peu plus. Tu aurais pourtant toutes les raisons du monde pour le faire. Mais, dans tout les cas, je n’avais pas envie de m’en prendre plein la tête, pas ce soir. Mais je ne contrôle pas les mots qui sortent de ma bouche, comme s’ils avaient besoin de sortir à force d’être trop retenu. Je ne réponds pas à ta pique. Je ne veux pas envenimer les choses. je dis déjà trop de bêtises pour mettre de l’huile sur le feu. Je soupire doucement, ça ne me ressemblait pas de vouloir te blesser ouvertement. Mais, tout ce qui se passe dans la vie en ce moment me perturbe. Et les tensions entre nous font déborder le vase. Résultat je sais que je regretterais vivement mes propos très rapidement. Pourtant on continue désespérément de s’enfoncer dans cette dispute, on se balance des horreurs au visage, pour se délester de nos poids dans le cœur. Pourtant mon cœur se serre, comme à chaque fois que je vois des larmes coincées dans tes yeux. Naturellement je n’ai qu’une envie, c’est de te serrer dans mes bras, si ma propre colère ne m’aveuglait pas. Mais je suis bien incapable de faire un geste vers toi. « Mais je l’ai compris, bordel ! tu ne cesses de me le répéter quand tu abordes le mariage. » Je ferme les yeux doucement, je tente de retrouver le calme en moi. Ce n’est pas évident, il me faut pas mal de self control. Alors je laisse plâner un blanc, un silence, te laissant ainsi le temps de reprendre doucement tes esprits. De calmer ces tensions qui n’apportent rien de bon. « Je sais. » Mon ton est plus calme, plus posé, malgré la tension qui demeure. Je me lève et arpente le salon de long en large, j’avais besoin de trouver une manière d’évacuer cette tension. Ce qui est le plus difficile dans tout ça, c’est qu’on est une divergence d’opinion qui nous ronge, alors que l’on a toujours trouvé facilement un accord. Mais là, c’est comme si le fossé entre nous s’agrandissait de jour en jour. Mais, la violence de mes paroles te percutent. Le silence emplit la pièce. La question que tu me poses m’arrête. Je te fais face. « Non. » Il n’y a aucun doute dans cette affirmation, pas l’ombre d’une hésitation. « Bien sûr que non. C’est plutôt moi qui a l’impression de l’être. » Je souffle. « Parce que j’en avais envie. » Et pourquoi cette envie s’est envolée ? Je ne saurais pas trop le dire. Je me rappelle juste que le oui avait fusé sans même que je ne réfléchisse. Et aujourd’hui, Judson n’est qu’une excuse pour esquiver une vérité que je ne veux pas accepter.

Notre repas avait pourtant bien démarré, mais il faut croire qu'on est abonnés aux querelles en ce moment. Tout devient si dramatique et conflictuel entre nous que la distance se creuse et j'ai la sensation constante d'étouffer. Le sourire qui ornait mes lèvres s'est perdu sous le flot de paroles acerbes et déchirantes qu'on se lance chacun son tour. On est tout bonnement incapables de rester sereins devant les reproches de l'autre, et on réplique sans cesse. La douleur est lancinante au creux de mon cœur, et je te l'affiche clairement par les larmes aux coins de mes yeux. Elles restent bloquées, refusent de couler par fierté, mais la sensibilité que tu actives en moi me rend fébrile. J'ai envie de chialer comme un gamin lorsque tu me fais sentir aussi minable. J'ai l'impression de rendre ton quotidien étouffant, et d'éliminer tout le bien-être qu'on pouvait se procurer autrefois. « Je le répète parce que tu sembles l'oublier tout le temps ! » Je hurle pour faire écho à tes cris de rage. Je suis en colère contre toi et ta manière de négliger mon besoin vital de m'unir à toi. Je t'en veux de m'oublier en chemin et de me jeter toutes ces méchancetés à la figure alors que je me crève d'amour pour toi chaque jour. Je suis tellement dévoré par cette animosité qui règne entre nous que je ne cherche plus à te rassurer, et je te laisse t'éloigner de la table pour marcher à travers le salon. Tu me rassures en m'affirmant que je ne suis pas du tout chiant, et mon cœur se desserre légèrement même si je sais pertinemment que la confrontation ne s'est pas encore dissipée. Loin de là. « C'est juste que tu m'oublies. » Je te lâche d'une voix normale, sans rancune ni rage. Je veux seulement t'expliquer clairement ce qui me chagrine. Tu as négligé mes envies en pensant plutôt aux tiennes, en ne respectant pas la requête que je t'avais transmise. Finalement tu me fais comprendre que le désir de te marier avec moi était bel et bien présente auparavant, et tu n'as pas besoin d'ajouter le fait qu'il a atténué, anéanti, car ton silence pesant derrière sa phrase laisse planer ce sous-entendu. Mon cœur se déchire un peu plus à l'idée que j'ai pu te dégoûter à ce point du mariage. Je sais que j'ai été exigeant, pressant, vis-à-vis de ce sujet, mais à ce point ? J'ai coupé cette élan d'impatience pour te laisser le temps d'apprivoiser l'idée, seulement « C'est ça le problème, c'est du passé. Et j'aimerais qu'elle revienne. Alors dis-moi ce qui te bloque. Ce qui t'a coupé autant l'envie. » Je cherche ton regard mais tu es trop préoccupé à tourner en rond dans le salon. Je reste collé à mon siège, espérant que cette conversation va se décanter. La colère semble en tout cas avoir disparu pour une durée indéterminée. « Et surtout pourquoi tu m'as faire croire que cette envie était revenue. » Je lâche toutefois, c'est plus fort que moi. Mon ton n'est pas hargneux, plutôt agacé, car je commence à être usé de tes mensonges divers. Je veux seulement comprendre ce qui t'a incité à me dissimuler une vérité, même si tu savais qu'elle m'écorcherait immanquablement le cœur.

On semble se déchirer un peu plus à chaque dispute qui s’immisce entre nous. La douleur ancre nos cœurs meurtris. J’aimerais tellement que toute cette souffrance s’arrête, que tout s’éclaircisse entre nous, mais ce n’est malheureusement pas le cas. On se lance des piques incessantes, on est bien incapable de s’arrêter. Pourtant après chaque dispute le goût amer des regrets se dépose au creux de mon ventre. Surtout quand je remarque les larmes coincées dans tes yeux. C’est compliqué, mais notre impulsion à se faire du mal était parfois plus forte que l’idée de se faire du bien. On était enfoncé tous les deux dans une spirale infernale, et pour s’en sortir, il allait nous falloir du temps. Si on pouvait encore se sortir de cela. Le poids de la culpabilité n’arrange rien. Il me faut beaucoup de self control pour ne pas te hurler de nouveau dessus. Ce sujet devenait vraiment de plus en plus épineux, malgré des efforts qui, pour ma part, n’étaient pas assez prononcé. Je veux bien le concevoir si je n’étais pas certain d’augmenter ton animosité. Je parcours le salon, pour tenter d’évacuer toute cette tension. Je tente d’arrêter la machine infernale, sans grand succès apparemment. Pourtant la prochaine affirmation sort tout naturellement. Un nuage qui s’envole, mais il y en a encore plein. Mais je ne pouvais pas te laisser croire une telle chose. Malgré nos disputes, je n’ai jamais pensé une telle chose. Nos disputes n’ont jamais été pour te descendre. Au contraire c’était comme si je me fixais une barrière douloureuse pour que tu ne découvres pas ce qui me gangrène de l’intérieur. Et le mariage était comme ce prétexte parfait. Tu énonces une vérité troublante qui t’habites. Ça me laisse sans voix. Je ne peux pas nier cette impression que tu as. Je n’ai pas été vraiment présent ces derniers temps et encore moins altruiste. Je ne peux qu’encaisser ce reproche. Le silence nous entoure et se prolonge. Le pire dans tout ça, c’est que cette idée de mariage m’avait vraiment emballé au départ, et, qu’ensuite, des petits riens sont venus s’immiscer entre nous. Mais ces derniers mois ont vraiment mis à mal cette idée. Bien sûr, j’aurais tellement aimé avoie cette envie au creux de mon cœur. Mais notre discordance est trop forte. Je mordille mes lèvres inférieures. « Franchement ? Je n’en sais rien… » Je m’arrête dans mes cent pas et te fixe. « ça a commencé avec des petits rien. Je voyais des mariages qui tournaient mal au commissariat, et, je ne sais pas vraiment l’expliquer, mais je n’avais pas envie que l’on en arrive là. » L’idée même que l’on se déchire pour de l’argent avec un gosse au milieu m’est insupportable. Ce sait que c’est idiot, mais mon boulot avait parfois tendance à déteindre sur ma vie privée. Faire la part des choses n’était pas si facile qu’on le pense. Et ces idées se sont infiltrées sournoisement dans ma tête. Bien sûr, ce mariage était encore mis à mal avec toute cette histoire avec mon meilleur ami. « Parce que je voulais y croire de nouveau, pour toi, mais aussi pour moi. » Mais force est de constater que c’est un véritable échec.