Je ne suis pas en retard, j'installe du suspens.

- Mamaaaan.
Je me réveille en sursaut, les cheveux en bataille, l'air hébété. Je cligne des yeux quelques secondes, le temps que mes neurones se connectent et que je comprenne ce qui se passe. Passant une main dans mes cheveux, je finis par me lever et me rends dans la chambre de Thaïs. J'ouvre doucement sa porte, pour trouver ma fille assise dans son lit en train de sangloter, les draps défaits, sa peluche favorite par terre. Doucement, je m'approche, allant m'asseoir à ses côtés.
- Trésor.. Je l'attire contre moi, caressant ses cheveux avec douceur, allant embrasser son crâne tendrement. Tu as fait un cauchemar ? Je demande, en la berçant doucement, alors que Thaïs s'accroche à moi, allant enfouir son visage contre ma poitrine, ses larmes inondant mon haut de pyjama. Sssht. C'est rien mon cœur, ça va aller, d'accord ? Je continue, d'une voix la plus rassurante possible. Ma fille me raconte son cauchemar à mi voix, coupée par ses sanglots plusieurs fois. Rien de bien alarmant, mais suffisamment pour qu'elle se soit réveillée, et qu'elle ne veuille plus se rendormir. Alors, sans rien dire de plus, je prends Thaïs dans mes bras et la ramène avec moi dans ma chambre, ramassant sa peluche au passage. Une fois dans la pièce, je me recouche, gardant ma fille près de moi. Peu à peu, elle se calme, sûrement aidée par mes papouilles dans ses cheveux, et par le fait qu'elle tient de nouveau sa peluche contre son cœur. Je la vois fermer les yeux, petit à petit, et je souris. Les cauchemars de Thaïs n'ont aucun rapports avec sa maladie, mais curieusement, elle en fait pourtant fréquemment depuis que nous savons sa leucémie. Sûrement y'a t'il un lien, c'est certain. Peut-être que je devrais l'emmener voir un psychologue, mais je ne suis pas réellement pour. Thaïs est encore jeune, et même si sa maladie est quelque chose de difficile à vivre, je n'ai pas envie de l'envoyer se confier à un inconnu. Si elle doit parler, je préfère qu'elle le fasse avec moi, ou même avec mon père, Fleurie ou pourquoi pas Aiden également. Mais pas à quelqu'un qu'elle ne connaît pas, qu'elle n'a jamais vu... Aussi sociable ma fille soit-elle, je ne pense pas que ça lui soit vraiment bénéfique. Je soupire, et l'observe, alors qu'elle a fini par se rendormir, paisiblement. Je vais tendrement déposer un baiser sur le bout de son nez, totalement attendrie. Je suis totalement folle de ma fille, elle est vraiment mon trésor. J'ai beau eu l'avoir très jeune, à seulement vingt ans, je ne l'ai jamais regretté. Parfois, sa maladie est dure à supporter mais je tiens bon pour elle... C'est pour sa joie et son enthousiasme qu'elle a chaque jours que j'arrive également à garder mon optimisme. Mais je sais très bien que je ne pourrais pas éternellement garder cette force de caractère. A un moment donné, Thaïs va perdre du poids, perdre ses cheveux, et garder le sourire deviendra difficile. Parce que tout ça rendra sa maladie beaucoup, beaucoup plus réelle. Pour l'instant, en la regardant ainsi, on peut encore avoir l'illusion que tout va bien et pourtant...

Bip. Bip. Bip.
La sonnerie stridente du réveil me fait sursauter, brutalement. En ouvrant les yeux, je constate que Thaïs n'est plus dans le lit. Je fronce les sourcils et me lève, pour la retrouver au salon.
- Déjà réveillée ? Je demande en baillant, m'asseyant à ses côtés sur le canapé. Thaïs termine son bord de céréales, qu'elle pose sur la table et pointe l'horloge du doigt.
- Beh oui. Il est 8h, tu m'as dit que tu m'amènerais chez papy pour avant 8h15, parce que tu commences à 8h45. L'électrochoc. Je me relève d'un bond, soudainement paniquée. Je suis en retard, le réveil n'était pas à l'heure. Merde, merde, merde et merde de nouveau ! Je cours jusqu'à ma chambre pour me préparer. Je n'ai même pas le temps de réfléchir, j'enfile la première robe qui me passe sous la main, la première paire d'escarpins -en m'assurant que ce soit quand même assorti ! Et file ensuite à la salle de bain pour me coiffer et me maquiller à toute vitesse. Une fois à peu près satisfaite de mon reflet malgré le manque de temps, je retourne au salon et fais signe à Thaïs de prendre ses affaires.
- Allez chérie ! On est déjà en retard ! En effet, il est 8h20. Même en conduisant à toute vitesse, je ne serais jamais à l'heure... D'accord, mon patron est le meilleur ami de mon père, mais ce n'est pas une raison. Je vais me faire tuer, surtout que Nathanaël a tendance à être ronchon, et encore plus avec moi, allez savoir pourquoi ! Peut-être que ça l'emmerde d'avoir engagé la fille de son meilleur ami. Et pourtant, je suis douée dans ce que je fais.

J'arrive chez mon père en catastrophe. Je lui laisse Thaïs, que je prends le temps de serrer contre moi, avant de repartir en courant. Et croyez-moi, courir en talons, c'est du sport, réellement. Je retourne à ma voiture, et repars en trombe, jusqu'aux locaux du journal. Je me gare, un peu mal. J'espère juste ne pas avoir de contravention ce soir... Oh et puis zut ! Je n'ai pas le temps. Je pousse les portes du journal, et m'effondre à moitié sur mon bureau, jetant un regard désespéré au collègue avec qui je le partage.
- Pitié, dis moi que personne n'a remarqué mon retard.. Je marmonne en jetant un regard à l'heure. Il est 9h25... Une demie-heure de retard, un peu plus, ce n'est rien, n'est-ce pas ?
- Tu oublies que tu devais rendre ton article au patron dès ton arrivée. Merde. Triple merde. Du coup, si, il sait que tu n'étais pas à l'heure... Je soupire et me lève de mon bureau. Bien, il faut donc que j'aille m'expliquer maintenant. Suuuuuper. Me mordant les lèvres, je me dirige donc vers le bureau de Nathanaël, auquel je toque, avant d'entrer quand il m'en donne l'autorisation. Je m'arme d'un grand sourire.
- Bonjouuur ! Je lance, joyeusement, comme si ça pouvait effacer le fait que je suis à la bourre. Tu vas bien ? Oui, je le tutoie quand nous sommes tous les deux. Devant les autres employés, je le vouvoie, pour ne pas être trop familière mais quand il n'y a personne autour, inutile de m'embarrasser. En attendant, je lui souris, toujours aussi joyeuse, comme si ça pouvait réellement lui faire oublier que j'ai plus d'une demie-heure de retard. L'espoir fait vivre.

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