Mon cœur est au bord de l'explosion tant la rage s'immisce au creux de mes entrailles. L'émotion est vive et profonde et elle m'envahit de toutes parts. J'aimerais qu'on arrête de s'engueuler pour le moindre chamboulement dans nos existences, mais il faut croire qu'on ne parvient plus à écarter la colère de nos cœurs. La rancune s'installe et bousille notre quotidien, à tel point que la hargne devient presque ordinaire entre nous. Elle ne fait qu'accentuer le fossé qui se creuse de plus en plus entre nous. Nos opinions divergent tellement que la distance s'impose davantage, rendant nos différences que plus visibles. Tu m'expliques ton point de vue, notamment les raisons qui ont éliminé cette envie de t'unir à moi, et je ne parviens pas à faire preuve de compréhension. « Bordel mais les mariages qui foirent, c'est ceux de gens qui se lancent trop vite ! Qui sont inconscients ! » Je hurle en t'observant me faire dos, enragé que tu puisses remettre en question les seize années passées aux côtés de l'autre. Ce qu'on a vécu n'est pas du vent. Mes sentiments se sont renforcés au fil des ans, et mon désir d'union est basée sur la réflexion. Je trouve que c'est une bonne durée de relation pour se marier. Tu m'avoues finalement que tu m'as donné l'illusion que l'envie était revenue, parce que tu voulais croire toi-même que c'était possible. J'ai envie de te secouer en te déclarant que ce n'est pas une excuse appropriée. Je te laisse faire les cents pas à travers notre salon, sans te retenir dans ton élan. J'ai pourtant l'envie de te baffer pour les conneries que tu énonces à la minute, car rien ne justifie les mensonges dans lesquels tu m'as plongés avec facilité. Quand est-ce que tu vas arrêter de manquer de franchise envers moi ? Il serait temps. « Ça ne suffit pas comme raison Matt ! Tu aurais dû m'avouer que tu n'étais pas certain que l'envie reviendrait ! Au lieu de me faire croire comme un con ! » Je m'exclame avec vigueur, mes yeux te fusillant même si tu n'affrontes que très rarement mon regard. « J'ai l'impression que tu as surtout eu pitié de moi, parce que ma mère est à l'hosto. Tu crois que je suis pas assez grand pour supporter la douleur de savoir que l'homme avec qui je vis depuis 16 ans a la trouille de se marier ? » Je méprise ton imposture, la désillusion que j'affronte en ce moment. Je tiens enfin la vérité du bout des doigts et mon cœur se déchire. Je suis totalement désarmé, blessé par nos avis qui diffèrent. Notre complicité s'est envolée au profit de la rage, et je commence à étouffer dans ce quotidien morne et exténuant qu'on tisse chaque jour. « Tu essayais de faire quoi au juste ? Me protéger ? Moi tout ce que je vois, c'est que tu me plonges juste dans de belles illusions depuis plusieurs semaines. » Je m'exprime avec agacement, parce que j'en ai marre de tes mensonges, de la distance que tu crées naturellement.

Après seize ans de vie communes où les disputes se faisaient rare, on rattrapait désormais le temps perdu en matière de discorde. On en avait notre lot chaque jour. Je savais que tu voulais éviter les disputes tout comme moi, mais c’est comme si on était impuissants face à la déferlante de nos reproches. Un rien était bon pour qu’on s’écharpe, parfois pendant des heures. Blessant et meurtrissant nos cœurs pour un temps. L’amour est toujours présent mais voilé par ces mots haineux parfois. Jamais la violence physique ne s’est installée et je ne la laisserais pas s’immiscer entre nous. Mais parfois les mots font plus de mal que les gestes. Et le mariage semblait le sujet de prédilection pour que l’on se balance des horreurs. Alors que je tente de garder mon calme tu te remets à hurler. Cette dispute semble encore plus amère que les précédentes. Je n’ai même plus l’énergie de te hurler dessus. « Pas seulement. » Je peux dire que j’ai vu pléthore de situation dans les situations qui dégénèrent, et pas seulement les préjugés que l’on pense. Et ces idées sournoises n’ont pas besoin de raison pour s’immiscer en nous quand ça arrive. Finalement peut-être qu’inconsciemment j’avais trouvé une raison pour ne plus m’engager. Je tentais de m’extraire de ton besoin de justification sans dévoiler pour autant une autre raison beaucoup plus valable : Judson. Mais, j’avais remis ce sujet à l’ordre du jour en promettant de faire des efforts : erreur monumentale de ma part. J’aurais mieux fait de ne rien promettre, à part celle d’y réfléchir plus posément. Mais, j’avais tenté de comprendre la signification du geste de Judson qui avait semé une nouvelle onde de doute dans ma tête. Alors que je ne voulais que savoir la portée de son geste, peut-être espérant ainsi me prendre un vent pour taire les pensées qui m’assaillent un peu trop souvent. Mais ce n’est pas le résultat que j’ai eu. Je fais les cent pas dans le salon, usant notre sol. « Désolé d’y avoir cru sur le moment » Je lève les yeux au ciel mais je suis dos à toi pour que tu puisses le remarquer. La hargne me gagne de nouveau, je n’ai qu’une envie : prendre le large avant de dire des choses que l’on va tout deux sincèrement regretté. « T’as pas le droit de dire cela, James. Si vraiment j’avais eu pitié tu aurais dû me supporter jour et nuit. Mais je n’ai rien changé si ce n’est aller avec toi à l’hôpital et tenter de te soutenir dans les décisions que tu dois prendre. » j’ai le cœur qui se serre à l’accusation que tu me portes. Mais je tente de prendre sur moi. Surtout que tu continues sur ta lancée. Des coups de poings dans le cœur, c’est comme ça que je le ressens. On plonge dans l’océan de l’abîme un peu plus encore. « Je ne veux que ça, te protéger. Maladroitement certes. » je souffle douloureusement. Je retiens mes excès de rage, on s’est déjà assez blessés tous les deux.

Je n'en peux plus de tes mensonges, de la manière que tu as de me plonger dedans sans scrupule. Je découvre les vérités que tu me dissimulais, parce que cette fois tu n'as plus le pouvoir de te cacher derrière les illusions. Tu dois me faire face et lutter contre ce torrent de colère que je t'adresse, pour parvenir à m'expliquer. J'entends tes motivations, les raisons qui te dégoûtent du mariage. Seulement je suis incapable de faire preuve de compréhension devant ton point de vue que tu présentes avec sensibilité. Ce que tu croises dans ton métier n'est pas forcément le reflet de la vie réelle ; toi tu regroupes seulement les cas emplis d'horreur et de souffrance. Tu te fies aux histoires monstrueuses que les victimes peuvent te conter parfois, mais cela ne justifie pas ta remise en question du mariage. « Beaucoup. Et puis à craindre toutes formes d'engagement, tu ne vis plus après. » On s'est toujours témoignés du respect, de l'amour, et je ne crois pas qu'il soit possible qu'on en arrive à ce stade. Si seulement le divorce avait dû s'établir, on serait restés en bons termes. Je le sens, j'en suis persuadé, et ça me désole que cette vérité t'est inaperçue. « Alors pourquoi tu mens comme ça ? Quel est l'intérêt ? » Je te demande avec un peu de rage quand tu me dévoiles ta blessure concernant les mots que je t'ai balancés. Je t'ai seulement exprimé ce que je ressentais au fond de mes tripes, avec une franchise que j'ai toujours explosé. « Je n'ai pas besoin que tu me protèges, je préfère que tu me confrontes à la réalité même si elle tue le cœur. » Je te fais comprendre parce que j'ai la sensation que tu me prends pour un gamin en plus d'un con. J'aimerais que tu choisisses l'option sincérité la prochaine fois que tu devras entreprendre un choix complexe, et que tu ne me mettes pas en dehors de ce qui peut s'agiter dans ton crâne. Je finis par me redresser sur mon siège, je ne t'observe plus, j'ai le regard trop vide et peiné. Je n'ai même plus la force de bouger. « Tant pis, c'est comme ça. Je vais devoir l'accepter de toute façon. » J'ai pourtant la gorge qui se serre, l'émotion qui me monte aux yeux et compresse les poumons. Je songe à ma génitrice qui me bassinait avec cette union, pour qui elle prend une valeur considérable. Ma mère provient d'une vieille époque et construire une famille devient primordial. Elle m'a inculqué ces normes, m'a donné l'envie de les respecter, savourer, et c'est certainement pour cette raison que nos visions divergent. « Ma mère serait déçue. » Si elle était encore consciente dans ce bas monde... J'ignore pourquoi je te lance un tel commentaire, sachant pertinemment que la culpabilité va te ronger les entrailles. Je veux seulement que tu réalises qu'une personne sera d'autant plus meurtrie que moi. J'ai juste ce besoin de l'évoquer, de mettre en évidence les valeurs qu'elle m'a adressées. Je suis tellement las et exténué par nos disputes que je finis par me relever, attraper mon assiette, et jeter le restant de mon plat à la poubelle. Les nausées me brûlent l'estomac, l'appétit s'est envolé, alors je pose tout dans l'évier.

La vérité éclate de nouveau entre nous. C’est comme si on ne parvenait qu’à la dévoiler derrière des flots de douleurs et des cris. Comme si on avait besoin de cet affrontement incessant pour être franc. Je subis tes foudres, et même si je ne me laisse pas faire, je sais que je l’ai amplement mérité. Pour une chose que je ne peux décemment pas t’avouer, je mérite un châtiment bien pire. Mais, c’est difficile de gérer tout ça. Je sens le vase qui menace de déborder. Mais tu ne peux pas en subir les conséquences, je n’ai pas le droit de te les faire vivre. Tu as raison sur le fait que je risque de fuir toute forme d’engagement si je ne me détache pas plus de mon travail. Mais ce n’est pas si aisé qu’on le pense. Je ne suis pas un être froid qui ne ressens rien, même si, parfois, ça aurait bien es avantages. « Ce n’est pas aussi facile que ça, de ne pas se morfondre dans une expectative qui peut arriver à tout le monde, même à des couples sans histoires. » Je soupire je tente de t’expliquer mon point de vue, mais je ne cherche pas à ce que tu le comprennes, tu ne sembles pas en mesure de le faire de toute manière. Tu m’affrontes en me demandant pourquoi je te mens ainsi. Il me faut un certain temps de réflexion pour trouver les mots qui correspondent un peu à on état d’esprit. Je fronce les sourcils sous la réflexion. « Je ne sais pas comment le dire. Je déteste te faire souffrir, mais ça a tout l’effet contraire. » Je hausse les épaules, dépité, et mon regard brille d’une lueur amère de culpabilité. Le reste de tes paroles continuent d’achever le boulot que tu as entrepris de tout me démonter. Je ne peux pas t’en vouloir. Alors j’encaisse tes reproches sans trop broncher cette fois. Je prends bonne note de ce que tu demandes. « Je tenterais. » Je ne peux pas te promettre que mon naturel ne reviendra, mais je vais tenter de faire plus attention. Les décibels ont baissées considérablement, mais l’ambiance est définitivement altérée. La tension est plus que palpable entre nous. Mais je ne veux pas aggraver la situation alors je te laisse me balancer à la figure tes reproches et ta frustration de ne pas être celui que tu veux que je sois. Je sais qu’en plus il n’y a pas que toi que je décevrais. J’en suis parfaitement conscient et cela m’attriste également. Mais ton dernier reproche est comme un poignard qui se plante au cœur de mon cœur. Je reste interdit pendant quelques instants avant de te lancer un regard blessé à cette accusation dont tu m’infliges le poids de la douleur. Je ne daigne même pas te répondre, sinon je sais que cette fois mes propos vont réellement être blessant. Je file dans la chambre sans un mot pour prendre un livre et mes lunettes. Ne voulant pas pour le moment resté dans cet endroit c’est dans le canapé que je m’installe pour le plonger dans mon livre, dans un monde irréel pour oublier la tension qui se propage dans mon corps.

Tu m'expliques les raisons qui t'ont poussé à dénigrer le mariage au creux de ta tête. Tu vises notamment les entrevues qui se déroulent au commissariat, toutes ces histoires contées témoignant de l'horreur vécue après un divorce. On s'exprime chacun son tour, mais nos points de vue divergent trop. Je décide de ne plus répondre à tes propos, je réalise que la conversation ne mène à rien. A ma dernière remarque, tu me lances un regard plein de ressentiments et de souffrance pour m'indiquer que je viens de former une déchirure au creux de ta poitrine. Je remarque que le goût de la colère a atteint un tel point qu'il me rend détestable. Je n'ai pas su mettre ma hargne de côté et je l'ai explosée, avec vigueur, en te déversant ta culpabilité à la figure. J'ai évoqué l'inconscience de ma tendre mère pour saccager ton coeur avec virulence, et je ne prends pas le temps de m'excuser mais le regard que je te lance dévoile combien je suis désolé. Je n'ai pas l'occasion d'approfondir par des mots car tu files en haut, je t'entends grimper les marches, puis revenir pour t'installer sur le canapé et te plonger dans ton livre. Je suis encore bloqué sur mon siège quant à moi, je ne parviens pas à bouger, je n'ai pas cette énergie que tu possèdes à écarter toute la morosité d'un revers de la maison. J'ai juste envie de me morfondre, de pleurer un coup face à tout ce lot de désillusions qui s'est brisé. Non seulement notre altercation rend l'atmosphère pesante et me brise le coeur, mais en plus savoir que l'idée du mariage ne se concrétisera jamais renforce cette douleur que j'éprouve. Je bois une gorgée de mon verre pour tenter de l'atténuer ; je te regarde fixement,de profil, notamment tes yeux cachés derrière ta paire de lunettes. La vision m'apaise légèrement, sans doute parce que tu sembles plus serein en étant plongé dans ta lecture. J'aimerais que tu me lises quelques lignes de ton bouquin comme tu as l'habitude de l'entreprendre avant de dormir, satisfaisant ma curiosité attisée. Seulement la souffrance qui ronge continuellement mon âme me freine, me pousse plutôt à attraper mon verre à et me déplacer jusqu'à notre lit. Je m'allonge, bois une longue gorgée, puis allume la télévision pour mettre un programme débile qui ne me soutire pas même un sourire. La douleur est si vive qu'elle me transperce de toutes parts, et j'ai l'intuition qu'elle n'a pas l'intention de se dissiper rapidement.