Louise s'était arrêtée au pub, pour ne boire qu'un simple coca, pour gagner du temps essentiellement. Elle ne voulait pas rentrer à la maison trop tôt, elle ne voulait pas croiser ses parents trop longtemps. Elle ne leur avait toujours rien dit, ils étaient de plus en plus suspicieux néanmoins, elle ne parvenait à leur dire. Les mots ne sortaient pas, ils restaient bloqués dans sa gorge. Elle ne pouvait pas les regarder droit dans les yeux et leur dire à quel point elle avait merdé. Louise se sentait totalement responsable de ce qu'il lui arrivait et elle ne voulait pas entendre ses proches lui trouver des excuses, prétendre qu'elle n'y était pour rien. Elle en était certaine, elle aurait pu éviter cela, si elle s'était comportée différemment, si elle avait mis plus de distances avec lui. Elle l'avait cherché, après tout, qui était-elle pour prétendre qu'elle connaissait ses réactions ? Elle aurait dû être plus méfiante voilà tout.

Elle paya sa consommation et pris les clés de la voiture de ses parents au fond de son sac à main. Elle aurait voulu se mettre directement derrière son volant mais, deux hommes étaient en train de s'insulter devant sa voiture. Ses mains se firent moites alors qu'elle s'approchait d'eux, elle voulait seulement récupérer sa voiture. Elle était encore à une distance raisonnable d'eux mais elle sentait déjà les effluves d'alcool. Cette simple odeur lui soulevait le coeur, lui rappelait son haleine ce soir-là alors qu'elle était tétanisée. Son souffle commençait à se faire irrégulier sans même qu'elle n'y prête attention. « Messieurs, j'aimerai... ». Elle ne termina pas sa phrase, en partie parce que l'autre gars profita du manque d'attention du premier pour lui foutre une droite. Cependant, ce n'était pas tout ce qui l'avait stoppé. Ce teint hâlé, ces yeux clairs, elle l'avait vu en lui. Elle avait vu son visage, elle avait vu Leandro à travers les traits de ce mec ivre qui était à présent ensanglanté à terre. Et la panique l'avait prise, soudainement, l'asthme venait l'étouffer alors qu'elle ne parvenait à trouver son inhalateur qui était pourtant au fond de son sac.

Elle ignora les deux types, qu'importe qu'ils se battent, qu'importe se barrent. Le monde bourdonnait à ses oreilles, sa respiration haletante faisait que les larmes roulaient sur sa joue comme un appel à l'aide. Elle vida le contenu de son sac main sur le capot de la voiture pour trouver son foutu inhalateur alors que les sirènes de police se faisaient entendre. Sans doute que le gérant, trop habitué à ce genre de situations sur son parking n'avait pas tardé à appeler les flics. Louise attrapa enfin son précieux objet et inspira grandement, espérant que cela suffise à calmer la crise. C'était n'importe quoi, elle avait la sensation de faire des crises pour rien, de paniquer à la moindre occasion. Elle voulait s'enlever ses souvenirs de sa tête et reprendre sa vie. Pourtant, malgré l'inhalateur, elle était toujours tremblante sur ce parking. C'était comme si son corps ne voulait pas oublier, comme s'il tenait à lui rappeler. N'avait-elle pas assez donné ? N'avait-elle pas assez souffert ? Par Réflexe, elle posa sa main sur son ventre. Il n'y avait encore aucun signe vraiment visible de ce petit être mais elle savait qu'il était là. Elle s'en voulait tellement.

   
   

Les soirées en permanence au commissariat pouvaient vraiment ennuyantes. Mais on n’avait vraiment pas le choix. J’assurais en plus l’astreinte au commissariat, donc je ne peux pas vraiment quitter les locaux, sauf s’il y a une alerte et qu’il faut aller sur place. Mais dans l’ensemble, à part les bagarres et les ivrognes qui ne tiennent plus debout, les nuits étaient quand même assez calmes. Même si le crime ne s’arrête jamais, comme on dit. Mais je ne vais pas me plaindre. Vu le peu de personnel que l’on a la nuit, il ne vaut mieux pas qu’un cinglé nous largue une scène de crime. Parce que le temps de rameuter tout le monde et de tout mettre en place, ça allait prendre plus de temps que normalement. Mais c’était quand même rare. Et puis à part un témoin nocturne, il n’y avait pas grand monde pour remarquer des choses bizarres, car ils étaient soit trop alcoolisé, ou stone. Alors à moi les bagarres et les alcooliques. Chouette.

J’avais eu quelques appels pour du tapage nocturne ou des clients un peu trop agressifs, j’avais envoyé des adjoints. Du coup j’en profitais pour avancer dans mes dossiers tout en discutant avec Judson en même temps qui, lui, se la coulait douce dans son appartement, bien au chaud. Le salaud. Je soupire alors que j’étais en plein rapport, la sonnerie du téléphone retentit dans la pièce, faisan un boucan pas possible. Je sursaute, sortant de ma rêverie, c’est simple, à ce rythme je ne vais pas avancer rapidement. Je me secoue un peu les puces et décroche le téléphone. Une courte discussion et je raccroche. Cette fois c’est pour moi. Ce n’est pas parce que c’est important mais simplement parce qu’il n’y a personne d’autre de disponible pour y aller. Je prends le dernier adjoint de libre et me dirige vers le bar dont on m’a fourni l’adresse. Apparemment une bagarre avait commencé sur le parking. Rien de bien grave, mais c’était des troubles à l’ordre public. Néanmoins apparemment les deux protagonistes empêchaient une jeune femme d’entrer dans son véhicule mais ils ne s’en prenaient pas à elle. Néanmoins ça pouvait quand même dégénéré d’un moment à l’autre.

On arrive rapidement sur place. Mais, en temps normal, le trajet dure à peine dix minutes et il nous en faut à peine cinq pour arriver sur le lieu de la bagarre. On prend à peine le temps de se garer que l’on est déjà hors de la voiture. D’un rapide coup d’œil, on évalue la situation. Ils seront apparemment faciles à maitriser, mais, il y a une jeune femme qui semble aux prises avec son angoisse. Mon adjoint apparemment préfère s’occuper de la bagarre que de la victime collatérale. Encore un qui doit craindre les femmes, allez savoir pourquoi. Bref, c’est donc moi qui m’y colle. Mais ça ne me gêne pas. Je m’approche de toi, bien en face, pour ne pas te surprendre, car je ne sais pas comment tu peux réagir. Je reste à une distance raisonnable, les sourcils froncés je remarque que l’angoisse semble gagner du terrain. Des années sur le terrain, ça m’a donné quelques clés pour comprendre les gens. « Vous allez bien mademoiselle ? » Je jette un coup d’œil à l’adjoint qui s’en sort parfaitement. La bagarre n’avait pas été importante mais assez impressionnante pour apeurer la jeune femme.


   
   

Elle faisait de son mieux pour se calmer, pour respirer calmement mais il n'y avait rien à faire. Un policier se mit face à elle, les sourcils froncés. Elle aurait aimé lui dire quelque chose, prétendre qu'il ne fallait pas s'inquiéter mais il fallait d'abord qu'elle parvienne à se calmer. « Vous allez bien mademoiselle ? ». Elle fit un signe positif de la tête à défaut de pouvoir lui répondre de vive voix. Elle savait qu'elle pouvait difficilement prétendre qu'elle allait bien quand sa poitrine se soulevait de le sorte, quand sa respiration était sifflante mais, elle le faisait malgré tout. Ce n'était pas contre cet agent, c'était pour elle. Elle ne voulait pas être une petite chose fragile dont il faut prendre soin, elle pouvait gérer cela ou du moins, elle voulait le croire.

Elle prit de nouveau son inhalateur qui était encore son seul rempart. Lentement sa respiration commença à s'apaiser, son coeur retrouva un rythme plus régulier. « Je suis désolée... ». Pourquoi fallait-il qu'elle s'excuse ? Elle n'était coupable de rien, elle n'avait jamais choisit d'être sujette à l'asthme, elle n'avait jamais choisit de faire une crise d'angoisse. Pourtant, elle ressentait le besoin de s'excuser, pour ça et pour tant d'autres choses. D'un revers de la manche elle essuya les larmes qui coulaient de long de sa joue. Son corps tremblait encore mais la crise semblait être passée. « Ils ne m'ont rien fait... ». Elle désigna les deux types qui avaient été maîtriser par le collègue du policier. Elle savait qu'elle n'était pas celle qui était responsable de leur interpellation et pourtant, elle s'en voulait pour son comportement. Elle ne voulait pas leur rajouter quoi que ce soit sur le dos.

Les mains tremblantes, elle remit les objets qu'elle avait étalé sur le capot dans son sac. Elle détestait avoir un crise d'asthme comme celui-ci, qu'on la voit paniquer ainsi. Elle se sentait un peu plus honteuse en y pensant alors elle faisait cela dans le but de retrouver un peu de dignité. « J-Je voulais seulement passer et... ». Elle se tut réalisant que cela n'avait pas vraiment d'importance, elle ne savait pas vraiment pourquoi elle prenait le temps de dire tout cela. Ils en apprendraient sans doute plus de la part de ces deux hommes. Elle devait simplement passé pour une folle ou une nana alcoolisé à cet instant. « Je suis désolée, je ne voulais pas vous faire perdre votre temps. ». Elle était persuadée qu'un officier de police avait mieux à faire que de se préoccuper de cette histoire, surtout qu'en y pensant, il n'y avait rien à dire sur celui-ci. Elle avait flanché parce qu'elle s'était retrouvée plongée dans un passé qui était encore bien trop récent, elle avait flanchée parce qu'elle était empreinte de culpabilité mais ces hommes n'étaient pas responsable, cette bagarre ne sortait pas de la normale. Alors elle tenta un sourire pour donner le change.

   
   

Tu semblais bien angoissée pour une petite bagarre. C’était ce qui commençait à me mettre la puce à l’oreille. Il y a un loup qui fort. Et je doutais encore plus quand tu opinais de la tête pour dire que tu allais bien. Mais tu ne semblais pas en capacité de parler, alors je patientais, le temps que tu reprennes ton souffle. Je voulais m’assurer que, comme tu le montres, tout va bien. Et surtout je dois recueillir ton témoignage concernant la bagarre. Et peut-être essayer de comprendre ce qui se trame. Après je ne suis pas là pour juger, ce que je veux dire c’est que si tu veux t’obstiner à me dire que tu vas bien, je n’insisterais pas, surtout si ça n’a aucun lien avec l’enquête. Après tout si tu as des problèmes de conscience, ce n’est pas mon problème. Mais je devais m’assurer que ta santé n’est pas en péril, j’y suis obligé.

Je finis par secouer la tête négativement avec un sourire rassurant accroché à mon visage. « Il n’y a pas de mal, pas besoin de vous excuser Mademoiselle. » Voyant que tu commences à reprendre tes esprits je te tends une main bienveillante. « Je suis le lieutenant Nikelsen » je ne te lâche pas du regard scrutant la moindre faiblesse pour savoir si oui ou non je dois appeler les secours. En tout cas, c’est certain que je ne vais pas une jeune femme en détresse telle qu’elle soit. Il paraît que j’avais un physique, ou une aura, qui était généralement apaisante avec la gente féminine. Surtout quand c’étaient des victimes fragilisées et apeurées. Peut-être que mon homosexualité était un véritable atout, puisque je suis tout bonnement incapable de voir autre que telles qu’elles sont et surtout les respecter en tant que femme et pas comme un objet de désir.

Je te regarde ranger les affaires dans ton sac, j’avais un peu l’impression que tu t’éparpillais pour finir de reprendre tes esprits. Je peux tout à fait comprendre que ce n’était pas évident que d’avoir une crise en public et que tu ne te sentes pas à l’aise. Alors je ne vais pas en rajouter une couche, ce serait dommage. Je t’écoute attentivement en souriant de manière rassurante. « Et ils vous en ont en quelque sorte empêché ? » je hausse mon sourcil droit, signe que j’attends une réponse. Mais je ne voulais pas te presser. Parce que j’avais cette sensation, au fond de moi, que si je te bousculais un peu trop, tu allais te refermer comme une huître. Je n’ai pratiquement plus aucun doute sur le fait que tu cachais quelque chose. Je secoue la tête « Il n’y a pas de mal à ça mademoiselle, on se déplace parfois pour moins que ça. Mais vous êtes certaine que vous allez bien ? » J’avoue que ton comportement mystérieux n’aide pas à me prouver que tu vas vraiment bien. Et même ton sourire ne parvint pas à me convaincre. « J’ai l’impression que vous avez vu le diable en personne, ou quelque chose comme cela. » Je scrute ta réaction parfois le non-verbal est bien plus intéressant pour avoir des réponses.

   
   

Elle avait beau être paniquée, se confondre en excuses, le sourire rassurant de cet homme venait lui réchauffer le coeur. Elle n'aurait pas su expliquer pourquoi, ce n'était pas l'uniforme qui la mettait en confiance mais, elle se sentait en sécurité. « Il n’y a pas de mal, pas besoin de vous excuser Mademoiselle. ». Au fond, elle le savait mais malgré tout, cela faisait du bien de l'entendre. « Je suis le lieutenant Nikelsen ». Elle lui offrit alors un léger sourire en serrant sa main. « Louise Callaghan. ». Elle retrouvait ses esprits doucement et elle appréciait qu'il rende la situation un peu moins embarrassante pour elle. Evidemment, cela ne l'empêchait pas d'être gênée et de se presser à regrouper toutes ses affaires. Ce n'était pas la première fois qu'une telle situation lui arrivait, elle traînait son asthme depuis toujours mais, elle n'avait jamais réussi à s'accoutumer à ce sentiment de honte qui venait après la panique.

Alors, elle tenta d'expliquer ce qui c'était passé mais elle ne savait pas vraiment si elle devait le faire, si ce qu'elle disait avait la moindre importance. Elle se perdait dans ses dires, elle se sentait quelque peu démunie, perdue. « Et ils vous en ont en quelque sorte empêché ? ». Le lieutenant Nikelsen avait tout l'air d'un homme patient, sa voix ne pressait pas la jeune femme. Il avait choisit la bonne technique, Louise n'avait pas besoin d'être davantage stressée, pressée, elle avait besoin qu'on lui laisse le temps de se sentir à nouveau maitresse des évènements. « En quelque sorte oui, je voulais leur demander de me laisser passer mais quand l'un deux s'est tourné vers moi, l'autre en a profité pour le frapper. ». D'un certain côté, si elle se sentait honteuse, ces deux crétins ne devaient pas faire les fiers non plus. Louise ne connaissait pas le sujet de leur dispute mais vu le choix du lieu et les effluves d'alcool qui se dégageaient d'eux, elle ne doutait pas que cela était absolument puéril.

La brunette avait l'impression que la police perdait son temps avec cette histoire, sans doute parce qu'elle était trop habituée à la vie New-yorkaise. « Il n’y a pas de mal à ça mademoiselle, on se déplace parfois pour moins que ça. Mais vous êtes certaine que vous allez bien ? ». Louise afficha un sourire amusé en entendant la première partie de sa phrase, étrangement elle n'en doutait pas. Elle était certaine que certains habitants appelaient pour trois fois rien, pour un peu de bruit à vingt-deux heures passées d'une minute ou pour un potentiel voleur totalement imaginaire. Elle ne faisait qu'imaginer mais elle était certaine que cela devait arriver. Concernant la question de l'officier, elle ne savait pas exactement quoi répondre, spontanément. Oui, elle allait bien, physiquement. Le reste était une toute autre histoire. « Je crois que j'irai bien, je traîne cet asthme depuis l'enfance et les crises peuvent être intenses... ». Surtout depuis qu'elle avait appris sa grossesse, elle avait la sensation que cela ne faisait que rendre les crises plus difficiles à surmonter. Néanmoins, elle n'était pas stupide, elle savait que le problème ne venait pas de la grossesse en elle-même mais des souvenirs auxquels elle était liée. « J’ai l’impression que vous avez vu le diable en personne, ou quelque chose comme cela. ». En quelques secondes, son visage venait de trahir sa surprise. Le lieutenant était particulièrement observateur, elle baissa les yeux, quelques peu mal à l'aise. Quelque part, elle avait envie d'en parler, elle voulait s'ouvrir, elle avait besoin que cela sorte mais elle était hésitante. Elle se mit à jouer nerveusement avec ses doigts, les flashs de cette nuit là lui revenait à l'esprit. Le regard d'Alejandro la hantait inlassablement. « Vous avez raison... et c'est plus ça qui a déclenché la crise que la bagarre... j'ai cru que je le connaissais, j'ai paniqué. ». Ce n'était qu'un léger murmure, mais elle savait que le Lieutenant était en mesure de l'entendre. Instinctivement, elle posa une main sur son ventre. Comment avait-elle pu penser qu'en quittant New York, son souvenir la quitterait aussi ? « Pourtant... je savais que ce n'était pas possible parce qu'il vit loin d'ici mais, l'espace d'un instant, j'ai vraiment cru qu'il était en face de moi. ». Et qu'elle était de nouveau totalement vulnérable face à lui.
   
   

Rassurée la population, c’était quand même une grande partie de mon travail. Et même si c’était qu’une jeune femme seule, justement, c’est encore plus important à mes yeux, car une personne seule est toujours plus vulnérable, et pas seulement les femmes, je peux vous le jurer. Je secoue la tête en souriant, tu semblais sincèrement désolé de nous avoir déplacé, alors qu’à la base ce n’est même pas toi qui nous a appelé. Mais bon, c’est tout à fait compréhensible. Je hoche la tête avec un sourire toujours aussi rassurant. Après le but n’était pas de te mettre mal à l’aise. Tu n’avais rien à te reprocher, et à voir la tête des deux loustics eux étaient dans leurs petits souliers. Je pense qu’ils commençaient doucement à prendre conscience de leurs bêtises, pour parler poliment. Je tentais de paraître neutre, généralement les gens n’étaient pas très zen avec le fait que l’on assiste à leur malaise ou à leurs crises, alors ça ne servait à rien de dramatiser la chose, sans pour autant la prendre à la légère.

Tu sembles te perdre dans les explications qui sont, pour moi, secondaires. Tu n’étais pas principalement concernée par la bagarre, même si tu étais une victime collatérale et donc pas principalement attaquée. Mais ça n’empêche pas que ça a pu causer des dommages, même invisibles. Alors j’y allais en douceur, en plus tu semblais fragile, comme du verre. Mais j’avais rapidement compris que tu voulais surtout reprendre l’emprise sur toi-même. Et pour ça je devais te laisser faire, je ne pouvais pas intervenir et de toute manière cela ne t’aiderais pas. « je vois, ça peut effectivement être impressionnant. Surtout à quelques mètres de vous, je peux tout à fait le concevoir. » surtout qu’ils n’avaient pas été doux quand on voit dans quels états ils sont. Demain quand ils vont se réveiller, ça va certainement leur faire tout drôle en voyant leur propre tête dans le miroir.

Mais malheureusement même si on perdait du temps à intervenir sur ce genre d’affaires sans importance, nous y étions obligées. Parfois cela nous faisait perdre un temps considérable quand une nouvelle enquête sérieuse nous parvient, mais malheureusement il faut faire avec. Et ne parlons pas du fait que parfois on nous appelle pour rien du tout, le pire étant cette vieille dame qui, tous les soirs semble voir un cambrioleur rentrer chez elle. Elle a juste besoin de compagnie, mais malheureusement on ne peut pas toujours faire dans le social. Alors on tentait de passer une dizaine de minutes avec elle, pour la rassurer, mais bon, ce n’est quand même pas notre faute si elle n’a personne qui vient la voir, même si c’est triste. Je te souris, un peu rassuré quand même. « mais vous n’avait pas un traitement de fond, ou il n’est pas efficace ? si jamais il le faut on peut vous amener à l’hôpital si ça ne passe pas… » C’est normalement ce que l’on doit faire, quand une personne ne va pas bien. Mais je ne suis pas un policier qui suit les règles à la ligne, il y a parfois quelques concessions à faire. Et puis je ne me sens pas l’envie de te brusquer et que tu te refermes soudainement. Je tente de savoir ce qui se passe, je ne sais pas si je peux t’aider mais je l’espère. Et, apparemment j’ai dû taper dans le mille quand je vois comment tu te décomposes en à peine quelques secondes. Mais, l’observation était mon point fort, certainement plus que d’autres collègues. Et donc j’ai de suite remarqué que j’avais fais mouche, que tu avais probablement fais le lien avec quelque chose du passé. Je te laisse le temps de digérer le fait que j’ai fais le lien, et par toi-même tu prends la parole, ce que je savais. Tu semblais avoir garder ça depuis assez longtemps en toi. Et au vu de ta réaction, je soupçonne que personne n’est au courant. Mais c’est un poids énorme à porter, pour qui que ce soit. Je fronce les sourcil. «  L’impression ? » je cherche à aller plus loin, rebondissant sur ce que tu disais. Je reste à une bonne distance pour ne pas t’effrayer. « la frayeur n’a pas de frontière, mais j’ai vraiment l’impression que en plus du diable, c’est l’horreur même que vous avez vu, comme si ça vous a ramené en arrière dans un passé que vous voulez oublier ? » peut-être que je m’avance un peu trop rapidement, mais tu devais parler pour enlever ce fardeau, et parfois un inconnu peut faire l’affaire.

   
   

Le Lieutenant était patient et compréhensif, ce qui pour Louise était une bonne chose. Elle savait que ce n'était pas son métier qui exigeait cela, certains étaient de purs crétins, l'insigne ne changeait rien à cela. « je vois, ça peut effectivement être impressionnant. Surtout à quelques mètres de vous, je peux tout à fait le concevoir. ». Elle hocha la tête, c'était impressionnant, d'autant que Louise n'était pas vraiment une adepte de la violence. Elle voyait tous les jours ses conséquences quand elle se rendait au travail, quand elle voyait la souffrance de ces gosses. La violence des parents et leur univers les bousillait très rapidement. Enfin ce n'était pas le sujet, Louise expliqua alors que sa crise n'était que de l'asthme, une fois de plus. Elle aurait voulu qu'il en soit autrement mais elle ne pouvait pas le maîtriser. « mais vous n’avait pas un traitement de fond, ou il n’est pas efficace ? si jamais il le faut on peut vous amener à l’hôpital si ça ne passe pas… ». L'hôpital, Louise ne tenait pas vraiment à y mettre les pieds, elle y avait passé bien assez de temps au cours de sa vie. Il fallait qu'elle soit dans un sale état pour accepter d'y aller sans broncher. « Non, il n'y a pas de traitement... enfin pas pour mon cas mais, ne vous en faites pas, ça va passer. ». Elle en était certaine, elle se sentait déjà mieux, grâce à lui d'ailleurs. En fait, à cet instant, il était bien plus efficace qu'une armée de médecins.

Il était aussi bien plus observateur que n'importe qui sur les lieux. Il avait suffi d'une phrase pour que les souvenirs défilent devant les yeux de Louise. Et sans qu'il ne la pousse à parler, pour la première fois, elle en parlait. Ce n'était qu'à demi-mots, ce n'était rien de concret mais, elle admet qu'il la terrorisait. Ce « il » si impersonnel qui se rapportait pourtant à son enfer personnel. « L'impression ? ». Louise releva les yeux, plongea son regard dans celui du lieutenant. « Il avait les mêmes yeux verts, la même colère dans le regard. ». Et elle avait cru que tout allait recommencer, elle avait cru qu'il allait l'anéantir de nouveau. « la frayeur n'a pas de frontière, mais j'ai vraiment l'impression que en plus du diable, c'est l'horreur même que vous avez vu, comme si ça vous a ramené en arrière dans un passé que vous voulez oublier ? ». Il avait tout juste mais elle savait qu'elle ne pourrait jamais oublier ce passé. Quelquefois, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle se sentirait mieux si elle l'avait envoyé en prison, s'il était derrière les barreaux. Bien sûr, tout de suite après elle se rappelait pourquoi elle ne l'avait pas fait, elle n'avait pas le courage d'affronter de nouveau son regard, de la confronter lors d'un procès, de prendre le risque qu'il s'en sorte. Elle n'aurait jamais pu surmonter une telle chose, elle devait se reconstruire. « Vous avez raison mais, je sais que je ne pourrais jamais oublier ce passé, j'ai cru que fuir suffirait. ». Si seulement les choses pouvaient être si simples. Malheureusement, changer de ville n'avait pas occulté ce qui s'était passé bien qu'au moins, elle n'était plus seule. Elle espérait que sa famille la soutiendrait une fois qu'elle aurait trouvé le courage de tout leur dire. « J'étais à New York et j'ai décidé de rentrer ici, chez moi, parce que j'ai appris que j'étais enceinte de quatre mois. Et je ne le savais pas... je n'y avais pas pensé parce que... rien n'était planifié. ». Rien, ni l'acte, ni la grossesse, c'était ce qu'elle tentait de dire. Elle ne pouvait pas dire qu'elle avait été violée, ce mot était trop violent, trop réel et il la forcerait à s'effondrer. Alors, pour la première elle se livrait, et même si elle ne faisait que le sous-entendre, quelque part cela la soulageait, un peu.

   
   

Je n’avais pas ce que l’on pouvait appeler le sang chaud. J’étais plutôt quelqu’un de posé qui prenait le temps d’écouter les autres. J’étais parfois, non plutôt souvent, celui qui se tait et qui écoute, balançant tout au moment voulu. Mais ça permettait aussi de voir ce que certains ne peuvent pas voir. Et parfois les victimes se confiaient bien plus facilement à moi qu’à d’autres. C’était parfois un sacré avantage pour certaines personnes en fragilité. Je recueillais souvent les témoignages de victimes d’agressions ou même de viol. C’était venu tout naturellement. Je n’avais même pas demandé à faire ça. Mais judson n’était pas vraiment le policier idéal pour ça. Lui il était plus doué pour donner des coups et arrêter les brutes. Au final on se complétait plutôt bien, et c’est probablement pour cela que l’on était complémentaires. Et je ne voulais pas que ça change. Mais ce n’est pas le sujet de la soirée. Je me soucie de ta santé, ce qui est tout à fait normal. Tu sembles néanmoins aller un peu mieux. Tu refuses d’aller à l’hôpital, et même si je reste un peu sceptique, je hoche la tête pour te montrer que j’accepte de ne pas t’y emmener. « Si vous en êtes sûr, je veux bien ne pas vous y emmener, mais au moindre problème je n’hésiterais pas. » Je souris, je veux bien être sympathique mais au moindre soupçon, je pourrais même abuser de mon autorité de flic, ce que je fais en temps normal.

Je m’en voulais quand même un peu, parce qu’apparemment j’avais ouvert une brèche dans ta vie, une brèche qui semble complètement te bouleverser. Mais tu prends la parole pour évoquer ton passé, et je ne peux qu’écouter attentivement. Je sens qu’il y a autre chose de plus grave sous tes mots, mais je ne veux pas te brusquer. Alors j’attends patiemment, hochant la tête et emmagasinant les informations. « Je vois. » Une sorte de sosie donc. Mais de ce que tu m’as dit ça ne s’est pas passé par ici, sinon j’aurais été aux aguets, enfin plus à l’affût de la moindre précision. Mais je suis quand même attentif à la moindre information, parce que si je peux t’aider, je le ferais avec grand plaisir. Je ne sais pas vraiment si j’aurais les moyens de le faire, et si je ne peux rien faire, je ne te le cacherais pas, car ce n’est pas de mon genre de cacher les choses, je tourne juste les choses différemment. Mais avant de faire des pronostics, des projections il faudrait que j’ai tout les éléments en ma connaissance, et je sais que ce n’est pas l’endroit idéal, là dehors, à portée d’oreilles indiscrètes. Mais je ne pouvais pas te demander de me suivre au commissariat pour que l’on puisse discuter calmement, après tout c’est à toi de choisir. Je ne peux, malheureusement te forcer à rien. Mais je serais là si jamais tu as besoin de te confier. Parfois parler à un inconnu est plus facile qu’à des personnes que l’on connaît. De plus je ne suis pas ce que l’on appelle vraiment un professionnel de l’écoute. « Malheureusement on n’oublie jamais, mais on peut essayer de le surmonter. Et fuir, ça soulage pendant un temps mais malheureusement ça ne résout rien. » je te souris chaleureusement. « Je peux tout à fait comprendre que ça chamboule … Pas planifié.. Dans quel sens ? Vous ne vous êtes pas protégé avec votre ami ? » J’ai l’impression de marcher sur des œufs, mais j’ai peur de comprendre. C’est bien les affaires que je redoute, les affaires de viol. C’est toujours quelque chose qui me chamboule, et des affaires pour lesquelles je n’ai aucune compassion pour les agresseurs. Un regard bienveillant se pose sur toi, attendant ta confession. C’était toi qui menait la danse, et je ne voulais pas que tu te sentes obligé de me parler.

   
   

« Si vous en êtes sûr, je veux bien ne pas vous y emmener, mais au moindre problème je n'hésiterais pas. ». Elle lui offrit un léger sourire en hochant doucement la tête, elle n'en doutait pas une seule seconde. Néanmoins, elle espérait que les problèmes étaient derrière, qu'il n'y aurait pas d'autres crises. Si cela arrivait, bien sûr qu'elle comprendrait qu'il la conduise à l'hôpital, qu'il ne lui laisse pas le choix mais, elle voulait croire qu'il n'aurait pas à le faire.

Seulement, Louise n'était pas à l'abri de ses souvenirs, les mots du lieutenant sonnaient particulièrement justes. Alors, elle ne pouvait pas s'empêcher de lui confier que c'était ce regard qui l'avait bouleversé, cette intensité. « Je vois. ». Un sourire triste étira les lèvres de Louise. Ce regard elle le haïssait, il animait chez elle une colère et une peur indélébiles. Des sentiments qui semblaient être plus fort que tout, plus fort qu'elle-même, des sentiments qu'elle ne maîtrisait pas. « Malheureusement on n'oublie jamais, mais on peut essayer de le surmonter. Et fuir, ça soulage pendant un temps mais malheureusement ça ne résout rien. ». Malheureusement oui, il avait parfaitement raison. Fuir n'avait rien résolu, elle pleurait toujours la nuit, elle était toujours tétanisée la journée. Elle n'avait toujours pas pris de décision concernant cet enfant à naître, l'avenir lui semblait tellement sombre. Le fait fuir n'avait rien changé à cela. Elle n'avait plus qu'à s'accrocher de toutes ses forces à ce qui lui restait et à se battre comme une lionne pour passer outre. Elle afficha néanmoins un léger sourire, plongeant son regard dans celui de Matthias. « J'ai l'impression que vous savez de quoi vous parler... ». Elle écoutait aussi, elle observait et elle avait la sensation que les mots qu'il prononçait n'était pas vide de sens, qu'il la comprenait sincèrement. Elle ne voulait pas le mettre mal à l'aise, elle tenait juste à le souligner.

Et sans vraiment que cela soit planifié, Louise se confia à lui, sur ce qui lui était arrivé. Elle lui expliqua que rien tout ça n'était prévu sans oser utiliser les termes exact, c'était trop dur, trop violent. Elle se doutait qu'un jour elle devrait parvenir à l'accepter, elle devrait parvenir à dire « j'ai été violée » mais pour l'heure, elle n'était pas prête. « Je peux tout à fait comprendre que ça chamboule ... Pas planifié.. Dans quel sens ? Vous ne vous êtes pas protégé avec votre ami ? ». Louise se mordait légèrement la lèvre inférieure pour retenir les larmes, elle ne voulait pas s'effondrer une nouvelle fois. Ce n'était pas facile d'en parler mais, elle était épuisée de se noyer dans ce torrent de larmes sans jamais pouvoir remonter à la surface pour respirer un peu. « L'acte lui-même n'était pas prévu... ». Elle avala péniblement sa salive. Sa voix se brisa dès lors qu'elle ouvrit la bouche. « Enfin... d'après lui, je l'ai allumé alors... ». Alors, elle se sentait responsable, elle se jugeait elle-même coupable là où elle n'était qu'une victime. Elle avait dit non, rien ne lui donnait le droit d'agir de la sorte mais, la culpabilité est quelque chose de complexe. Complexe au point qu'elle se retrouvait à en parler à un inconnu. En un sens, elle se sentait plus légère, soulagée d'avoir enfin pu en parler, d'un autre côté, la honte n'en était pas moindre.

   
   

Être attentifs aux moindre besoins de mes concitoyens était un de mes devoirs de policier. Et je me faisais un devoir de l’honorer avec tout mon cœur, enfin ça dépend des personnes aussi. Et, maintenant que je sais que tu es assujetti à des crises d’asthme, je serais vigilant jusqu’au moment de te quitter.

Je sentais de plus en plus qu’il y a un loup tapi quelque part qui risque de surgir à tout moment. Je le sentais venir comme un tsunami, alors je restais calme et un peu en retrait. Je te laisse mener la danse, choisir les mots, moi de mon côté je me contente de rebondir dessus. C’était le meilleur moyen de te faire parler, il fallait que les choses viennent naturellement sans forcer. Même si ça n’empêcherait pas les mauvais souvenirs de remonter et de paraître aussi réel qu’au moment où ça s’est produit. Mais la meilleure manière de surmonter un traumatisme, c’est d’en parler pour y faire face, et surtout ne pas essayer de le gérer seul, où on va directement à l’échec. Je ne suis peut-être pas psychologue, mais ça ne m’a pas empêché de voir les dégâts que ça peut faire. Surtout quand il y a des conséquences inattendues à ce genre de traumatisme. Seul, on ne peut rien faire, ou en tout cas trouver la meilleure décision pour soi. J’en suis intimement persuadé. Malheureusement même si je pense que garder pour soi n’est pas la bonne décision, je ne peux pas pour autant obliger les personnes à m’en parler, et ça ne sert à rien que je m’entête à essayer de les faire parler. Sauf, bien sûr, quand il s’agit de criminels, où je suis beaucoup moins doux et conciliant. Je hausse un sourcil « Ecouter les victimes, c’est une grande partie de mon travail, contrairement à ce que l’on peut croire. »

Mais dès que tu commences à te confier, je sais que j’ai fais le bon choix. Je t’écoute silencieusement, même si intérieurement je bouillonne de colère. Je déteste l’injustice et ça avait le don de me mettre très en colère. Surtout quand on s’en prenait à des personnes seules et surtout sans défenses. Mais je voulais en avoir la certitude, alors je posais des questions pour approfondir la chose, et surtout avoir plus de précisions. Je ne pouvais pas me permettre de me tromper dans ce que je pense, car si c’est le cas, les conséquences pourraient être terribles pour tout le monde. Et d’un côté j’aimerais bien me tromper, mais ce n’est malheureusement pas le cas. En tout cas tes dernières paroles confirment mes craintes. Je soupire profondément, on a beau dire mais il n’y a pas de mots pour panser ce que tu as vécu. On peut compatir, mais on ne peut pas comprendre totalement. Je secoue la tête, furieux que ton agresseur ait pu te mettre de telles idées dans la tête. « Ce qui est absolument faux. » mon ton ne se durcit pas, parce que cela te ferait dire que tu as raison de ne pas en parler alors que je suis en colère contre ton agresseur, et surtout contre cette injustice. « Ce n’était que de la manipulation probablement pour essayer de reporter la faute sur vous. Mais vous n’êtes coupable en rien, c’est lui. » Je te regarde fixement, je voulais simplement que tu comprennes que tout ça n’est pas de ta faute.