Le repas s'était bien passé, ils avaient ri, ils avaient parlé, ils avaient souris. L'espace d'un instant, tout semblait parfaitement normal, il 'avait l'air d'une famille heureuse et rien de plus. Cependant, Louise et Lucas savaient que cela ne durerait pas, ce n'était qu'un répit avant de confier la triste vérité à leurs parents. Louise était soulagée qu'il soit à ses côtés, qu'il l'aide dans cette épreuve parce qu'elle était morte de peur. Elle ne voulait pas briser le coeur de ses parents, elle ne voulait pas qu'ils souffrent en imaginant leur petite fille dans les mains d'un sale type. Elle aurait voulu que le fait qu'ils deviennent grands-parents soient une bonne chose. Néanmoins, elle se refusait à leur dire qu'elle était enceinte en leur cachant comment cela s'était produit. De toute façon, ils la connaissaient trop bien pour croire à quelconque mensonge. Louise n'aurait jamais fait un enfant avec un mec au hasard pour le simple d'être maman, elle était trop responsable pour faire une telle chose. Enfin, elle serra très fort Logan dans ses bras avant de le laisser filer rejoindre son papa qui devait donc le conduire chez un ami avant de revenir au domicile familial. Elle savait que Lucas ne serait pas long mais elle redoutait quelque peu le moment où elle serait seule avec ses parents, craignant qu'ils posent des questions sur l'objet de la dispute avec Lucas, sur cette rancune qu'elle avait eu égoïstement envers lui. Trop anxieuse pour rester à l'intérieur, Louise prétexta devoir passer un coup de fil pour s'installer sur le perron, guettant le retour de son frère. Elle savait bien que le stress n'était pas bon pour le bébé mais à cette instant, elle ne pouvait pas se maitriser. Elle avait envie de renoncer, de garder le silence, elle ne voulait pas leur dire. Dès lors qu'elle imaginait leur réaction, elle sentait son coeur se serrer douloureusement. Elle ne pouvait pas leur infliger ça, c'était trop.

La voiture de Lucas se gara devant la maison et Louise se releva directement, guidant ses pas jusqu'à Lucas, ayant besoin d'un câlin. « J'ai peur... et si c'était pas une bonne idée de leur dire ? ». C'était idiot parce que tôt ou tard elle devrait au moins parler de la grossesse mais, cela n'en était pas moins une épreuve pour elle. Elle ne leur annonçait pas qu'elle avait foiré un examen ou quelque chose comme cela, elle leur annonçait qu'on lui avait du mal. Et elle ne voyait pas comment un parent pourrait supporter cette idée, surtout pas des parents aussi géniaux que les siens. Malgré tout, elle retourna à l'intérieur, accompagnée de Lucas, rejoignant leurs parents dans le salon.

Leur père leva les yeux de son livre et ne tarda pas à fermer ce dernier, se redressant alors que leur mère venait de poser son café sur la table basse. Ils le regardait tous les deux, ils savaient qu'il y avait quelque chose d'important, ils connaissaient trop bien leurs enfants pour être dupes. Pourtant, Louise restait silencieuse, fuyant leur regard, comme si elle cherchait à fuir ce moment un peu plus longtemps. « Qu'est-ce qui se passe à la fin ? ». La voix de leur mère soulignait le fait qu'elle était vraiment inquiète et au lieu de la regarder dans les yeux, Louise se tourna vers Lucas. « Je peux pas... ». Sa voix n'était qu'un murmure, elle retenait les larmes, elle ne pouvait pas leur dire, cela avait déjà été assez dur d'en parler à Lucas.

Elle ne le sentait pas du tout, elle était tétanisée à l'idée d'en parler à ses parents. Elle voulait renoncer, repousse se moment encore une fois. « Il faut qu'ils le sachent. On ne peut pas cacher une chose aussi grosse à nos parents mon cœur. ». Il avait raison, elle le savait bien mais cela ne rendait pas les choses plus facile.Et l'atmosphère à l'intérieur n'aidait pas un seul instant, la seule chose à laquelle Louise pouvait se raccrocher, c'était Lucas. Elle s'accrochait à chacun de ses gestes alors qu'il faisait tout pour la protéger, lui montrer qu'il était présent. « On va s'asseoir. ». C'est une bonne idée, il vaut mieux être assis. Louise suit son frère machinalement alors qu'elle n'ose plus regarder ses parents, elle tremblait, elle voulait éclater en sanglots de nouveau. Elle ne savait pas comment Lucas pouvait affronter leur regard. Ce n'était pas comme avouer une bêtise et affronter les conséquences, ce n'était pas une confession comme quand ils étaient petits, c'était foutrement autre chose. Elle s'en voulait de laisser Lucas faire mais, elle n'avait pas la force, elle ne pouvait pas raconter cette histoire à ses parents, pas après la douleur que cela avait été de le dire à son frère. « Si Louise est revenu ici, ce n'est pas parce qu'on lui manquait trop. ». Elle gardait les yeux baissés, son frère était maladroit mais il avait plus de courage qu'elle en cet instant. « Enfin... Si, on lui manque, mais... ». Elle sentit le regard de Lucas sur elle, elle savait qu'il attendait un geste, un mot pour poursuivre. Elle posa sa main sur la sienne alors que son rythme cardiaque n'avait plus rien de régulier. « Lucas, dis-nous. On s'inquiète beaucoup avec ta mère depuis ton retour Louise. ». Elle entendait bien la voix de son père mais elle n'avait pas le courage de relever les yeux, de lui montrer combien ils avaient raison de s'inquiéter. « Louise est enceinte, mais pas parce qu'elle a trouvé l'homme de sa vie, plutôt parce qu'elle s'est fait violer par un connard. ». Oh dieu que cela peut faire mal d'entendre de tels mots sortir de la bouche de son frère. Il avait raison, il n'y avait pas tellement d'autres façons de le dire, pas de décence ou de classe à avoir parce que n'était ni décent ni classe. Cependant, la douleur était présente.

Le silence était lourd de sens, pesant, dérangeant. Et Louise ne releva les yeux qu'en sentant un regard sur elle, celui de sa mère. Ses yeux brillaient, au bord des larmes. « Je suis tellement désolée... ». Désolée, que ce soit la vérité, que ce soit arrivé, de ne pas en avoir parlé plus tôt. « Tu n'as pas à être désolée Louise. ». Et pourtant les larmes de sa mère débordent sans qu'elle ne puisse rien y faire. Louise serra un peu plus la main de Lucas, luttant de toutes ses forces contre un flot de larmes, contre ses angoisses. « Est-ce que... enfin, est-ce qu'il t'a blessé ? ». Elle sentait toute l'hésitation de sa mère dans la voix de sa mère, dans le choix de ses mots et l'horreur se lisait sur son visage. Louise savait parfaitement toutes les horreurs qu'elle imaginait. « Je vais bien, le bébé aussi. ». Elle voit sa mère afficher un bref soulagement avant de pleurer de nouveau. Louise voyait bien qu'elle voulait poser une autre question mais qu'elle restait bloquée dans sa gorge, une question que Louise devinait sans mal, une question que Lucas avait posé aussi. « Je vais garder le bébé. ». Sa mère hocha la tête et le regard de Louise se posa sur son père qui était resté silencieux, son visage était tiré par l'horreur, son teint était livide, elle n'avait jamais vu son père ainsi. Elle sentait son coeur se serrer douloureusement, elle aurait voulu ne jamais voir cette expression sur son visage. « Papa, dis quelque chose, je t'en prie... ». Elle l'observait mais elle avait la sensation que son père luttait de toutes ses forces pour ne pas s'effondrer.

Elle s'en voulait tellement, elle n'avait jamais voulu leur infligée une telle épreuve. Elle lisait la culpabilité sur leurs visages alors qu'ils n'étaient coupable de rien. Nerveusement, elle jouait avec ses doigts, pensant un bref instant qu'un mensonge, même bancal, aurait fait moins de dégâts que cette triste réalité. Elle voyait toute la détresse de sa mère et le silence de son père la troublait, elle avait besoin qu'il dise quelque chose, qu'il réagisse. « Papa... ». Lucas essayait lui aussi de le faire sortir de sa torpeur, de ce blanc absolument effrayant. « Je ne veux pas... ». Louise le regardait sans comprendre ou du moins, sans vouloir comprendre. Elle n'avait pas envisagé qu'il puisse refuser, qu'il ne l'accepte pas parce qu'au bout du compte, c'était son choix. Elle était seule à avoir son mot à dire et tout ce qu'elle demandait, c'était un peu de soutiens. Elle n'avait pas demandé à être jugée, d'aucune manière. Elle restait complètement stoïque alors qu'elle sentait son regard sur son ventre qui se tordait dans tous les sens sous le poids de l'angoisse. Elle sentit Lucas serrer sa main parce qu'il savait que les mots allaient faire mal mais son regard restait figé sur son père, elle était totalement pétrifiée, pour un peu, elle aurait pu oublier de respirer. « Je ne veux pas un grand-père de ça. ». Il regardait Louise dans les yeux et alors qu'elle sentait la colère bouillir dans ses veines, son regard restait vide, interdit. « Chéri ... ». Louise n'entendait même pas la voix de sa mère, les mots de son père résonnaient encore en elle. Le « ça » qu'il avait prononcé passait en boucle. Et sans même qu'elle n'en prenne conscience, les larmes déferlaient de nouveau sur ses joues. « Non, pas de chéri. Ce bébé ne devrait pas exister. Parce que Louise, tu vas faire quoi si à ses dix huit ans, il ressemble à son père, hein ? ». Le regard de Louise se durcit sur son père, elle se contenait, cela ne laissait présager rien de bon. « Papa, ta gueule, s'il te plaît. ». En d'autres circonstances, Louise se serait tournée vers son frère, choquée. Seulement, elle ne pouvait pas détacher son regard de son père, les mots de son frère ne faisant que faire écho à ses pensées. « Pardon ? Tu peux répéter Lucas ? ». Non, il ne pouvait pas répéter parce que cela n'avait d'importance, ce que son père attendait c'était la réponse de Louise qui pleurait toutes les larmes de son corps dans les bras de son frère, le regard fixé sur son père.

Elle se leva, elle avait besoin de marcher, elle avait besoin de faire les cent pas, elle avait besoin de respirer. « Tu comprends pas, papa. ». Elle marchait en long, en travers dans la pièce, tentant de se calmer, tant pis si elle donnait la migraine ou non. « Quoique je décide, ce petit va naître. Je peux décider de le confier à une autre famille, me détourner de lui sans me soucier de ce qu'il deviendra.... ou je peux l'aimer, l'éduquer, le rendre heureux, avoir impact sur sa vie. Ce n'est pas ce qu'est son père qui déterminera qui il sera mais, bel et bien ce que je lui offrirai dans la vie. Il ne deviendra pas un violeur... ». Les tueurs en série ne donnait pas des enfants tueurs en série, les choses ne fonctionnaient pas comme ça. Le déterminisme à ce niveau là n'existait pas. Louise était éducatrice spécialisée, comment son père pouvait-il croire une seule seconde qu'elle l'abandonnerait ? Elle se battait pour donner une deuxième chance à des gosses qui avaient déjà tant souffert, qui avaient été pourri par un système. Comment pourrait-elle infligée cela à son enfant ? « Et si ce bébé était une fille et que je l'abandonnais, qu'est-ce que ça enverrait comme message ? Désolée chérie mais il s'avère que certains hommes agissent comme des animaux et il faut les laisser tout détruire ? ». Louise respirait mal, très mal et toute cette ironie dans ses propos et cette colère, ce n'était pas bon du tout. « Parce que c'est ce qu'il a fait ! En un instant, je n'étais plus chez moi, je ne me sentais plus en sécurité, je me sentais brisée, tétanisée et tellement honteuse... ». Il lui avait pris beaucoup et il est vrai que si elle se relevait, c'était en partie parce qu'elle était enceinte. « Mais ce bébé, il n'a rien demandé à personne... tout comme moi... alors je vais lui donner tout ce que j'ai, que tu sois d'accord ou non. ». Elle s'était enfin arrêter pour planter son regard plein de détermination dans celui de son père alors que maintenant qu'elle ne parlait plus, un silence des plus gênant flottait. Un silence atroce mais que tout le monde craignait qu'il soit brisé.

Le silence avait pris le pas sur le reste, Louise restait figée observant le sol alors que les souvenirs de cette nuit d'horreur lui revenait à l'esprit faisant écho aux mots de son père. Elle s'en voulait tellement d'avoir parler, elle n'aurait jamais dû jeter sa famille dans une telle tourmente, elle aurait dû mentir. Elle aurait dû prétendre que le père ne voulait pas du bébé parce que ça arrive, parce que c'est quelque chose que ses parents auraient pu supporter, elle n'aurait blessé personne d'autre qu'elle-même en faisant cela. « Excusez-moi. ». Elle posa son regard sur Lucas qui s'éclipsait ou plus exactement qui courait jusqu'aux toilettes. Le coeur de la brunette se serrait, elle s'en voulait encore plus, elle avait embarqué son frère là-dedans et elle était tellement désolée. « Louise... ». « S'il te plaît, ne dis rien. ». Elle avait coupé sa mère, redoutant qu'elle trouve des excuses à son père ou quoi que ce soit. Elle en avait déjà plein esprit, bien trop. Elle avait la tête qui tournait et l'envie de fuir loin de tout cela pour hurler sa détresser.

Lucas revient dans la pièce plongé dans le silence, il faisait peur, très peur. Ce teint livide, ces yeux vitreux, ce n'était pas son frère et Louise avait la sensation d'avoir fait voler sa famille en un millier de petits morceaux que toute la colle du monde ne pourrait pas recoller. « Moi, j'pense que dans l'histoire, on s'en fout si elle a un bébé ou non. ». Il parlait pour leur père parce que sa réaction n'avait pas été la bonne. « Elle a été... » . Violée mais pour tout le monde dans cette pièce ces mots étaient intolérables, insupportables. « Merde, un pauvre type a abusé d'elle. ». Et soudainement, ce rappel semblait paralyser les deux parents, comme si au final cette histoire de bébé leur avait permis de se focaliser sur autre chose que sur cette abjecte vérité. « Alors, oui, elle est enceinte, oui, le bébé aura sûrement des traits du père, mais dans le fond, on s'en fout non ? Elle veut le garder, c'est une bonne dans une mauvaise chose. Vous allez être à nouveau grand-parent, alors ouais c'est pas dans des bonnes conditions, mais ça compte quand même. ». Et le silence reprit ses droits alors que les mots rentraient doucement dans l'esprit des parents Callaghan dont Louise fuyait le regard.

Ne tenant plus, Louise retrouva le canapé, ramenant ses genoux contre son torse, cachant sa tête, laissant ses cheveux tomber en cascade. Elle s'en voulait tellement et chaque seconde de silence l'enfonçait un peu plus. « Louise, ma chérie, je suis désolée je n'aurais pas dû dire ces mots.... ». Louise l'entendait mais elle gardait le visage enfouit dans ses genoux, les larmes coulant sur ses joues en silence. Elle sentit quelqu'un venir s'asseoir à ses côtés avant de l'attirer à lui et cette personne n'était pas Lucas. Les mots de son frère semblaient avoir bouleversé le coeur de son paternel qui s'autorisait enfin à se soucier de sa fille, plus que de qu'adviendrait ce bébé. « Ma petite fille... ». Il caressait ses cheveux et elle entendait bien que sa gorge était nouée, elle n'en était pas certaine mais elle le devinait au bord des larmes. Leur mère s'était levée aussi, pour trouver du soutien dans les bras de son fils. « Je suis désolée, je ne voulais pas vous décevoir... je suis tellement désolée... ». Louise sentit l'étreinte de son père se resserrer un peu à défaut de trouver les mots, sans doute parce qu'il peinait déjà à lutter contre les larmes. « C'est nous qui sommes désolés Louise, on aurait dû être là, comprendre ce qu'il se passait... ». la voir de sa mère malgré sa douceur traduisait toute son angoisse sa culpabilité. « Vous n'avez rien à vous reprocher... ». Pas même Lucas et ce même si injustement elle lui avait croire l'inverse plus tôt.