Il aurait été trop facile de dire la vérité, je pense. Si elle était plus facile à dire, je ne m'efforcerais pas à me raconter des histoires. Elle est froide, dure, impitoyable. Même si mon coeur me suggère qu'il est ailleurs, je ne peux me permettre d'investiguer, de me laisser aller. Il n'y a qu'une issue, qu'un seul futur pour moi et il porte le nom de Caleb, pas d'Ezra. Même lui apporte la même vision des choses, alors m'obstiner à m'imaginer un et si ne me servira à rien, sauf à me rendre malheureuse. Bientôt, j'imagine, lui passera à autre chose et trouvera une femme digne de lui qu'il saura aimer sous toutes ses coutures, sans compromis. Mon coeur se serre juste à y penser, Ezra dans les bras d'une autre. Mes jambes flageolent à cette idée insoutenable, mais elle est inévitable. Il n'a jamais été à moi, peut-être par le passé, mais depuis qu'il a passé la porte de ma galerie il est resté le seul maitre de lui-même. Même si je donnerais tout pour lui appartenir en entier, sans secrets et sans restrictions, je reste droite et cache ma peine en fermant les yeux. Il ne servirait à rien de m'offrir à un homme qui m'encourage à en épouser un autre, alors aussi bien rester digne. Il ne m'a jamais menti, il ne m'a jamais rien promis sur ce plan et moi non plus, mais dieu, oh que j'aurais aimé. Une étape supplémentaire à notre histoire, un titre plus approprié que celui d'amants parce que pour moi il représente tellement plus. Ce n'est pas mon mariage avec Caleb qui changera la nature des sentiments que je lui porte, mais ça en fermera la porte. Il n'est pas sain de m'attacher autant à un autre homme. Est-ce pour ça que je me sens si triste ? Parce que j'ai l'impression qu'il s'agit de nos adieux ? Non, il vaut mieux que je n'y pense pas, je n'ai pas envie de fordre en larme devant lui sans pouvoir lui en expliquer la raison. Heureusement, il nous reste encore du temps. Il est compté, certes, mais ça suffit à me redonner le sourire. Pour quelques semaines encore, je pourrai aller le voir dans l'atelier, passer mes bras autour de ses épaules alors qu'il s'adonne à son art, lui embrasser le cou doucement avant de l'inviter dans mon bureau. Pour quelques semaines encore, je n'aurai pas à retenir mon sourire lorsqu'il passe le pas de la porte menant à notre coin privé, ni à me retenir de rire lorsqu'il fera exprès pour me chercher. Pour quelques semaines encore, nous serons complices, amants, amis, confidents. Oh, que j'aimerais que cette situation devienne la réalité, qu'elle se prolonge encore plus, mais j'en demande trop. Il ne s'agit que d'une bulle, d'un passage éphémère dans nos vies. Le partenariat ne durera pas toujours, Ezra finira par rencontrer une femme dont il tombera amoureux, à qui il donnera encore plus que ce à quoi j'ai droit. Une femme qui occupera ses pensées jours et nuits, qui le traitera dignement, qui le fera rire, sourire. Une femme douce, attentionnée qu'il couvrira de baisers dans leur grand appartement trop vite, mais rempli d'amour. Une femme avec qui il voudra passer sa vie et qui fera paraitre toutes les autres fades. La femme que je ne serai jamais. Sa remarque quant à ma perfection me fait serrer les dents. Je ne suis pas parfaite, rien n'est parfait chez moi. Je me dis que si j'étais si parfaite pour lui, il m'aurait fait part de quelque chose lors de cette rencontre assez dramatique, mais rien. Rien du tout. À contre coeur, je ne fais que serrer un peu plus mon étreinte avant de le laisser partir.

Pour de bon.

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