Atterré, littéralement sur le cul, pour parler vulgairement. J’étais sur la route pour la maison alors que j’étais normalement en service. J’avais envoyé rapidement un message à Judson pour lui expliquer que je rentrais d’urgence chez moi car je devais absolument parler à James. J’avais le cœur qui battait la chamade. Je devais me concentrer pour ne pas avoir d’accident. Je prends à peine le temps de me garer correctement le long de chez nous avant de sortir de la voiture pour rentrer chez nous alors que j’étais normalement au boulot. Je m’arrête à la porte pour prendre le temps de repenser à ce que je viens d’apprendre et à tout ce que ça engendre comme révélations. Je comprends désormais mieux ton éloignement. Et je ne peux me sentir encore plus idiot de n’avoir rien vu ni compris. Assez idiot pour ne pas écouter mon meilleur ami qui m’avait pourtant tanné sur le fait que je devais te parler. Mais je ne t’en avais pas laissé l’occasion. Et le choc fût tel que j’ai dû m’asseoir quand j’ai croisé une de tes sœurs à l’hôpital et qu’elle m’a avoué la raison de sa présence. Pour la première fois en plusieurs mois j’ai pu enfin m’asseoir au chevet de ma belle-mère, cette femme que j’admirais tellement.

Je rentre dans la maison, le silence envahit l’entrée et le salon. « James ? » Je pose ma veste sur le porte manteau et dépose les clés dans le vide poche tout en refermant derrière moi. « Amour ? T’es où ? » Bien longtemps que je ne t’ai appelé comme cela, tiens. Mais j’ai maintenant l’impression de ressentir ta douleur au plus profond de moi. Je finis par te trouver dans ton bureau. Je m’adosse au chambranle, posant un regard blessé sur toi. Je ne comprends pas pourquoi tu ne m’en as pas parlé. As-tu si peu confiance en moi maintenant ? Et, encore plus effrayant : Sais-tu quelque chose sur mes propres dérapages ? Même si c’est impossible, et que c’est bien la dernière chose à laquelle je pense là. L’image d’une femme inerte alors que je l’ai toujours connue pleine d’énergie me hante. Je n’ai qu’une envie te serrer dans mes bras.

C'est le jour où je travaille mes illustrations à domicile. Je suis posé à l'intérieur de mon bureau et je m'applique sur des dessins pour une couverture de livre de poche. Je respecte les conditions mises en évidence, l'esprit même du bouquin, et je me livre à l'imagination pour contenter le client. Mon métier me passionne même si ce n'est pas exactement ce à quoi j'aspire. Je vois toujours plus grand, en bon ambitieux que je suis ; j'espère des expositions des clichés que je prends de temps à autre, quand l'inspiration m'inonde. Je ne manque jamais de créativité en tout cas, ayant toujours des idées nouvelles en stock. Alors je continue de former des traits sur la feuille de papier, je trace les contours sans relâche pour construire un décor assez sombre, énigmatique, mystérieux. Il témoigne précisément de l'ambiance noire qui s'imprègne de chacune des pages du roman.

Je suis plutôt content de mon œuvre, mais ma concentration m'échappe lorsque j'entends une voix qui me cherche. Je pourrais la reconnaître entre mille, mais la surprise de te trouver ici à cette heure-là me pousse à m'assurer de ton identité. « Mat ? » Tu me demandes où je me cache, en usant d'un surnom particulier, que tu n'as pas employé depuis plusieurs mois. Sans trop savoir pourquoi, certainement à cause de cette distance qui s'impose naturellement entre nous. Et je dois bien admettre que mon cœur rate une pulsation et prend un rythme endiablé. Je devrais pourtant en avoir l'habitude, après seize années de vie commune. Mais c'est ton pouvoir, ça, de me faire fondre avec une facilité déconcertante. « Dans le bureau. » Je te précise et tu ne tardes par à débarquer dans mon intimité, te plaçant près de la fenêtre. Je me retourne vers toi, lâchant mon crayon pour mieux t'observer. Je t'offre toute mon attention. « Qu'est-ce que tu fais là ? Tu te sens pas bien ? » Je m'inquiète directement, car tu es censé travailler cet après-midi. Je m'interroge, me taraude, face à ta présence. Pour une fois tu n'es pas en retard... je m'en réjouis, mais le regard blessé, peiné que tu me lances, active davantage un élan de panique. Je suis attiré comme un aimant vers toi, ma main retrouvant le contact de ta joue pour la frôler avec douceur. J'essaye de te rassurer, t'apaiser par des caresses et regards doux, emplis d'amour. « Hey, tout va bien ? » J'ignore ce qui t'arrive mais t'apercevoir dans cet état forme une douleur au niveau du cœur.

Je sais que tu passé la journée à travailler à la maison. Mais j'espère que tu n'étais pas sorti entre-temps. J'avais encore du mal à réaliser ce que je venais de voir. Je devais aller interroger la victime d'une agression qui avait terminé à l'hôpital. Mais j'avais aperçu une de tes sœurs, qui m'avait détourné de mon objectif. J'avais dû m'asseoir sous le choc de la révélation. Atterré, j'ai pris cinq minutes pour aller rendre visite à ta mère, et m'excuser d'avoir brillé par mon absence. Mais tu m'avais caché cela, et je me posais les questions de ce secret. Tu sais que j'aurais été là pour te soutenir, mais tu m'as refusé cela. Je ne sais pas si c'est pour te protéger ou si c'est parce que tu n'as plus confiance en moi. Je n'aime pas cette sensation qui grandit en moi. Ce sentiment d'être exclu de ta vie. Je sais que j'ai ma part de responsabilité dans la distance qu'il y a entre nous, mais de là à me cacher ça ? J'avais l'impression de ne plus te connaître, et ça me serre le cœur.

J'avais appelé Judson pour l'avertir que je repartais chez nous, et je le rassure qu'au fait qu'il n'y a rien de grave, juste besoin de te parler et d'éclaircir certaines choses. Il ne semble même pas surpris, et je comprends que lui aussi était au courant. Mais je ne lui en veux pas. Je me sens juste comme le dernier des cons. Une fois entré à notre maison, je te cherche directement. Je t'appelle, et tu me réponds pratiquement quand j'arrive au bureau. Je me doute bien que tu sembles surpris, car pour une fois, je n'étais pas en retard, mais plutôt très en avance. J'entre et t'observe, te voyant d'un nouvel œil. Je tente de mettre ma rancune de côté pour essayer de comprendre. "J'avais besoin de te voir, et ne t'en fais pas, je vais bien". Je te lance un sourire pour te rassurer. Pourtant, tu es réellement inquiet. Je ferme les yeux avant d'attraper ta main et de nouer nos mains ensemble. Seize ans de vie commune, et je suis toujours aussi fou de ton contact. Et c'est toujours près de toi que je trouve le courage d'affronter les difficultés de la vie, dommage que ça ne soit pas réciproque. Mais je suis prêt à te retenir, et à être l'épaule sur laquelle tu peux pleurer. Je t'attire contre moi avant de glisser mes bras autour de ta taille et de prendre une profonde inspiration. "Pourquoi tu ne m'as rien dit ?"

Je suis concentré sur une illustration quand tu t'introduis à l'intérieur de notre petite maison. Je dessine quelques traits pour sublimer la page et m'accorder à l'idée du livre, pendant que tu intègres le bureau pour me rejoindre. Tu restes debout près de moi en me saluant, mais je sens que quelque chose se trame. Le tout est de savoir de quoi il en retourne, et les raisons de ta visite imprévue. Pas qu'elle me déplaise au contraire, mais je suis bouffé par l'inquiétude en croisant ton regard blessé. J'entends ton explication et elle provoque un sourire contre ma bouche. « Besoin de me voir ? » Je reprends tes propos avec un sourire, en me levant pour t'approcher. « C'est nouveau, ça ? » Je te taquine avec un beau sourire, mais il se fige quand j'affronte ta froideur. Tu es fermé sur toi-même, tu t'agites sous la nervosité. Qu'est-ce qu'il se passe bon sang ? Ma main vient naturellement caresser ton visage, pour te rassurer, t'inciter à délivrer du poids que tu sembles supporter. Tu attrapes ma main dans la tienne, ferme les yeux un instant avant de m'attirer contre toi pour m'étreindre avec douceur. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, jusqu'à ce que tu me rendes coupable d'un silence. Je ne t'ai rien dit, mais tu ne précises pas le sujet. « Comment ça, par rapport à quoi ? » Je souffle dans un premier temps contre ton épaule, avant de m'écarter légèrement pour te faire face et observer au fond de tes prunelles. Tu as l'air si dévasté, si détruit, alors je comprends. De toute façon il n'y a qu'un secret que je te dissimulais, ça ne peut qu'être à propos de ma tendre mère frappée par l'inconscience. « Oh... » Je murmure doucement contre ton visage, les yeux désolés fixés dans les tiens. J'ignore comment atténuer notre souffrance commune, ni même chasser l'incompréhension qui t'anime. Alors je caresse le dos de ta main du bout de mes doigts par nervosité, et je tente de t'adoucir. « J'voulais pas t'en ajouter... Tu as l'air si mal en ce moment... Si distant... Je savais que l'apprendre te ferait du mal. » Je m'exprime sans hargne, avec calme, me doutant que l'heure est aux confidences. Chacun son tour, on en a gros sur le cœur tous les deux.

Je te retrouve rapidement dans ce qui te sert du bureau quand tu travailles, je devrais songer à faire de même quand tu es dans la maison, pour passer davantage de temps avec toi. Mais là, ce n'était pas prévu. J'avais vraiment besoin de te voir. Juste pour m'enlever ce poids de cette culpabilité qui m'a prise au dépourvu. Cette incompréhension aussi, cette découverte tardive et l'idée que je n'ai pas pu être là alors que tu avais besoin de moi. Que devais-je en penser ? Je t'observe alors que tu te retournes vers moi. Je souris à tes questions avant de secouer la tête. " C'est important James... Mais tu sais que j'ai tout le temps envie de te voir, ça ne change pas. " Je te dis ça avec douceur, sans vraiment d'amertume dans ma voix. Ce n'est pas vraiment un reproche, même si je dois bien avouer que je ne comprends pas vraiment. Je savoure ton contact et puis ton étreinte, comme toujours elle a le pouvoir de m'apaiser, alors je te serre un peu plus fort, profitant de sentir ton parfum. Depuis quelque temps les choses semblaient s'arranger doucement... tout n'était pas résolu, et ne le serait jamais tant que je ne serais pas dire tout ce qui me tourmente, mais j'appréciais que l'on retrouve un peu d'intimité tous les deux. Et surtout le fait que c'était moins tendu entre nous deux. Mais ce nouveau équilibre est encore fragile. La preuve tout peut être détruit par cette nouvelle si on n'y met pas tous les deux du sien. Je n'arrive pas à dire clairement ce que j'ai appris car j'ai encore beaucoup de mal à y croire. Mais tu finis par comprendre. Je souris douloureusement. Maintenant je ne te laisserais plus seule avec ta douleur. " Tu aurais dû... Tu sais que j'aurais été là pour te soutenir, malgré nos problèmes, James. Je sais combien tu es proche de ta mère. Mais tu as choisi de me laisser éloigné, c'est ce qui me fait le plus mal. "

Ton arrivée est surprenante, à tel point que je me détache complètement de mon travail pour te donner toute mon attention. Je reste tout d'abord assis sur mon siège, songeant seulement à un oubli au sein de la maison, espérant un baiser furtif lors de ton passage. Mais tu sembles bien décidé à rester, pour une raison qui m'échappe. « Viens me rendre visite plus souvent alors. C'est plaisant de te voir à la maison. » Je me déplace finalement jusqu'à toi quand tu m'annonces que c'est important. Je te confronte en face, venant même m'accaparer tes lèvres un court instant, juste pour t'inciter à balancer ce qui reste coincé depuis tu t'es présenté dans la pièce. Tu m'interroges doucement pour connaître une information, relative à un silence qui semble avoir été pesant pour toi. Pourquoi je ne t'ai rien dit ? Je l'ignore certainement moi-même. A force de vouloir bien faire, on accomplit des fautes inévitables. Je n'ai pas adopté un comportement exemplaire en t'ayant dissimulé la réalité, mais sur le coup, j'ai vraiment cru que ce serait la meilleure alternative à prendre. J'espère que tu le comprendras. Pour le moment tu déverses ton incompréhension et ta déception sur le fait que je t'ai éloigné de manière volontaire de ce problème. « Ne pense pas que c'est un problème de confiance. » Je refuse que tu crois un seul instant à cette possibilité, car tu es l'être que je crois le plus loyal envers moi. Je sais que tu m'aurais tendu la main, même tes bras pour une étreinte à demi-forcée. Je sais que tu m'aurais apporté de l'amour, de la tendresse, dans ce moment troublant de mon existence. Tu aurais été là, malgré tout, en dépit de notre rage commune et de nos disputes fréquentes. « Désolé. » Je souffle dans un murmure, la gorgée nouée par la honte qui s'écoule en moi. « C'est juste que j'ai l'impression que tu me caches des choses toi aussi. » Je te confie au fur et à mesure pour t'expliquer mon point de vue, mes doutes, mais surtout ce qui m'a poussé à commettre cette erreur, et de t'avoir évincé de ce bout de ma vie. « Sur notre mariage, peut-être. » Je complète ma pensée en avançant une supposition puis je reprends le cours de mes idées. « En tout cas tu as l'air préoccupé en ce moment. J'voulais juste pas t'en ajouter. Je sais que tu tiens à elle également. Je m'excuse si ça te fait du mal de l'apprendre que maintenant. » Je m'explique du mieux que je peux, même si la douleur d'évoquer son inconscience me plonge dans un état de fébrilité conséquent. J'ai seulement envie de me blottir contre toi, que tu poses tes lèvres contre les miennes dans une étreinte pleine de tendresse. « Comment tu l'as appris... ? C'est Judson, j'imagine ? » Je relève la tête vers toi, dénonçant au passage une autre vérité : notre ami commun était au courant, lui.

Il est vrai qu'il est assez étonnant de ma part que je débarque à la maison alors que je suis censé travaillé, ça a dû m'arriver pas plus de trois fois, à mon souvenir. Et souvent dans des cas d'extrêmes urgences. Sinon je me débrouillais toujours sur place pour trouver une solution. Surtout que j'étais assez tête-en-l'air dans ma vie privée, quand ça ne concerne pas le travail j'ai tendance à oublier pas mal de choses. Heureusement tu es moins tête-en-l'air que moi. Heureusement dans un sens. Je souris avant de hocher la tête " J'y songerais plus souvent alors " Je glisse mes bras autour de ta taille alors que tu te rapproches de moi. Ton contact m'avait toujours apaisé, et je retrouvais cette sensation grisante depuis que l'on s'était quelque peu rapproché. Tout n'étais pas encore parfaitement résolu, et je ne m'étais pas décidé à parler de ce qui me grignotait le coeur car je ne voulais pas te faire souffrir pour quelque chose qui n'en valait peut-être pas la peine. Tant que je ne serais pas certain de ce que je veux vraiment je tairais cela. Mais là ce n'était pas moi qui était au centre de la conversation mais toi. Toi et ta mère qui est inconsciente. Rien que ce mot me fait froid dans le dos. Ce n'est peut-être pas un problème de confiance, mais je dois bien avouer que ça me froisse de ne pas être au courant, surtout que, comme tu le dis, j'apprécie ta mère. JE soupire, je ne dois pas t'en tenir rigueur alors je t'attire contre moi alors que je vois ton visage perdre des couleurs. J'embrasse ton front avec douceur pour t'excuser. Je ne peux pas t'en vouloir quand tu fais cette tête. Je resserre mes bras autour de toi avant de déglutir difficilement. Je ne peux pas nier cette affirmation, malheureusement, Mais ce n'est vraiment pas le moment d'en parler. Alors j'ignore cette phrase, vraiment pas la journée pour se disputer, je dois être là pour toi, pas creuser davantage le fossé de notre relation. "C'est pas grave, je comprends aussi que tu n'ai pas voulu en parler " MEs mains te flattent doucement, avant de t'attirer contre moi. Mais tu énonces une vérité, qui inconsciemment me raidit. Judson était au courant, lui. Bien avant moi apparemment. Moi qui avait simplement cru que tu n'en avais parlé à personne je m'étais bien trompé. Je me raidis et me recule, sentant le venin de la déception encore plus amère couler dans mes veines. Je passe une main dans mes cheveux, les ébouriffant au passage. "Il était au courant ?" Tu vas vite comprendre que je l'ai appris autrement. Malgré que je ne voulais pas de dispute, j'étais déçu. " J'étais à l'hôpital pour prendre une déposition quand j'ai vu ta famille. Mais là, je suis juste le dindon de la farce." J'ai le cœur qui bat la chamade.

Je serais ravi de t'accueillir plus régulièrement au cœur de notre maison, même pour le temps de cinq minutes ou d'un baiser furtif. Tu apportes chaque fois de la fraîcheur dans mes journées, juste en croisant ton regard sombre ou ta mine éreintée. J'ai toujours apprécié regarder tes traits longuement, les caresser du bout de mes doigts, alors je t'incite à l'initiation de ces rendez-vous improvisés. J'aimerais beaucoup te voir débarquer au sein de mon bureau, tes lèvres arborant ce magnifique sourire dont je me délecte chaque fois. Je ne rétorque rien, mais je dessine un sourire contre mes lèvres avant de me presser contre toi. Ton affection devient nécessaire dans ce torrent d'émotions fortes qui m'envahit de toutes parts. Je ne sais comment t'expliquer la possible trahison que tu perçois, ou pire encore, le manque de confiance en toi. Je suis pourtant persuadé que tu m'aurais procuré du réconfort, de la tendresse. J'ignore pourquoi j'ai manqué d'exprimer ce que je ressentais au sujet de l'inconscience de ma génitrice, ni même pourquoi je t'ai écarté de ce problème. Je pensais vraiment à toi et tes soucis personnels, j'étais peu désireux de t'ajouter de la peine supplémentaire. J'en viens même à commettre une gaffe en te confiant que Judson savait cet événement, alors que je t'ai laissé ignorant. Tu sembles étonné, fâché, puisque tes nerfs se tendent, et ton corps recule, échappe à mon emprise. Ma gorge se noue tandis que mon cœur se brise en remarquant à quel point je viens de créer une déchirure au creux du tien. « Oui, je devais en parler à quelqu'un. Il n'y avait que lui. » Tu m'expliques finalement que c'est ma propre famille qui t'a dévoilé ce lourd secret. Je me sens bête de t'avoir donné une position aussi délicate à adopter, tu as dû te sentir affreusement idiot de ne rien connaître à ce bout de ma vie face à eux. « Je suis désolé Matt... » Je reprends en cherchant tes doigts des miens, les serrant et caressant de mon pouce. « J'aurais dû. J'y arrivais pas, ça sortait jamais de ma bouche. J'aurais pas supporté que tu t'effondres, j'aurais pas été capable de te relever. » Je m'explique en profondeur, exprimant mes doutes, mes tourments. J'aimerais tellement que tu comprennes, parce que j'ai un besoin maladif de me perdre dans tes bras. D'ailleurs je ne tarde pas à te forcer à une étreinte, me blottissant contre ton torse, la tête coincée dans ton cou. J'ai envie de pleurer comme un gamin. Engueule-moi si tu veux, mais ne me repousse pas. « Ils nous conseillent de la débrancher. Ils n'ont pas beaucoup d'espoirs... » Je te confie pour t'éloigner de l'ignorance, te confiant l'évolution de sa situation.

Je devrais songer à plus souvent te surprendre quand je vois ta réaction. Prendre le temps de profiter de toi. Peut-être que, finalement, ça nous aiderait à reconstruire cette complicité que l'on a que trop négligée. Peut-être que cela éclaircirais l'indécision dans laquelle je suis moi-même plongé. Surtout quand je vois l'éclat dans tes yeux, si particulier, qui semble te rendre encore plus sublime que tu ne l'es déjà. Dans la journée difficile, cette petite révélation me met du baume au cœur. Mon pouce caresse ton dos tandis que mon front se pose contre ta tête. J'ai un besoin de te sentir très proche physiquement. Comme toujours quand une difficulté touchant nos proches s'immisce entre nous. Néanmoins je ne peux pas m'empêcher de ressentir une certaine amertume, une certaine déception quand tu m'as délibérément évincé de cette confidence. Pourtant, notre dernière dispute ne peut pas me donner raison. Je n'ai pas fait mieux que toi avec notre mariage. Sujet qui était désormais devenu tabou entre nous. Encore trop fragile pour ne pas être abordé sans tension. Alors je vais simplement devoir ravaler ma fierté et mon orgueil pour maintenant faire preuve de présence, ce que je n'ai pas eu le droit avant. On ne peut pas dire non plus que j'ai été le compagnon idéal en ce moment. Alors je ne pouvais pas t'en vouloir très longtemps, je n'en avais pas le droit. Pourtant sans vraiment le vouloir tu en rajoutes une couche en avouant que je suis le seul dans l'ignorance. Décidément Judson doit en avoir lourd à porter avec nous deux. Je me tends, je m'éloigne de ton corps. Au fond de moi, je me sens totalement lésé, ignoré même et pas que par toi. " D'accord. Je comprends mais j'aurais vraiment aimé l'apprendre autrement, et surtout ne pas me retrouver dans cette situation." J'avais l'air sacrément con quand je me suis retrouvé face à ta famille. Je ne savais plus où me mettre. Jamais je ne m'étais sentis de trop dans ta famille sauf aujourd'hui. Tu reprends ma main mais cette fois je n'ai pas la force de te la retirer. Je serre même la tienne entre la mienne. Tu t'excuses et tu t'expliques même pour que je comprenne ta situation. Je déglutis difficilement avant de te reprendre dans mes bras. J'embrasse ta tempe. " C'était à moi de rester fort et de te relever." Tu te fonds davantage contre moi, et je glisse mes doigts dans tes boucles. J'ai du mal à contenir mes larmes alors que tu avoues que les médecins souhaites débrancher ta mère. J'embrasse ton front et resserre mon étreinte. " C'est à vous de décider mon amour. Ils ne peuvent pas prendre le choix final. Je suis là maintenant, quelque soit votre choix." Je glisse ma main sous ton menton pour relever ton visage et t'embrasser avec toute la tendresse du monde.

Te voir chez toi plus que tôt prévu m'étonne mais me comble de bonheur. Je te le démontre assez facilement avant que le trouble vienne habiter nos entrailles. La morosité nous guette et on plonge dans la hargne sans pouvoir s'en sortir. L'issue n'est pas à proximité et il faut se confronter avant de  retrouver ce cocon conjugal dans lequel j'essaye de me perdre en ce moment. Je m'exprime dans ce torrent de souffrance, et tu t'appliques à faire de même en me dévoilant une réalité qui me chamboule. Tu es au courant pour ma mère inconsciente, parce que tu as croisé ma famille à l'hôpital. Je suis étonné, je reste là comme un con, puis j'essaye de te rassurer comme je peux. Tu aurais préféré l'apprendre autrement et c'est légitime, tu as dû te sentir bête devant eux, à rien savoir de cette vérité déchirante. Ton ignorance a dû être un poids dont je n'imagine même pas l'importance. « Je comprends. Je n'ai pas pensé que cette situation soit possible. Y'avait un risque sur 10000 que tu finisses par les croiser... » Je t'explique pour me donner une excuse, mais rien ne semble justifiable par rapport à la honte qui a dû couler vicieusement dans tes veines. « Tu avais l'air si faible... j'étais pas sûr que tu puisses vraiment être fort. Et j'aurais pas supporté de te voir encore plus mal. » Je m'explique sur les raisons qui m'ont empêché d'avouer les objets de ma frustration, sans préciser que le fossé qui s'impose entre nous joue beaucoup. Je ne crois pas qu'évoquer l'idée de mariage envolée, la distance, est une manière efficace d'effacer toutes les zones d'ombre de ce moment. Malgré la rage, tu acceptes mon étreinte et tu enserres ma taille avec plus de force. Je me colle davantage contre toi, pas prêt à te lâcher. J'aborde mes ressentiments, mes doutes aussi, mais surtout l'état de ma mère. Tu te montres présent et j'ai les larmes qui me montent aux yeux, ainsi que la gorge nouée. « Cela fait des semaines... j'ai toujours cru qu'elle finirait par se réveiller... mais ça stagne, y'a aucune évolution... alors je me demande si ça serait pas mieux... d... de... » Mes mots manquent, je n'ai pas la force d'affronter la réalité déchirante. Je me retiens à ton épaule pour essayer de dénicher un peu de courage. « Tout couper. » Je reprends finalement, une larme dégoulinant contre ma joue. Cette idée me fait trembler, vaciller. Heureusement que tu me retiens car ma fragilité m'aurait fait écrouler au sol.