Les journées de cours de Summer étaient longues, très longues. Elle se levait chaque jour avec la même envie de rester au fond de son lit pour l’éternité, à regarder sa série télévisée préférée sans ne plus jamais avoir à supporter les cris de son professeur de maths, les remarques incessantes et moqueuses de ses camarades de classe, ces cours qu’elle avait parfois du mal à comprendre… Oui, la vie serait certainement plus facile pour Summer si l’école n’existait pas. Mais pour être une jeune femme libre, indépendante, elle devait forcément passer par cette case comme tous les autres adolescents de son pays. Il lui arrivait parfois de sécher, avec ou sans l’accord de son père, mais cette fois-ci, c’était fini. Elle avait repris l’école deux mois plus tôt et elle avait promis à son père et à ses enseignants de faire un effort, de venir chaque jour durant environ huit heures pour suivre leurs cours barbants.

Alors, ce jour-là, elle s’était levée à l’heure, elle avait vécu la même journée débile. Elle avait encore dû affronter certains adolescents de son âge qu’elle ne supportait pas, elle avait dû faire face à des exercices de maths qu’elle avait envie de jeter par la fenêtre… mais elle avait survécu, oui. 16h30, elle terminait à cette heure-là ce vendredi. Sous les hurlements de la sonnerie de l’établissement scolaire dans lequel elle passait sa dernière année, année décisive pour la tournure que prendrait son avenir, elle fut l’une des premières à quitter sa classe pour rentrer chez elle.

Elle marchait seule sous la pluie dans les rues de Dewsbury, déjà trempée après cinq minutes de marche. Elle n’avait pas regardé la météo la veille, et personne ne l’avait prévenue que la météo lui jouerait des tours en cette fin de journée. Sans prendre son temps, elle gagna rapidement l’appartement qu’elle partageait avec son père. Déverrouillant la porte en se servant de sa clé personnelle, elle entra vite puis se débarrassa de ses chaussures pleines de boues. « Putain… » soupira-t-elle, gagnant sa chambre en essayant de salir le sol le moins possible. Elle se changea rapidement après s’être un peu séchée, enfilant un débardeur ainsi qu’un short qui lui servait d’habitude de pyjama. Elle envoya un SMS à sa meilleure-amie qu’elle avait invité à passer la soirée ensemble une trentaine de minutes plus tard, puis elle alla ranger un peu l’appartement en attendant qu’elle arrive. Elle détestait recevoir Shannen dans des conditions pareilles… La table de cuisine pas nettoyée parce que son père avait dû rapidement partir travailler ce matin-là, le lit de l’adolescente qui n’était pas fait… En quelques minutes, l’appartement se trouva dans un état présentable.

« Tu peux entrer ! » hurla Summer en entendant quelqu’un toquer à la porte, se doutant que c’était sa meilleure-amie qui était enfin arrivée. Assise sur la table de cuisine, elle balançait ses jambes avec excitation. Elle avait hâte de la voir.

Shannen se balade à travers le parc, arpentant les contours du lac. Elle révise le vocabulaire espagnol qu'elle doit acquérir pour le jour suivant, les murmurant à elle-même d'une voix enjouée. Elle apprécie se perdre dans ses cours de langue, s'exprimer dans une langue qui n'est pas la sienne mais qu'elle apprivoise petit à petit. Elle se laisse toutefois interrompre par un message agréable de sa meilleure amie, qui l'invite à le rejoindre dans quelques minutes. Sa joie s'intensifie alors et elle entreprend le chemin inverse, accompagnée de ses intonations espagnoles, profitant de la légère brise qui se dépose sur ses joues pâles. Elle esquisse un sourire éclairci, malgré le ciel qui est loin de se dégager, qui s'obscurcit plutôt. Il se met même à pleuvoir lorsqu'elle est en direction de l'appartement de son amie et franchit des rues désertes. N'ayant rien prévu pour se couvrir, Shannen s'adonne à une course précipitée pour atteindre le domicile de sa copine le plus vite possible.

Lorsqu'elle arrive enfin devant la porte, totalement trempée de la tête aux pieds, elle toque à la porte puis s'introduit à l'intérieur, sans vraiment attendre une réponse de Summer. Elle la rejoint dans la cuisine, se laissant emporter par cette joie naturelle et caractéristique de leurs moments à deux. « Salut beauté. » Elle esquisse un sourire avant de se faufiler entre ses cuisses pour la forcer à une étreinte, glissant ses deux bras autour de sa taille et posant sa tête au niveau de sa poitrine. Elle embrasse sa joue avant de s'écarter du rebord du meuble. « Sacré déluge dehors. Je me les gèle. Tu aurais pas un t-shirt pour moi s'te plaît ? » Elle demande gentiment, même si elle doute de rentrer dans ses vêtements. L'idéal aurait été d'emprunter un haut au père de son amie, mais elle ne se permettrait pas de lui proposer l'idée. Quand bien même l'envie la traverse fortement... ça reste louche. « Ça va ? » Elle demande en enchaînant, certainement trop heureuse de savourer un instant en sa compagnie. « J'ai ramené les œufs. Il nous en restait que 4, j'espère que ça ira. » Elle les dépose sur la table et un sourire enjoué se dessine sur ses lèvres.

Shannen. Sa meilleure amie, celle qui la comprenait le mieux, celle qui savait la faire sourire dans n’importe quelle situation, celle qui savait toujours comment lui rendre le moral. Elles ne se connaissaient pas depuis très très longtemps, mais bizarrement, Summer s’était rapidement attachée à la blonde et celle-ci étant très vite devenue l’une des personnes les plus importantes à ses yeux… Alors ils n’étaient pas rare qu’elles passent de petites soirées ensembles, qu’elles s’éclatent jusqu’à pas d’heures, ensemble.

Alors quand la belle blonde passe la porte, la jeune brune saute immédiatement de la table sur laquelle elle est assise pour venir la rejoindre dans l’entrée et lui faire un grand et beau câlin comme elles ont l’habitude d’en faire. C’est quelque chose de doux, apaisant, sacré pour la gamine. Après une bonne ou une mauvaise journée, ça faisait toujours plaisir. Ses petits bras autour d’elle, elle la serra contre elle durant quelques secondes avant de finalement la laisser respirer. « Oups, ouais ! J’vais voir ça de suite, tu peux déjà aller chercher de quoi te sécher dans la salle de bain si tu veux. » Shannen était gelée, c’était compréhensible vu le temps qu’il faisait à l’extérieur… Elle le savait, elle pouvait faire comme chez elle et aller chercher une serviette dans la salle de bain pendant qu’elle irait lui chercher de quoi se réchauffer. Un baiser sur la joue puis elle quitta l’entrée pour aller dans sa chambre à la recherche d’un vêtement chaud. Un t-shirt, un maillot, quelque chose qui pourrait la réchauffer, la couvrir. Elle fouilla sa garde-robe, passant la main sur chacun de ses t-shirts sans réellement trouver quelque chose qui pourrait lui aller. Elles avaient beau être toutes les deux des filles, elles avaient quand même trois ans de différence, et n’avaient pas forcément la même taille. Elle se mordit légèrement la lèvre, refermant sa garde-robe pour directement ouvrir un armoire qui se trouvait tout prêt et en sortir un grand t-shirt de son père. Elle lui avait piqué pour dormir il y a quelques jours et elle ne lui avait pas rendu, depuis, elle se l’était approprié. Ça devrait faire l’affaire pour son amie. Elle sortit directement de sa chambre pour venir la retrouver dans la cuisine, lui donnant le fameux t-shirt. « C’est à mon père, il pue encore le mec, fais pas attention… » elle haussa les épaules, laissant échapper un joli rire. « Ça va, ça va. Merci pour les œufs, on a pas eu le temps d’aller au magasin cette semaine… » elle vint embrasser la joue de son amie. « Tu veux qu’on fasse ça tout de suite ou on attend un peu… ? J’ai tous les autres ingrédients. » Cuisiner, aller se mater un film, avoir une discussion de filles, se faire les ongles… ce serait comme Shannen le voudrait. Après tout, c’était elle l’invité.

Shannen adore sa meilleure amie. Elle aime cet engouement qui la caractérise, la fraîcheur qui l'anime, son doux rire qu'elle ne se lasse pas d'entendre. Elle apprécie leur complicité, les taquineries et confidences qu'elles échangent, les têtes coincées contre leurs oreillers un beau soir, les délires qu'elles partagent et dans lesquels elles s'enfoncent, dévorées par la joie tenace qui les submerge chaque fois. Elle aime son père aussi. Sans jamais le dire ou l'évoquer, elle le sonde avec désir, obsession, le trouvant plus délicieux de jour en jour. Son admiration à son égard s'intensifie vicieusement, tandis qu'elle savoure des moments plus agréables en compagnie de sa fille Summer.

C'est cette dernière qu'elle n'a pas tardé à rejoindre, le sourire scruté sur les lèvres, malgré la pluie, malgré les révisions importantes qu'elle devra effectuer en rentrant chez elle. Tous les soucis s'emmêlent, s'envolent, lorsqu'elle croise son regard lumineux et qu'elle retrouve sa chaleur humaine. Certainement que ce bien-être provient des O'Malley, qu'ils lui dispensent chaleureusement. Shannen s'est toujours bien sentie avec eux, mieux qu'avec quiconque. C'est quelque chose d'indescriptible, qu'elle ne pourrait pas expliquer, mais qui se faufile comme un souffle de certitude au creux de son cœur. « Yep bonne idée, merci ! » Elle s'exclame accompagnée d'un sourire amusé, se rendant dans la salle de bain pour trouver une serviette et essuyer ses cheveux trempés. Elle est ravie d'être auprès d'elle, Summer est comme un baume au cœur permanent. Elle nettoie sa chevelure blonde, les vêtements imbibés d'eau ainsi que sa peau noyée. En même temps d'entreprendre cette démarche, elle découvre les lieux et les produits masculins qu'elle devine au père. La salle de bain est un endroit qu'elle emprunte rarement, et elle n'avait pas fait attention aux détails auparavant. Elle l'attrape au creux de ses mains, enlève le bouchon du parfum avant de sentir. Mmmh, c'est délicieux, sensuellement viril. Du Ciaran tout craché. Elle sourit, se sentant un peu idiote de s'adonner à une admiration puérile, puis revient dans la cuisine pour attendre son amie. « Les vieux ont décidément une drôle d'odeur caractéristique. » Elle rit, même si elle juge l'odeur de son père très... excitante. Elle se retient bien évidemment de le dire, retire son haut trempé pour enfiler celui trop grand de Ciaran. Elle sourit intérieurement, un peu trop enjouée de porter ses affaires. « On peut faire ça tout de suite, ça nous fera du bien après ce déluge. J'ai un petit creux en plus. » Elle commente pour répondre à Summer, tentant de ne pas se laisser submerger par l'affection profonde qu'elle ressent à l'égard de Ciaran, et qui s'active naturellement quand son doux parfum lui colle à la peau. Elle recherche une pâte possible à préparer sur internet, et en deux trois mouvements, une s'affiche sur son écran de portable qu'elle pose sur le meuble de cuisine. « J'ai une recette ! » Elle attrape un saladier et un fouet, puis éclate les œufs à l'intérieur, pose la farine, et commence à touiller une première fois. « Alors, des nouveautés ? un beau garçon te fait du charme ? Moi pas grand-chose, si ce n'est que mon voisin semble intéressé pour me déflorer. » Elle rit, lui confie secrètement, même si elle plonge dans un mensonge. Elle a envie de s'exprimer sur la relation atypique qui se forme avec son géniteur, mais ne pouvant lui déclarer les choses telles qu'elles sont, elle invente une personne pour mettre en évidence ses tourments.