Les premiers rayons de soleil percent dans la noirceur de la chambre d’Achille. Callum, habitué de se lever tôt, est le premier à ouvrir l’oeil. Son regard se pose sur son amant qui, à ses côtés, dort toujours profondément. Il l’observe un peu parce qu’il le trouve si beau, si serein. Mais comme ils sont entrelacés et que Callum doit se lever pour aller travailler, il le serre un peu plus contre lui et l’embrasse tendrement pour le réveiller. À contre-coeur, il sort du lit pour enfiler des vêtements propres. Le jeune homme détient pratiquement la moitié de ses habits chez Achille, tant il s’y trouve souvent depuis l’accident. Alors il n’a pas de difficulté à opter pour un très joli complet bleu marine ainsi qu’une cravate bordeaux qui s’agence à la perfection. Il sent sur lui le regard réprobateur d’Achille, car non seulement ce dernier doit lui en vouloir d’aller travailler, mais aussi de ne pas sauter sous la douche avec lui. Peut-être se laissera-t-il tenter après le déjeuner, mais pour le moment, il doit se convaincre mentalement qu’il doit partir pour le boulot. Une fois habillé, il se penche pour embrasser une seconde fois Achille puis lui dit : « Quand tu auras besoin de moi pour tes bandages, je viendrai te rejoindre sous la douche ». Il a envie de rester avec lui toute la matinée, mais il ne peut pas, aussi déchirant que ce soit.
Le jeune avocat se dirige dans la cuisine où il commence à préparer son petit-déjeuner. Son ventre lui réclame de la nourriture depuis un moment, se manifestant par des grondements tonitruants. Alors qu’il dépose son pain dans le grille-pain, on sonne à la porte. Achille, qui est sous la douche, ne peut aller répondre alors Callum s’en charge, même si ce n’est pas chez lui. Il déverrouille la porte et l’ouvre, dévoilant par le fait même son père devant le cadre de la porte. Le jeune homme est surpris, très surpris de voir son père débarquer ici. Il ne connait pourtant pas Achille. « Salut Call! Orion m’a dit que tu te trouvais ici. Je suis désolé de faire irruption, mais j’arrivais pas è te rejoindre », lui dit son père en pénétrant l’entrée du logement. Callum s’efforce à dessiner un sourire sur son visage. Genre, ça lui prend toute l’énergie du monde. Parce qu’il a envie de se terrer loin, très loin dans une grotte.  

C'est peut-être la première nuit depuis longtemps qu'il dort d'un sommeil aussi paisible. Peut-être parce que c'est les révélations qui se sont faites cette nuit qui a énormément aidé le jeune militaire. Dormir dans les bras de son tendre et cher amour l'aide énormément. Callum lui apporte beaucoup de choses positives dans sa vie. Il sort de son sommeil profond grâce à des baisers sur ses lèvres. Il râle, parce qu'il sait que ça signifie que Callum va bientôt partir au boulot. Qu'il va bientôt se retrouver seul et il n'est pas prêt à rester tout seul, pas après ce qu'ils ont fait cette nuit. Il s'étire, doucement, râlant un peu parce qu'il faut vraiment qu'il prenne des antalgiques. Ses yeux se posent sur son tendre amour, et woah bon sang, il se réveille d'un seul coup. Il se mord doucement la lèvre. Callum est bon sang de magnifique. Cette fois-ci, il prolonge le baiser, caressant sa joue et hoche la tête. «  T'es beau, mon coeur. » Puis il le laisse s'envoler et vagabonder dans l'appartement à cotre coeur. Achille se lève, quelques secondes plus tard. La place est vide à ses côtés et il a comme un coup de froid. Sa chambre donne un accès direct à la salle de bain alors il s'engouffre dans la pièce. Il est déjà déshabillé, un sourire aux lèvres quand il se regarde dans le miroir. Mais il ne regarde pas le reste, parce que les hématomes sont impressionnants. Il a laissé une trace, en bas de son cou. L'eau chaude allumait, il se laisse aller dans l'eau chaude. C'est douloureux, encore, et toujours. Mais ça commence à diminuer, ça commence à être moins douloureux. Achille reste un bon quart heure sous la douche, il se décide de sortir. Rasant sa barbe de quelques jours, il décide de se rendre présentable. Puis, il se dépêche de retourner dans sa chambre. Il enfile son jean puis, de sa chambre, hausse la voix. « Call, tu viens me rejoindre ? » Il a besoin de lui pour les bandages, il a besoin de le serrer fort dans ses bras avant qu'il ne parte. Sauf qu'il n'a aucune réponse, et sans comprendre pourquoi, son ventre se contracte.

Le jeune homme ne s’entendait pas à ce que son père retentisse ce matin. Il s’attendait encore moins à le voir chez Achille, lui qui tente avec tant d’ardeur de garder leur liaison secrète. Et pourtant, le voilà qui est dans le hall d’entrée, complètement à l’improviste. Callum s’efforce de sourire, de prétendre qu’il est heureux de le voir. « Alors, tu voulais…? », enchaine immédiatement Callum après l'avoir affectueusement salué. Il a envie que son père déguerpisse rapidement; il ne veut pas qu’il s’éternise dans l’appartement. « C’est en lien avec l’entreprise et j’ai besoin de ton expertise », commence-t-il lorsque sa prise de parole est interrompue par Achille qui, de la chambre, appelle Callum. Ce dernier prie intérieurement de ne pas être rouge pivoine, tant il est gêné par la situation. Le regard de son père en dit long; il a besoin d’explications, besoin de comprendre pourquoi cet homme veut que son fils aille le rejoindre. « Oh, c’est mon ami. Il était avec moi quand on a eu l’accident. Je l’aide parce qu’il est pas mal amoché », explique rapidement le jeune avocat. La carte de l’ami blessé, ça semble bien passer. Si bien que le père de Callum se met à rire, non sans afficher son profond soulagement. « Ouf, pour un instant j’ai cru que tu étais gay! », lui lance-t-il comme si avoir un fils homosexuel signerait la fin du monde. Connaissant très bien les positions arrêtées et surtout conservatrices de son paternel sur le sujet, Callum se met à rigoler un peu. « Ça serait complètement ridicule, voyons! Tu sais que j’oserais jamais toucher un gars, franchement », lui réplique-t-il en accompagnant son éclat de rires. Et pourtant, ça lui fait terriblement mal de dire ça. Parce qu’Achille ne le répugne pas. Achille, il l’aime d’un amour incompréhensible, quasi inhumain. Il est la seule et unique personne qu’il a envie de toucher, d’embrasser et d’aimer. « Y’a tellement trop de tapettes », souffle son père en affichant un rictus de dégoût. Putain que Callum aimerait le frapper pour avoir tenu de tels propos, mais il ne peut le faire. Il doit donc jouer le jeu, prétendre être en parfaite symbiose avec sa ligne de penser. « Je sais, ça me répugne », conclut-il en efforçant un sourire dégoûté. B-o-r-d-e-l qu’il n’aime pas cette situation. Il n’aime pas avoir à dire de telles abominations. Il souhaite qu’Achille n’ait rien entendu; autrement, la foudre s’abattra sur lui. Ça, c’en est certain. « Bon écoute, je suis sur le départ. Que dirais-tu qu’on se rejoigne au restaurant dans une heure? Je pourrai répondre à tes questions », lui propose-t-il. Il préfère en discuter hors de l’appartement, dans un contexte beaucoup plus formel et où il n’a pas envie de prendre ses jambes à son cou. Son père hoche la tête, lui sourit et le salue. Il quitte le logement sans regarder derrière lui; Callum peut enfin souffler. Putain, mais quel embarras!

Il attend, mais aucune nouvelle de Callum. Il regarde la bande, la prend en main, et quand il tente de se l'enfiler, il se retient de ne pas hurler de douleur. Il commence à voir des étoiles, alors il se tient à un meuble quelques secondes et décide de voir si son copain est toujours là, ou s'il est parti. Il ouvre la porte de sa chambre, sans son tee-shirt, mais il s'arrête. D'un seul coup. Il retient presque sa respiration pour ne pas interrompre l'échange entre visiblement son petit ami et son père. Pour ne pas en rater un seul morceau. Et d'un coup, il ne sait pas réellement qui est la personne qui se trouve dans l'autre pièce. C'est impressionnant comme, d'un coup, il s'en veut d'aimer les hommes. Il se sent tellement sale qu'il peut presque en vomir. Tu sais que j’oserais jamais toucher un gars, franchement. Comment il peut dire ça ? Après ce qu'ils ont partagé cette nuit ? Tout ceci n'était que des mensonges ? Il se foutait de sa gueule depuis le début ? Franchement, ça lui fait mal. Après les confessions, après lui avoir parlé de son passé, après tout ce qu'ils ont fait ensemble depuis qu'ils sont en couple. Mais aujourd'hui, il a l'impression que leur bonheur vient d'éclater. La porte se referme, les yeux qui brillent, il se rapproche doucement de son... De son quoi, hein ? « C'était qui ? » Son ton est froid, il n'a même pas envie d'excuse. Il veut juste des explications, de comprendre pourquoi il a un tel changement de comportement. Il veut comprendre. Son coeur bat fort, c'est franchement désagréable, ses lèvres tremblent doucement. « Et ne tient pas à aller au boulot, t'as pas le droit de fuir, pas après ce que tu viens de dire. » Ses poings se ferment, il s'approche de Callum, et sans comprendre dans quelle force il trouve la volonté, il le pousse, fort. Très fort. Pas assez pour que Callum bouge d'un centimètre, mais assez pour sentir une douleur au niveau de sa côte. Assez pour sentir sa tête, qui tourne. Callum veut s'approcher, mais Achille le repousse totalement. « T'as pas le droit, je te répugne ? Bien, alors casse toi putain ! » Il lève la voix. Il dit le contraire de ce qu'il pense, il est blessé, et il est surtout incohérent vu qu'il n'y a même pas cinq minutes, il lui a justement dit de ne pas partir. Mais Callum ne réalise pas vraiment à quel point il vient de briser Achille, surtout que quelques heures plus tôt, ils se disaient qu'ils s'aimaient.

Du moment où il referme la porte, Callum sent un silence pesant dans l’appartement. Quelque chose lui dit qu’Achille a tout entendu. La peur l'envahi soudainement. Il sait que ce qu'il a dit, c'était d'une méchanceté sans précédent. Et justifier de tels propos relève de l'impossibilité. Car il ne les pensait pas, ces mots au contenu homophobe tout droit sortir du vingtième siècle. Les prononcer, c'était les vomir. Ça lui brûlait l'oesophage d'une façon violente. « C'était qui ? », entend-il derrière lui. Il tourne sur lui-même pour faire face à son amoureux qui, de la chambre, le fixe d’un regard transperçant. Il est fâché, mais surtout, il est blessé. Et ça, Callum n’a aucun mal à le voir ni à le ressentir au creux de son estomac tant les remords l'envahissent.« C’était mon père », souffle-t-il, ravagé par la honte et un lourd sentiment de culpabilité. Il n’a même pas le temps d’ajouter quoi que ce soit; Achille est déjà près de lui, submergé par la douleur et la frustration. Il le pousse, il lui crie dessus… et avec raison. Le jeune avocat est incapable de se tenir droit devant son père, d’assumer ses décisions et surtout, de lui révéler la vérité en gardant la tête haute. Il est tout simplement incapable. Parce qu’il sait que son père a la capacité de lui pourrir la vie, d’autant plus que l’homosexualité, c’est aussi mal vue que la peste. « Ach, tu sais que je ne pense pas ce que j’ai dit », tente-t-il de justifier. Il sait que ce n’est pas suffisant, il sait que les paroles qu’il a prononcées relèvent des terrains dangereux. Il a plongé tête première dans les marécages et il parviendra difficilement à en sortir. « Ma famille est très conservatrice… Et je suis pas capable de dire à mon père pour toi et moi, tu comprends. Ça me fait peur. », rajoute-t-il en baissant la tête. Il ne sait pas quels mots utiliser pour faire comprendre à Achille qui ne s’agit que des paroles prononcées pour satisfaire les oreilles arriérées de son père. Les idéologies familiales frôlent l’archaïsme, et Callum n’a pas envie d’affronter la réprimande et l’outrance que causerait l’annonce de sa relation amoureuse avec un autre homme. « Tu ne me répugnes pas Ach, p’tain. T’es la seule personne que j’ai envie de toucher », tente-t-il de lui expliquer. Il a envie de le serrer dans ses bras, de l’embrasser tendrement pour lui montrer qu’il l’aime et qu’il tient à lui. Pour lui prouver qu’il ressent tout sauf du dégoût.

Le coeur d'Achille est en train de se décomposer. Doucement, mais sûrement. Callum n'a pas l'air de se rendre compte de l'impact de ses mots. Achille a presque honte de ressentir des choses pour les garçons quand son propre petit ami tient des propos homophobes. C'est pire que vexant, c'est tellement douloureux. Puis... Quoi ? Son père ? Bon sang, mais il dit ça à son père ? Mais est-ce qu'il se rend compte de toute cette connerie ? Hein ? Achille retient ses larmes, se mord difficilement la lèvre. « Ton père ? C'est une blague ? Mais vous êtes tous les deux des homophobes ? » Il ouvre les yeux, grands. Les explications ne lui suffirent pas, ce n'est même pas des choses qu'il arrive à comprendre. Alors il secoue la tête, parce que non, il ne sait pas, non il n'arrive pas à comprendre. Et honnêtement, il est presque certain de ne pas vouloir le comprendre. « Alors quoi ? Je suis une expérience ? T'es en rogne contre papa du coup, tu veux aller contre ses principes pour le faire rager ? » Il lui en veut même d'avoir fait entrer cette créature dans son appartement. Les mots de Callum ne l'atteignent pas, il ne veut même plus croire en lui. Il n'arrive pas à croire en ses mots, il a soudain l'impression que tout ce qu'il s'est dit cette nuit est une simple plaisanterie. « Donc t'as sauté sur l'accident de voiture pour me faire rentrer des conneries dans la tête ? Mais tu me veux quoi ? Tu veux me baiser ? C'est ça que tu veux ? Mais alors vient putain, assume tes couilles, assume ta fausse hétérosexualité et vient me baiser ! » Il hurle, rouge de colère, les larmes coulent. Il retire son pantalon, et ouvre ses bras. Alors que tout ceci le blesse, il se sent soudainement détruit. « S'il y avait pas eu l'accident, tu serais venu me chercher ? » Il a besoin de la réponse, et pourtant, elle lui fait affreusement peur. Il sèche ses larmes, alors que d'autres coulent de plus en plus. Il l'aime tellement qu'il a l'impression d'être un sombre inconnu face à lui. Il a l'impression d'avoir été manipuler, comme un pantin, un vulgaire jouet. Achille est brisé.

Callum se sent mal, terriblement mal. Mais il ne peut empêcher la frustration de monter en lui. Il essaie de s’expliquer calmement à Achille, mais ce dernier hausse le ton, cherche même à le provoquer. Le jeune avocat lui a pourtant dit qu’il ne pense aucunement ce qu’il a dit à son père. L’amour qu’il porte pour Achille est tout sauf fausse, et il ne sait pas comment l’en convaincre. « Achille, bordel. Tu sais que je pensais pas c’que j’ai dit », réplique-t-il une seconde fois, espérant cette fois-ci que l’information se rendra plus loin que ses tympans. Il faut que ça lui entre dans la tête! Mais Achille, il veut la vérité. Il veut que Callum ressorte ses démons et lui les crache dessus. Il ne veut pas de mensonges; il veut que ce Callum garde enfoui en lui refasse surface, de sorte à détruire davantage leur couple naissant et pourtant déjà ébranlé. « C’est ça que tu veux entendre? Alors oui. Oui c’était que du cul parce que ça me faisait plaisir de baiser un mec juste parce que mon père a passé sa putain de vie à m’enfoncer des idées conservatrices et arriérées dans la tête. Ça me faisait rire dans ma barbe », commence-t-il, lui aussi tout autant fâché. Il s’approche à son tour d’Achille; l’incendie se voit à travers ses yeux. La rage s’ancre dans le coeur de l’avocat; la frustration est la seule chose qui domine ses pensées, car toute autre émotion l'a déserté. « Tu veux entendre que t’es un objet, Achille. Tu veux juste que je te dise que t’es rien pour moi alors que c’est faux. Si y’avait pas eu l’accident, j’aurais regretté de t’avoir largué. Parce que putain, j’le savais que je commençais à t’aimer ». Et là, c’est Callum qui est à deux pouces d’Achille. Il le confronte, il n’a pas peur de lui. Son sang bouille, il n’a plus de contrôle sur ses paroles. « Ça t’amusait tout autant d’me baiser toi aussi, parce que tu baisais tout ce qui bouge et ne dis pas le contraire. Et si tu penses qu’aujourd’hui encore je me joue de toi, t’es vraiment con. », poursuivit-il. Il pousse Achille, parce que non, il n’a pas envie de le baiser. Pas en ce moment. « Non, j’te baiserai pas. Parce que tu fais chier. Tu connais pas ma famille, et tu cherches pas à comprendre », conclut-il. Il a juste envie de foutre le camp et de ne plus revenir.

La colère parle à sa place, il ne s'attend juste pas à cette réponse. C'est des mots qui sortent de sa bouche, c'est des mots qui parlent pour lui sans qu'il ne réfléchisse vraiment au sens, sans qu'il ne s'attende à ce que se soit la stricte vérité. Alors il s'arrête de respirer, parce que là, là, là, non. Les mots de son petit ami résonnent dans sa tête, et il se retient de ne pas éclater en sanglots. Il se sent terriblement sale d'un seul coup, c'est loin d'être agréable. « Je... Quoi ...? » D'un seul coup, Achille est calme, et c'est Callum qui prend la relève, qui s'énerve. Et dans le fond, peut-être qu'il mérite ce que lui dit Call. Il se sent minable, il est tellement vulnérable. Callum s'approche, mais Achille se recule. D'un seul coup, il est en train de construire un fossé entre eux. Le retournement de situation est présent, les hurlements sont de Callum, l’incompréhension est d'Ach. « Mais tu m'aurais largué. » Il souffle, il perd toutes ses colères, il est blanc comme un linge et c'est franchement difficile de s'imaginer que sans cet accident, ils n'en seraient pas là. Achille est comme soumis, les mots de Callum lui font affreusement peur parce que c'est faux. Quand Achille s'est rendu compte de ses sentiments, il a très vite arrêté ses conneries, donnant l'exclusivité à Callum secrètement. « Je baisais tout ce qui bouge avant que je te rencontre ! Je baisais jusqu'à que je réalise que j'étais en train de tomber amoureux de toi putain ! J'attendais que tes messages pour qu'on puisse enfin ne faire plus qu'un. » Sa voix est basse, ses mains tremblent. Il y a beaucoup trop d'information d'un seul coup. Et si Achille s'est dévoilé cette nuit, Callum le fait maintenant. « Alors on fait quoi ? On se cache toute notre vie dans mon appartement ? Parce que tu veux pas que ta famille apprenne pour nous, c'est ça ? » Il ose enfin affronter son regard, son coeur bat tellement fort. Il enchaîne, sans lui laisser le temps de répondre. « Moi, je veux pas rester coincer entre deux murs parce que t'assumes pas d'affronter ton père. Moi, j'ose croire qu'on peut, un jour, envisager quelque chose de plus gros. Moi, j'imagine déjà qu'un jour, je te demanderais ta main Call. » Il est tellement calme, mais parce qu'il se contrôle. Il sait que s'il ne le fait pas, il va éclater en sanglots. « Mais si... » La boule dans sa gorge l'empêche de continuer, alors il souffle un bon coup. « Mais si t'oses pas assumer notre relation, alors moi, je veux pas continuer. »

Callum n’est plus capable de voir clair tant qu’il est envahi par la colère. Sa tête, c’est un orage. On ne voit plus les rayons de soleil qui tentent désespérément de percer à travers la masse épaisse de nuage. Il est à la fois blessé, à la fois fâché et à la fois rongé par les remords. Il ne sait plus sur quel pied danser avec Achille, car quoi qu’il dise - vérité ou pas -, ça le fâchera. Alors il se joue la carte de l’honnêteté, sans filtrer ce qu’il dit, au risque d’envenimer la situation déjà très précaire. « Alors tu peux pas m’en vouloir d’avoir couché avec toi que pour aller à l’encontre des convictions de mon père. Car toi aussi c’était rien, au début », réplique-t-il en levant les bras dans les airs, ne comprenant pas d’où venait le reproche. Leur relation n'a pas commencé avec un intérêt mutuel. Tous les deux ne se fréquentaient que pour une seule et unique chose: s’envoyer en l’air. Callum ne lui a jamais caché cette réalité, ne lui a jamais laissé croire le contraire.
Le jeune avocat soupire, il ne sait plus quoi dire. Il ne sent démuni de mots, incapable de dire quoi que ce soit de rationnel qui satisferait la colère d’Achille. « J’ai jamais dit que j’lui dirais pas, merde », relance-t-il en haussant derechef la voix. Il n’en peut plus de cette engueulade stupide qui ne semble que tourner en rond. « J’veux juste pas lui dire maintenant, j’suis pas prêt », renchérit-il en baissant la tête. Il ne sait pas quand il aura la force d’affronter la colère de son père, mais il ne veut pas que ce soit maintenant, ni bientôt. Car il sait que les foudres qui s’abattront subséquemment sur lui seront violentes et le blesseront profondément. Il connait son père, il connait sa famille et il connait ce dont il est capable. Il n’est ainsi pas prêt à entrer dans ce terrain sinueux, car les risques de chute sont nombreux. Et ça, il veut qu’Achille le comprenne. « Je sais pas c’que tu veux que je te dise. J’ai l’impression que tu veux pas comprendre », termine-t-il en le fixant. Mais qu’il lui dise ce qu’il veut pour qu’ils en finissent.  

La tension est à son maximum. Achille a besoin de s'asseoir, il commence à souffrir de ses blessures, il commence à se sentir pâle. Sa main se pose par automatisme sur son torse, elle est froide, c'est censé rassurer ses blessures qui ne demandent qu'une seule chose, avoir une foutue pommade et des bandages pour que ça lui évite de trop souffrir. Il est blessé moralement, physiquement, et là, c'est finalement trop. Achille ne cherche plus à comprendre, se sentent lui-même incompris. Humilié, vexé, et blessé, il s'éloigne un peu plus de Callum. Il ramasse son jean qu'il enfile, parce qu'il commence à se sentir frigorifier. C'est pas qu'il veut pas, il n'y arrive pas, c'est aussi simple que ça. Alors... Alors Achille parle doucement, mais sûrement. « Part Callum. » Qu'on le laisse digérer qu'il n'était qu'une vulgaire expérience. Parce que Callum lui reproche de ne pas le comprendre, mais lui n'en fait pas non plus, d'effort. Il s'éloigne de lui, de plus en plus, laisse des morceaux de son coeur se disperser sur le sol. « Parce que si moi, je veux pas comprendre, comme tu le dis si bien, toi non plus tu ne comprends pas. » Il souffle une dernière fois. « Alors part de chez moi. » Il ne le laisse pas le temps, il se sent définitivement pas bien alors il part s'enfermer dans sa chambre vidant entièrement son estomac dans les toilettes. Il s'installe proche des toilettes, sa main sur ses oreilles. Il ne veut pas entendre la porte claquer, même si ça résonne dans son appartement. Il éclate en sanglots, se sent définitivement seul. Il ne sait même pas ce qu'il en est de son couple, mais là, c'est surtout le manque qui prend place sur tout son corps. Putain.