◥◤25 heures. 25 heures de solitude. 25 heures d'amertume.
Il est passé minuit et il a quitté la maison d'Achille depuis 25 heures. Il a vu ses sms, il a répondu et puis il a pleuré. Lester a pleuré un océan de détresse, une mer de désarroi. Tout seul, dans cette chambre, dans ce lit froid. C'était violent, c'était amer, c'était renversant. Tout a défilé dans son esprit, absolument tout : le rire d'Achille, ses expressions, sa gestuelles, ses mains, ses caresses, cette nuit, cette envie. Il s'est revu heureux, il s'est revu confiant. Lester était bien, un instant. Et puis, est venu le reste. Ses paroles cruelles, ses mots incompréhensibles. Ça fait encore mal, ça donne encore des nausées, ça donne encore envie d'abandonner.
Tout est flou. Il se frotte les yeux. Il a mal à la tête.
Son téléphone vibre. Son cœur rate un battement.
[22:04] coloc — j'rentre pas ce soir j'suis vraiment dsl [22:05] coloc — demain on s'fait une soirée play
Lester ne prend pas la peine de répondre. C'est la nuit, il a pas envie de parler avec son colocataire, probablement avec une de ses multiples partenaires. Il veut être seul. Il n'a appelé personne et ne compte appeler personne. Parce que Lester a honte. Terriblement honte. Honte de s'être fait avoir aussi bêtement, honte d'être un con, honte d'être si naïf et plein d'illusion. Il a rien vu venir, il a rien compris. C'était beau et l'instant d'après, c'était fini.
Il revoit la scène. Le sms. L'explication.
Pourquoi tu veux encore t'expliquer, Achille ? Qu'est-ce que t'as à dire de plus à Lester ? Tu veux le tuer un peu plus ?
Lester s'est calmé. Légèrement. Il sanglote plus, il pleure plus. Il essaye de penser clairement, sans s'embrouiller l'esprit. Il a tout fait pour parler sèchement à Achille. Achille, qui malgré tout cela, lui manque. Achille a trop d'emprise pour être oublié si facilement.
Lester a pris cinq douches dans la journée. Pour se laver. Pour retirer toute trace, tout contact du jeune homme sur sa peau. La première fois, il s'est griffé, il voulait tout effacer. Les fois suivantes, il voulait juste se noyer. Il voulait plus respirer, il voulait être libéré.
Au bout de 24 heures, il était vide. Vide de larmes. Vide de sentiment.
Il prend une inspiration. Il sort son paquet de clope. Il en saisit une dans sa main et -
— Merde ! jure-t-il brusquement.
Merde. Merde. Merde. Le briquet. Son briquet.
Son putain de briquet est chez Achille. Il se revoit le poser en arrivant parce qu'il jouait avec sur la route. Il se revoit vraiment très clairement le laisser sur la table de l'entrée. Il jure une nouvelle fois, il se retient de hurler. Non non non. C'est pas juste putain. Il veut pas y retourner. Il veut pas le voir, il veut pas le regarder, il veut lui parler. Il veut pas parce qu'il sait qu'il va craquer. Il sait qu'il va pas être fort, qu'il va pleurer, qu'il va pas réussir à s'échapper. Achille a trop d'emprise sur lui.
Mais c'est son briquet. Celui qu'il a depuis des années et qui lui rappelle trop de choses pour le laisser. Il jure encore une fois, il s'humecte les lèvres. Il a pas le choix, il doit y aller. Ses mains tremblent alors qu'il envoie un sms à Achille.
ll est passé minuit. Il a quitté la maison d'Achille depuis 25 heures. Et il demande pour y retourner.
C'est un cauchemar. Un cauchemar effroyablement réel.
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Les yeux dans le vide, le peu de lumière dans la pièce, il se retient de pleurer. Lester n'est pas là, et pourtant, il lui manque d'une telle force que ça devient ingérable. Il a arrêté d'aller se vider les tripes aux toilettes, il se tourne, tourne, et retourne, et pourtant, son odeur est là. Elle est partout. Achille a tellement besoin de lui qu'il n'a pas hésité à lui envoyer un message. Il a besoin de s'expliquer, quitte à lui dire toute la vérité. Lester pourra toujours le détester après, mais il aura la conscience tranquille. Parce qu'il l'aime, parce qu'il est amoureux, et qu'il ne veut pas le perdre. Pas lui. Pas son bébé putain. Il n'y croit pas, Lester est froid et distant. Achille a ce qu'il mérite. Sauf que son message, celui qui lui dit qu'il arrive, il n'était pas prêt. Son cœur s'est mis à battre, et les larmes sont descendues toute seules. Une chance. Il n'a qu'une seule et unique chance. Alors il se redresse, s'habille, et part dans la cuisine pour bouffer un truc, pour que son estomac ne soit pas complètement vide. La sonnerie se fait entendre, et ça lui brise le coeur parce qu'encore hier, il ne prenait pas la peine d'appuyer sur ce bouton. Non, il rentrait directement. Alors il lui ouvre. Son corps se met à trembler, et il se fait violence pour ne pas déposer ses lèvres sur les siennes, pour ne pas le prendre dans les bras. Il le laisse entrer, en silence. Refermant la porte derrière lui, il lève les yeux au ciel pour ne pas s'effondrer. Il n'en a pas le droit. Sa main récupère l'objet qu'il voulait récupérer sur le plan de travail, qu'il lui tend. Mais Achille n'en peut plus de ce silence. Alors... Alors quitte à avoir une chance, il la prend maintenant. Parce que Lester peut fuir à tous moment. « C'est vrai que je me tape - tapais d'autres personnes quand t'étais pas là. » Il commence, parce que quitte à être honnête et sincère, il désire le faire. Lester mérite toute la vérité. « Mais... C'est pas parce que tu ne voulais pas à chaque fois. C'est parce que quand t'es pas là, moi je suis plus là non plus. » Il ne sait pas où poser ses mains, alors il les dépose sur son tee-shirt. Il a honte de lui. « Quand t'es là, je suis vivant, t'es mon repère, tu vois ? Puis quand tu pars, tu me manques tellement que j'enchaîne les conneries. Parce que j'ai toujours été comme ça, jamais je n'ai eu des sentiments pour quelqu'un. » Il s'approche de lui, un seul et unique pas. « T'es mon repère, et j'ai besoin de toi dans ma vie. Parce que je suis réellement amoureux de toi. Je suis désolé, parce que je sais que t'as plus confiance, je sais que c'est difficile. Je suis désolé de t'avoir brisé, mais... » Ses yeux se posent sur les siens. Il est tellement beau bon sang. « Mais j'ai besoin de toi. Je ne recommencerai plus. J'ai besoin de toi Lester, et je sais que dans le fond, toi aussi. » ... Parce que je t'aime.
◥◤Sonnerie dans la nuit. Appel dans un cri. Un cri silencieux. Un cri comme un adieu.
Lester sonne. Sa main tremble, il hésite, il ouvre et referme son poing et ses longs doigts fins mais il finit par appuyer. Ça sonne, ça résonne et ça fait battre son cœur. Il a peur. Il a vraiment peur et il regrette brusquement d'être venu chercher ce briquet. Il se dit qu'il aurait plutôt dû l'abandonner, le laisser sur le côté comme Achille a fait avec lui. Il l'a mis dans un coin, il a refermé la porte sans se retourner et -
Achille ouvre la porte. C'est lourd de silence. C'est comme une longue absence.
Lester se racle la gorge, remarque immédiatement le briquet sur la table et le saisit d'une main qu'il veut certaine mais qui ne l'est pas. Raté pour cette nuit le coup du je m'en foutiste. Lester ne s'en fout pas. Au contraire, Lester est à des années-lumière de s'en foutre. Alors, il s'enfuit pas. Il reste sans un mot.
Et Achille parle. « C'est parce que quand t'es pas là, moi je suis plus là non plus » « J'ai besoin de toi Lester, et je sais que dans le fond, toi aussi » Ça se bouscule dans sa tête, ça se chamboule dans son cœur. Lester a peur.
Il a peur parce que ce qu'Achille dit, ça le touche en plein cœur. Ça lui donne envie de pleurer. Et merde, Achille, t'es chiant. Ses lèvres se pincent, ses yeux brillent. On lui a jamais dit ça. Jamais. Jamais jamais jamais. Pas aussi fort, pas aussi beau. Parce qu'Achille est terriblement beau, c'est une tragédie, un drame à la Shakespeare. Il ne peut pas partir. Il ne peut pas et pourtant, il y a toujours cette colère, ce remord intense d'avoir eu confiance en lui.
— Alors, on fait quoi ?
Sa voix tremble et il détourne le regard. Oui, on fait quoi ? Il veut pas répondre aux confessions d'Achille. Il veut pas lui dire « moi aussi je suis amoureux, moi aussi j'ai besoin de toi, moi aussi, je suis rien sans toi et c'est fou parce que c'est arrivé trop vite », il veut pas lui dire alors que c'est une putain de vérité. Il veut pas parce qu'Achille mérite pas que ce soit aussi facile. Lester a encore mal, ça le brise à chaque fois qu'il y pense, ça lui donne envie de vomir.
Il s'assoit sur un siège, il enfouie sa tête dans ses mains. Il sait pas quoi faire. Il est paumé.
— Achille, pourquoi t'as tout foutu en l'air ? (il laisse un silence, il se frotte les yeux, il se cache de nouveau le visage et sa voix n'est qu'un murmure) J'peux pas... j'peux pas imaginer quelque chose avec toi si tu es ailleurs, si t'en vois d'autres.
Il est tout petit, Lester. Il est tout fragile, tout minuscule sur ce fauteuil. Il voudrait prendre Achille dans ses bras, il voudrait l'entendre lui dire que tout ira bien. Il voudrait mais il a toujours cette trahison au fond de son esprit, ce sentiment qu'Achille a joué de lui.
Il laisse échapper un rire.
— C'est con parce que j'suis censé t'en vouloir à mort et pourtant là, j'ai besoin de toi.
Il a besoin de lui. C'est une évidence. Une évidence universelle. Et son univers, c'est Achille.
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Il est là, il est face à lui. Achille a tellement envie de le prendre dans ses bras que c'est difficile de se retenir. Sans son comportement d'abruti, ils n'en seraient pas là. Achille n'agit que pour lui, alors qu'il a besoin de cette relation. Pas parce qu'elle lui apporte quelque chose de positive, bien que cela soit agréable. Il a besoin de cette relation parce qu'il a besoin de Lester. Il a besoin de l'avoir contre lui, de dormir dans ses bras, d'être juste bien. La plus belle image qu'il a de son amant, c'est d'avoir pu le serrer dans ses bras après l'acte. Tout ça ne date de moins de deux jours, et pourtant, il a l'impression qu'une éternité vient de se passer. Sans ses messages, ils seraient resté dans le lit d'Achille, dans les bras, à remercier le ciel de ce bonheur qu'ils ont enfin réussi à avoir. Alors on fait quoi ? Cette question tourne dans sa tête, et une boule se forme dans son ventre. C'est angoissant, parce qu'il ne sait pas quoi penser. Mais Achille ne veut pas perdre Lester, bon sang que non. Achille a besoin de lui, alors Achille va faire les choses bien pour une fois. Il prend place sur la table du salon, face à Lester. Lester qui cache son visage grâce à ses mains. Achille souffle un bon coup, et doucement, ses mains prennent place dans celles de Lester. Il serre chacune de ses mains, qu'il sert fort. C'est le premier geste qu'il se permet de faire, et sa peau a un électrochoc. Parce qu'il retrouve son contact, parce qu'il a tellement besoin de cette complicité bon sang. Il le laisse sortir tout ce qu'il se passe dans sa tête, encaisse les mots. Ils n'étaient pas réellement ensemble, ils n'ont jamais parlé de la relation qu'ils partagent tous les deux. Et pourtant, cette sensation d'être infidèle le prend au dépourvu, et le bouffe doucement. Il voit ses larmes. Son coeur se brise en plusieurs morceaux, le remord et la culpabilité prennent place dans son esprit. « Maintenant... J'arrête les conneries. Si c'est pour te perdre, j'arrête. Si tu arrives à.... à accepter un véritable nous, il n'y a que toi. » Il commence, confiant. Sincère, mais en même temps, il sait qu'il va vraiment faire des efforts. C'est difficile de commencer quelque chose de nouveau, en promettent une fidélité qu'il n'a pas été capable de lui offrir jusqu'à présent. « Je veux... Je veux être avec toi, tu comprends ? Je veux... Je veux pouvoir te serrer dans mes bras avant de dormir et te voir à mon réveil. » Achille relève le menton de Lester, et, ses yeux croisent les siens. Ils pétillent, Achille murmure. « Je t'aime Lester. Et je veux être avec toi. » Il ne dit plus rien, son coeur bat tellement vite.
◥◤Contact. C'est un courant électrique. C'est une ivresse angélique.
Pourtant, aucun des deux n'est un ange. Ce sont des imperfections, des coups de pinceaux sur une toile qui s'est brisée en mille morceaux. Ils sont un peu ratés, un peu bâclés, ces deux garçons assis dans ce salon. Ils savent pas à quoi s'accrocher, ils savent pas comment se rattraper. Mais c'est fascinant, de les voir évoluer en même temps. C'est un peu comme deux papillons dans la nuit, ça vole, virevolte, ça s'éloigne puis ça revient. Ça revient car il y a de la lumière, une illumination d'espoir, une once de blanc dans ce qu'ils pensaient tout noir.
C'est étrange. La façon dont l'humain est fait. Lester se sent trompé alors qu'ils n'ont jamais été ensembles. Achille se sent coupable alors qu'ils n'ont jamais été ensembles. Ils n'ont jamais été ensembles mais pourtant, c'était le cas.
Moi aussi. Moi aussi, je veux être avec toi. Moi aussi, je -
« Je t'aime Lester. Et je veux être avec toi. » Arrêt sur image. Arrêt du temps. Arrêt de l'univers.
Lester écarquille les yeux. Il s'attendait à plein de trucs. Il s'attendait à des excuses, il s'attendait à un adieu, il s'attendait à des fautes et des ratures. Mais il s'attendait pas à ces trois mots, à cette phrase qui lui retourne le cerveau. Son cœur bat plus rapidement, sa gorge devient sèche.
Allez Lester. Arrête d'avoir peur. C'est chiant.
— Moi auss -
Sa voix part en vrille, c'est pathétique. Il tousse, entre l'éclaircissement de gorge et l'éclat de rire. C'est bête. Il est même pas foutu de lui répondre clairement. Leurs regards se croisent. Ce regard chocolat avec le regard de l'océan. Cette tempête sombre face au bleu de la mer. Il le détaille, il l'admire. Il regarde son sourire, ses lèvres qu'il meurt d'embrasser, cette peau qu'il veut tant toucher. Merde, Achille est devenu trop important. Va falloir qu'il s'y fasse.
Alors, il réalise. Et c'est tout transparent. Tout évident.
— J'suis égoïste et j'veux pas te partager, Achille. J'ai pas envie de te faire changer tes habitudes mais je suis pas capable de t'imaginer ailleurs, ça me rend fou.
Il se rapproche, lentement. Il faut pas gâcher le moment.
— Alors, pars pas.
Pars plus jamais. Jamais jamais jamais. Parce que quand tu pars, ça fait un bordel, ça fait un vide.
— Pars pas parce que je sais que quand t'es pas là, je... merde.
Il coupe la distance, il franchit la limite. Il dépose ses lèvres sur celles d'Achille et bon sang, c'est divin. C'est putain d'égoïste de demander Achille que pour lui mais c'est sa condition, sa façon à lui de marquer sa possession. Il arrête le baiser. Il plonge son regard dans celui d'Achille.
— Je t'aime.
Et silencieusement, il est possible de lire sur ses lèvres le mot « tocard ».
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« Soit égoïste alors. » Il murmure, parce que lui non plus ne veut pas le partager. Lui non plus ne veut pas le perdre. Il pourrait tuer la personne qui touche ce garçon, parce qu'encore une fois Lester est à lui. Et uniquement à lui. Il tient tellement à ce garçon que c'est invivable d'être loin de lui. Alors ouais Lester, soit égoïste, garde Achille pour toi, et uniquement pour toi. Parce qu'il n'est qu'à toi. « Je pars pas... » Il murmure. Non il ne peut plus partir, il a trop besoin de cette complicité. Puis Lester fait quelque chose d'incroyable, il fait quelque chose qu'Achille ne pense pas. Il l'embrasse. Et son coeur se met à battre, et son corps devient tout tremblant. Il s'accroche à ce garçon, ses mains s'accrochent à son tee shirt. Puis il lui dit. Les trois mots importants. Achille s'installe sur le canapé, à ses côtés, et dépose ses lèvres sur les siennes. Parce que Lester c'est son monde, c'est l'endroit où il respire. Ouais, c'est plus que ça, il est plus important que tout le monde. Il se promet de ne plus le perdre, de le garder pour lui toute la nuit, toute la vie. Ses bras entourent son cou, ses mains se posent sur sa nuque qu'il caresse, et il rapproche son visage de nouveau. Il a l'impression de vivre, et c'est tellement fort qu'il a les yeux pleins de larmes. C'est fort, c'est vraiment fort. Il est chamboulé, il n'a pas assez de mots pour expliquer ce qu'il se passe dans sa tête. Achille se promet de ne plus aller loin, dans ses gestes, dans ses contacts, dans ses baisers. Il se promet de laisser Lester décidait. Alors, il a recommencé le jeu, la partie, et cette fois-ci, il se promet d'atteindre le niveau final. Il y aura toujours des étapes difficiles, des obstacles, toujours. Et pourtant, s'il doit recommencer le jeu à zéro, il le fait. Parce que Lester, c'est plus qu'un jeu, c'est beaucoup plus. « Je suis désolé. » Distance courte entre ses lèvres, sa main caresse sa joue. Il s'excuse pour ce qu'il a fait, pour ce qu'il peut faire. Parce qu'il faut être con pour qu'Achille puisse croire à ça, puisse croire qu'il peut lui être fidèle. Achille est Achille, et même avec tout l'amour qu'il porte à ce garçon, les conneries seront là. « Alors je ne pars plus. » Il ose croire en ses mots. Il attire Lester dans ses bras, il ne le quitte plus. Plus jamais.
◥◤C'est comme un rêve. Tu sais que c'est un rêve, tu sais bien. Et tu sais que comme tout rêve, ça a une fin. Une fin brutale, une fin amère. Une fin au goût du sel de la mer.
Lester est égoïste avec Achille. Il lui demande de changer son comportement, il lui demande de le faire passer en premier, sur tous les plans. Lester est égoïste. Il ne compte pas changer lui, il ne compte pas être différent. Pourtant, il demande à Achille de le faire. Et c'est égoïste. C'est putain d'égoïste ce que tu fais Lester.
Son monde, c'est Achille. Mais il va détruire ce monde. Il va le détruire car il est égoïste.
Achille s'excuse. Achille dit qu'il ne part plus. Plus jamais.
— Achille, murmure-t-il alors qu'il est dans ses bras.
Il a besoin de dire son prénom. Il a besoin de se donner la confirmation que c'est la réalité et pas qu'une impression. Achille est là, à côté et tout ira bien. Tout ne peut qu'aller bien non ? Il essaye de s'en persuader. Lester, Lester, poussière d'étoile dans un univers bien trop grand pour lui. Lester, coincé entre ses rêves d'adolescent et son refus de devenir grand. Lester, mec paumé aux mille nuances colorées.
— Achille, répète-t-il et il laisse glisser ses doigts sur la joue du jeune homme, il savoure ce contact qui le rend totalement fou. J'peux te faire confiance ?
Je peux te faire confiance, n'est-ce pas ?
Lester veut faire confiance à Achille. Au fond, Lester fait déjà confiance à Achille. Malgré le plan cul, malgré tout ça, il fait encore confiance. Une confiance aveugle, une confiance qui fait peur. Lui-même a peur parce que lui-même ne sait pas où tout ça va. Il hésite, il tâtonne. Il est dans le noir et sa seule lumière, le seul truc qui l'éclaire, c'est Achille.
Il se racle la gorge. Il fuit du regard.
— Parce que... j'ai envie, tu vois ?
J'ai envie de te faire confiance, Achille. J'ai envie d'y croire.
Il se lève, il quitte les bras d'Achille. Il quitte ce cocon où tout va bien pur retrouver la solitude, cette solitude qu'il connaît si bien pour l'avoir côtoyé si longtemps. Il fait quelques pas, il met ses mains dans ses poches et il laisse traîner son regard sur cette pièce, cette pièce où il pensait jamais revenir.
« Et pourtant, je suis là » songe-t-il en laissant ses doigts glisser le long des meubles, effleurer les objets, caresser le bois. Il y a des photos, de gens dont il ne connaît rien, pas même un nom.
Lester ne sait rien d'Achille. Il sait son passé, il sait les raisons de ses cicatrices sur ce corps qu'il admire tant mais il est incapable de citer sa couleur préférée, de dire son film favori, sa saveur de glace qu'il choisit tout le temps. Il sait rien de ce mec à qui il fait confiance à cent pour cent.
— Qui est-ce ?
Il pointe du doigt une photo. Achille est à droite et le reste, des inconnus. Des inconnus partout, comme dans la vie d'Achille. Achille est pour Lester un texte, un texte à trou. Des parties manquantes dont il n'a même pas les premières lettres.
C'est comme un rêve. Et quand il va se réveiller. Ça va faire mal.
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Les choses ne se compliquent plus, une chose à la fois, mais tout rentre finalement dans l'ordre. Et pourtant, Achille culpabilise déjà de ne pas pouvoir honorer sa promesse comme elle se doit, parce qu'il se connaît par coeur, qu'il sait très bien qu'il va de nouveau faire de la merde. Il sait très bien que cette personne, celle qui est au centre des problèmes entre Lester et lui, sera la même pour les prochains. Mais pour le moment, il aime croire que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Lester a toute son intention quand il l'appelle, Achille caresse doucement sa joue, plonge ses yeux dans les siens et hoche la tête à sa question. Parce qu'il espère qu'il le peut en effet. C'est dingue, parce que Lester est tellement vulnérable, est tellement naïve. Le coeur du brun se compresse, ça lui fait affreusement mal et il se doit de le rassurer, juste parce qu'il mérite que quelqu'un prenne soin de lui. Puis, tant pis qu'Achille soit la mauvaise personne pour cette tâche difficile, il s'en fiche,il est presque honoré d'avoir cette place si particulière dans la vie de son copain. Parce que ouais, ils sont ensembles, même si ça n'a pas vraiment été clair, ils le sont. « Tu peux. » Il lui souffle. Puis Lester se lève, la bulle éclate, la vie reprend le dessus. Un sourire à la con se dessine sur les lèvres d'Achille, parce que bon sang, ils se sont échangé leurs sentiments. Il se perd dans les pensées, il sent son téléphone qui vibre dans la poche arrière de son jean, mais il ne décide pas de regarder le message. Plus tard, pas devant Lester, il ne veut pas se prendre une nouvelle fois la tête avec lui. Ouais, c'est mal ce qu'il est en train de faire, mais il n'arrive pas à faire autrement alors il gère les choses comme il le peut. Donc, certes il le fait mal, mais il n'y est pour rien. Il se lève, pour visualiser la photo de plus prêt. Un sourire nostalgique se dessine de nouveau sur son visage, alors que dans sa main se trouve une photo de ses camarades de l'armée. Il se souvient des circonstances de la soirée, ils avaient réussi à brio une mission suicidaire et ils avaient bien bu. Pourtant, il n'a plus aucune nouvelle alors qu'il était affreusement proche avec ses garçons. « Ce sont des amis qui étaient dans la même base que moi. Cette soirée-là, on était tellement mort. On s'est mis à chanter du Mcfly, avant d'avoir cette illusion d'ornithorynque dans une mare de banane. » Il rigole, parce que malgré les effets de la drogue, les souvenirs sont toujours là, il n'a jamais oublié des moments de joies comme ça. « Okay, on était vraiment défoncer. » Il approuve. Il lui tend la photo, pour qu'il puisse toucher le clicher. La photo est abîmée, parce qu'à chaque fois qu'il repartait, il avait avec lui ce souvenir. Juste pour les moments trop difficiles.
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