Clac!
Il n’avait pas fallu longtemps à Caitlin pour riposter. Cette porte qu’elle avait veillé à maintenir ouverte tout le long de leurs échanges houleux était désormais close. Dans la tête d’Ezra, il était clair qu’elle allait le rester un moment. Il n’y avait plus qu’eux deux et aucun moyen de se dérober. Bien que la possibilité de fuir soit maintenant écartée, le jeune homme ne se sentait pas pour autant pris au piège. S’il avait voulu s’éclipser pour mieux se préserver, il aimait tout autant glaner encore quelques minutes au contact de sa belle. Ce plaisir était-il partagé ? L’idée qu’il puisse sortir dans une pareille tenue semblait l’avoir profondément ébranlée. Il n’aurait pas osé lui faire un coup pareil, il n’avait rien à y gagner, mais elle n’en savait rien. A aucun moment Ezra n’avait tenté de détruire son parfait petit couple. C’était certainement pour ça que leur semblant de relation marchait si bien. Aucun engagement, aucune pression, le retour possible à la vie réelle. La vie réelle ? Existait-il un moment où Ezra se sentait plus vivant que lorsqu’elle posait sa main contre son torse ? Il en doutait. Mais tentait de se persuader du contraire…

Le contact de sa peau contre la sienne détruisait une à une les barrières qu’il tentait d’ériger pour échapper à son charme. Alors que Caitlin le poussait vers son bureau, le peintre n’était plus si sur de vouloir passer toute une après midi loin d’elle… Bien qu’elle lui eu ordonné de remettre sa chemise, il n’était plus si certain de vouloir la remettre non plus… Sentant le bureau de Caitlin contre l’arrière de ses jambes il arrêta sa course, elle en revanche ne lui emboita guère pas. S’il n’était plus tout à fait sous l’effet de la colère, la tension en revanche était tout à fait palpable entre les deux collaborateurs. Atmosphère chargée en électricité qui ne manqua pas d’arracher un léger sourire à Ezra. Sa main, dans une lenteur savoureuse, parcouru le chemin qui la séparait de la mâchoire du jeune homme, toujours immobile. Ezra savourait simplement cette caresse en songeant à toutes celles auxquelles il avait eu droit par le passé. Cette époque était révolue, mais un bon dans le temps ne lui était jamais désagréable.

Enfin, Ezra décida de briser le silence : « Et si… Et si j’en avais pas envie ? ». Sa chemise atterrit au sol comme pour illustrer ses propos. Sa main vint se calquer sur celle de Caitlin. « Et si j’avais envie d’autre chose ? »  Murmura-t-il. Avec une délicatesse infinie il entrelaçât ses doigts aux siens pour l’entrainer à faire un demi tour sur elle même. Elle lui tournait désormais le dos. Ses doigts quittèrent les siens et ses deux mains vinrent se poser sur ses épaules. Avec douceur ses pouces s’enfoncèrent dans la chair du haut de son dos. Les tensions dansaient sous ses doigts experts. Cette friction l’électrisait déjà. Il approcha ses lèvres de son oreille droite, et dans un souffle : « Et si… tu enlevais plutôt ça…? » Son index parcouru la couture de sa robe le long de sa clavicule. Sans attendre une quelconque réponse de sa part il s’empara de la fermeture éclaire pour la dé-zipper le long de sa colonne vertébrale. À mesure que sa peau nue se dévoilait l’excitation s’emparait de son être. Toujours dans le silence le plus total, et sans attendre l’approbation de Caitlin, les lèvres d’Ezra virent se déposer sur son cou telles une pluie de caresse. S’il s’écoutait elle serait déjà nue à l’heure qu’il était, mais cette attente ne rendrait leurs oaristys que plus délicieux… « Cailtin… »

Faible, tel est le mot pour la décrire. Depuis toujours, Caitlin s'est imaginé que le bonheur viendrait avec le contrôle, que seule la perfection viendrait la satisfaire. Repoussant les limites, exigeant toujours plus d'elle-même et des autres, elle espère enfin atteindre le summum de la perfection, ce nirvana qu'elle s'est promis toute sa vie. Chaque fois qu'elle pense toucher le bonheur du bout des doigts, il lui échappe. Pourquoi ? La barre ne devait pas être assez haute, alors elle pousse plus loin, cherchant à contrôler encore plus son entourage, sa personne, tout ce qu'elle peur influencer. Est-elle heureuse ? Sa petite vie est bien rangée, son affaire est grandissante, mais pourquoi ne ressent-elle pas plus grand bonheur que lorsque les mains de son amant s'aventurent sur sa peau nue ? Elle n'en sait trop rien.

S'abandonner, s'oublier, peut-être est-ce la solution ? Le bonheur n'est peut-être pas là où elle se l'est imaginé ? La fermeture éclair de sa robe est maintenant toute ouverte, elle sent les doigts d'Ezra l'effleurer, ses lèvres l'embrasser. Elle pourrait lui dire que c'est trop tard, qu'il y a une myriade de femmes qui doivent l'attendre, mais ces baisers sur son cou lui arrache un léger gémissement. Trop tôt vous direz-vous, mais la sensualité de ce geste mêlée à l'électricité de leur récent échange a raison d'elle. Il y a longtemps que Caitlin a compris qu'il ne servait à rien de résister à l'homme derrière elle; toute résistance entrainant seulement le retard de son abdication.

Depuis leur première rencontre à la galerie, leur premier moment en tête à tête, elle a su qu'elle ne pourrait plus se passer d'Ezra. Ne croyant pas au destin, la belle ne s'avance pas à dire que leur réunion est un signe de la vie, mais elle n'est pas prête à le dénier non plus. Ne pas trop se questionner, oui, c'est la solution. Bientôt, elle épousera... l'autre et il sera trop tard pour ses écarts avec Ezra.

Trop tard...

Son esprit s'embrumant, la blonde réussit à mettre de côté son éternel questionnement. On ne bâtit pas le monde avec des 'et si', il faut vivre, profiter du moment présent avant que la roue tourne et que les temps changent. Ce qu'elle sait, en cet instant précis, où les lèvres d'Ezra se posent à ce point si sensible juste son oreille et que ses boucles brunes lui effleurent la clavicule c'est qu'il n'y a que lui. Lui, elle, dans ce bureau, et personne d'autre. Ce qui s'est dit juste avant n'a plus d'importance, pour les minutes, heures, à venir: il est à elle. Elle est sienne, rien ne pourra changer cette réalité.

Soudainement entreprenante, animée par la folie du maintenant, la belle se retourne vers l'homme qui lui fait perdre la tête. Alors qu'il est toujours appuyé sur la tranche du bureau, Caitlin avance de quelques pas, se retourne pour lui faire face et glisse le délicat tissus de sa robe sur son épaule, l'habit se retrouvant au sol dans un bruit étouffé. D'un mouvement de pied, la tenue se retrouve plus loin, malmenée. Envieuse d'un contact plus intime, elle se rapproche d'Ezra, languissante du contact de son torse sur sa poitrine qui sera bientôt, elle l'espère, dénudée et délivrée de cette dentelle. Il ne lui faut pas bien longtemps pour que leurs lèvres se retrouvent, les baisers reprenant avec plus d'ardeur, animés par ce feu grandissant. Lentement, doucement. Caitlin passe une main dans le dos de son amant, y glissant ses ongles au passage, laissant sa marque volontairement cette fois. Il est à elle et elle veut en profiter tant que cet affirmation sera la réflexion de la réalité.

Interdite, Cailtin répond ait malgré tout à chacune des caresses prodiguées par Ezra. Un souffle, un frisson, un léger soupir et tout autant de réactions suite à l’assaut de ses lèvres dans le creux de son cou. Les paupières closes, Ezra inspirait encore et encore le parfum de sa belle qui hante ses nuits et guide ses jours. Dix années s’étaient écoulées et jamais il n’était parvenu à oublier cette odeur. La sienne. Cette fragrance qui l’avait obsédé cet été là tant il avait peur de l’oublier un jour. Ces notes fleuries qu’il avait pourtant voulu ne jamais avoir connu alors qu’il passait nuit et jour enfermé dans ce grenier à peindre jusqu’à en perdre la notion du temps. Il inspirait à en perdre la raison, à en oublier qu’elle n’était pas sienne, à s’imaginer qu’elle aurait pu l’être, à fantasmer sur ce qu’ils auraient pu devenir.  A nouveau il volait trop proche du soleil, et tel Icare il ne tarderait pas à y laisser ses ailes. Ezra semblait perdre tout sens commun au contact de cette femme. Cette femme qui pourtant lui avait lacéré le cœur et ébranlé si fort son âme qu’il avait songé ne jamais pouvoir s’en relever. Cette femme même se trouvait à nouveau dans ses bras, prête à s’y abandonner, mais pour combien de temps ?  Cette échéance le pourchassait jusque dans son sommeil… Malgré ces terreurs nocturnes qui le bouleversaient à chaque fois, Ezra ne pouvait se résoudre à prendre de réelles distances avec Caitlin. Un simple regard de sa part et l’angoisse de la voir disparaitre à nouveau de sa vie s’évaporait.

L’ire qui les avait animés, seulement quelques minutes auparavant, semblait avoir quitté la pièce et ne subsistait que de la tension entre eux. Un tout autre genre de tension… Si Ezra en voulait toujours plus, le simple fait de poser ses lèvres sur sa peau suffisait à combler ce vide qui s’installait à chaque fois qu’il s’éloignait d’elle. Sans crier gare, Caitlin se retourna pour lui faire face et suivit la suggestion d’Ezra en se délestant de sa robe, n’arborant désormais plus qu’un ensemble fait entièrement de dentelle et ses escarpins noirs. La respiration du jeune artiste s’en trouva légèrement altérée. Elle était à couper le souffle. Elle l’était toujours, à dire vrai. A cet instant précis, toute colère avait déserté les pupilles de sa collaboratrice pour laisser place à du désir. Sa belle réduisit l’espace qui les séparait pour venir se calquer contre son torse. Nulle autre sensation que celle de Caitlin blottie contre lui ne lui apportait un tel réconfort. La laissant faire, Ezra se contenta d’apprécier la douceur de ses lèvres contre les siennes. Les mains du jeune homme ne purent s’empêcher de se glisser dans ses cheveux, ressentant ce besoin incommensurable de la sentir toujours plus proche de lui. L’ardeur de ses baisers faisait monter la température et Ezra se retenait d’arracher à Caitlin ce qu’il lui restait de vêtements. Un profond soupir s’échappa de ses lèvres tandis que sa belle laissait parcourir ses doigts le long de son dos. La morsure de ses ongles sur sa chair le fit vaciller. Il voulait plus, il avait besoin de plus, et il aurait plus.

Ses mains migrèrent vers les hanches de sa partenaire en veillant à ne pas rompre une seule fois le contact de sa peau contre la sienne qui lui semblait vital à cet instant présent. Avec une facilité déconcertante il souleva la belle pour venir l’assoir sur le bureau et se positionner entre ses cuisses. Leurs lèvres ne s’étaient pas quittées et poursuivaient un ballet des plus fougueux tandis que le rythme cardiaque du peintre s’emballait à toute vitesse. Leurs souffles entremêlés trahissaient leur impatience partagée. Comme toujours, le silence était de rigueur. Ils étaient sous l’emprise de leurs pulsions respectives et avaient à cœur de les exorciser.


Ezra était animé par une urgence de la posséder. Une urgence de lui appartenir.