Un verre de plus, un de moins... Qu'est-ce que ça peut bien changer? J'étais assise ici depuis à peine une heure que déjà, j'avais perdu le compte. Je ne savais plus trop où j'en étais. La seule chose dont j'étais certaine, c'était que je pouvais en prendre encore malgré le léger étourdissement que je commençais à ressentir. Les murs tanguaient un peu, puis se stabilisaient à nouveau. Ça m'était égal, de toute façon j'étais assise. Il ne pouvait rien m'arriver, n'est-ce pas? En plus mon portefeuille ne souffrait pas trop. Ça, je ne me l'aurais pas permis. Ma famille avait besoin de cet argent, alors j'acceptais avec plaisir que le canon assis à mes côtés remplisse mon verre à ses frais. Il semblait espérer quelque chose le pauvre, mais je n'avais pas la tête à ça. Si j'étais entrée dans ce pub paumée, ce n'était pas pour me trouver une conquête. Quoi que... Tant qu'à être là, je pourrais peut-être gâter un peu ce type. Le récompenser pour sa grande générosité. De toute façon, j'avais bien besoin de me changer les idées. Mais avant, je devais me défouler un peu. Boire au point d'oublier toute cette merde, cette histoire idiote entre mon frère et le connard de voisin. Je venais à peine d'apprendre l'existence de leur relation que déjà, je la trouvait néfaste. J'aurais aimé pouvoir soutenir Zeke, lui dire de foncer et de s'accrocher, mais c'était tout simplement impossible. Parce qu'à chaque fois, Cory finissait par abimer un peu plus mon idiot de frère qui continuait de se laisser faire comme un bon petit toutou. Et ça m'enrageait de le voir ainsi. Ezekiel, le prodige de la famille, le seul qui aspirait à un grand avenir. Le plus fort de la fratrie qui se laissait abattre par le voisin. Ça m'enrageait, mais j'avais personne à qui en parler, parce que mon frère, il voulait pas aborder ce genre de sujet. Pas avec moi. Et lorsque je l'avais annoncée à Cassie, elle semblait beaucoup trop choquée. Prise par surprise, pas le genre de personne à qui se confier, alors je déversais mon flot de colère sur ce pauvre inconnu. Il avait décidé de s'asseoir auprès de moi sans savoir dans quoi il s'embarquait. Il m'offrait à boire et moi, je le remerciais en lui parlant de mes problèmes. N'importe qui serait parti, lassé de m'écouter parler ainsi, surtout que mon récit était de plus en plus flou. Toutefois, l'homme restait à mes côtés. Il était persévérant, je devais bien lui reconnaître ça. Il devait se douter que c'était déjà gagné. Sa récompense, il l'obtiendrait. C'était la moindre des choses après le temps qu'il venait de m'accorder.

« Et le pire dans tout ça, c'est que mon frère, Zeke - je t'ai parlé de lui, non? Biensûr que oui, j'arrête pas depuis tantôt. - Enfin bref, Zeke il arrête pas de retourner dans les bras de cet idiot de voisin. » Dis-je d'un ton plaintif avant de me retourner d'un mouvement vif pour observer les alentours. Je voulais simplement voir si les lieux s'étaient un peu vidés. Après tout, la soirée filait et à cette heure, je me disais que la plupart des gens étaient déjà repartis avec leur conquête. Mais j'avais tort. Au contraire, les lieux s'étaient remplis. La musique avait du attirer certaines personnes. Je devais le reconnaître, elle n'était pas mauvaise, pour une fois. Le proprio s'était surpassé ce soir. « En tout cas, ce Cory... » Commençais-je avant de connaître une tête brune parmis la foule. Difficile à manquer, la tête du bouclé dépassait celle de tout le monde. C'est qu'il était grand le voisin. Là-dessus, Zeke avait du goût, mais ça n'excusait pas son comportement. « Cory? » Demandai-je un peu plus fort, reportant entièrement mon attention sur mon cher voisin qui s'approchait du bar. Il m'avait vu, c'était certain. Tant pis pour le type qui m'accompagnait. D'ailleurs, celui-ci avait compris plutôt rapidement que sa chance avait tournée, puisqu'il s'éloignait déjà pour se diriger vers une autre fille. Tant pis.

Tu étais assis comme à ton habitude en bout de bar. T’aimes bien cette place, elle est en quelque sorte isolée, et te permet une vue d’ensemble sur tout l’établissement. Quand tu trainais là presque quotidiennement, elle était devenue ta place attitrée et personne n’osait s’y assoir en ton absence ou alors te la rendait disponible à ton arrivée. Aujourd’hui, c’est un peu différent, tu n’es plus ce pilier de bar vissé à son tabouret. Depuis que tu es avec Zeke, tu t’es partiellement calmé de ce côté-là, et tu as un peu perdu ce statut qui semblait privilégié. Tu t’en contrefiches, ça t’importe peu, mais t’es bien content que ce soir, elle était là, vide, disponible pour toi. Tu t’es assis là, pensant prendre un verre ou deux et puis rentrer, t’avais pas prévu à la base de t’éterniser. Tu sors pour t’occuper l’esprit et essayer de ne pas trop penser à ton homme qui t’évite, mais c’est peine perdue. Plus encore que tu reconnais dans la foule, une tête blonde que tu ne connais que trop bien : Joelynn Freeman. T’étais prêt à partir, à rentrer te morfondre dans ta chambre ou éventuellement te prendre les coups de ton paternel encore une fois torché. Mais en l’apercevant, tu ne peux t’empêcher de vouloir la surveiller. Peut-être qu’à un moment t’iras même la voir, essayer d’avoir des nouvelles de son frère par elle, puisque lui refuse de te répondre. T’es pas stupide, tu sais bien qu’il y a de fortes chances pour qu’elle te remballe, mais après tout, elle est celle qui t’a appelé à la rescousse en voyant son frère sombrer, avec un peu de chance… Tu ne décolles pas de ton tabouret une heure durant, enchainant les bières. Tu attends, l’observant, jusqu’à ce que l’alcool te donne le courage d’aller la voir. Tu te fiches bien qu’elle semble en bonne compagnie et que tu vas très certainement la déranger avec sa future conquête du jour. Y’a que toi qui t’intéresses. Alors tu te lèves, fini ta dernière pinte de bière cul sec et vas vers la jeune femme. Elle est dos à toi, ce qui explique qu’elle, elle ne t’a toujours pas remarqué. Mais alors que tu t’apprêtes à l’interpeler, tu entends sa conversation, tu captes la fin de sa phrase, et même si elle ne prononce pas ton prénom à ce moment-là, il n’y a aucun doute qu’elle parle de toi. Venant de sa part, tu te serais attendu à un terme bien plus méchant que le terme idiot, mais ça tu t’en fou, elle peut te traiter de connard, ça ne t’atteint pas. Non, ce qui te fou en rognes, là tout de suite, c’est qu’elle ose parler de Zeke et toi à un parfait inconnu. D’où elle se permet de parler de toi comme ça, elle a pas encore compris que t’es pas prêt pour ça. Déjà qu’elle t’a balancé à Cassandre et que ça t’a fait royalement chier.

Tu n’as qu’une envie dans l’immédiat, c’est de l’étriper. Tu vas la tuer. Mais penser à la réaction de Zeke si tu touchais à sa sœur te retient. Tu fais demi-tour, enfin tu dévies ton chemin et décides de partir. Tu sais que ça vaut mieux, tu n’as pas envie que ça dégénère, pas avec Joe, c’est la petite sœur de ton mec et la meilleure amie de ta sœur, tu t’en voudrais. Parce que oui, t’es capable de ressentir de la culpabilité parfois, même si t’es pas spécialement fan de le montrer. Tu traverses péniblement la foule. T’as horreur quand c’est bondé comme ça. Enfin non, d’ordinaire, ça ne te dérange pas, c’est juste aujourd’hui. Tu t’arrêtes net et fais volte-face. Non, tu ne peux pas ne rien lui dire. Il faut quand même qu’elle sache que ça ne te plait pas. Tu fonces vers elle et prends une profonde inspiration en chemin pour te faire descendre un peu la tension, histoire que ça ne clash pas trop vite. « Oui, c’est bien ton idiot de voisin. » Et pan, comme ça elle comprend directement que tu as entendu sa conversation, enfin un bout de conversation. Et elle va vite comprendre aussi que ça ne te plait pas. « Balancer ma vie privée à ma sœur ça ne t’a pas suffi, faut en plus que tu balances MA vie à un parfait inconnu. Tu ne peux pas t’occuper juste de ton cul ? » Bon OK, tu y as été probablement un peu fort, et puis ce n’est pas que ta vie dont elle parle, mais celle de son frère aussi. Peu importe, elle n’a pas à parler de vous à n’importe qui. « Franchement, tu crois que ça ferait plaisir à Zeke que tout le monde connaisse nos problèmes, non, je ne pense pas. T’as de la chance d’être sa sœur… » Tu retiens de terminer ta phrase. Rien que de parler de ça, tu sens que ça t’énerve encore plus et tu ne veux pas aller trop loin, alors tu te tais et gardes tes mains bien enfoncées de le fin fond des poches de ton jean.

« Oui, c’est bien ton idiot de voisin. » Oups. J'étais prise la main dans le sac. J'aurais du me sentir honteuse, avoir envie de prendre mes jambes à mon cou, mais ce n'était pas le cas. J'avais consommé beaucoup trop d'alcool pour m'en faire à propos de ma gaffe. Pour moi, ça n'avait pas d'importance. Cory se trouvait juste en face de moi et je voyais en lui comme un punching ball sur lequel je pourrais me défouler un peu. Bien mieux que cet inconnu qui se contentait de m'écouter patiemment en attendant de passer aux choses sérieuses. Mais pour l'instant, ma tête tournait beaucoup trop. Je pris donc le temps de me relever lentement, m'appuyant au tabouret le temps que la pièce cesse de tourner. Bref délai qui laissa assez de temps à mon voisin pour enchaîner : « Balancer ma vie privée à ma sœur ça ne t’a pas suffi, faut en plus que tu balances MA vie à un parfait inconnu. Tu ne peux pas t’occuper juste de ton cul ?  Franchement, tu crois que ça ferait plaisir à Zeke que tout le monde connaisse nos problèmes, non, je ne pense pas. T’as de la chance d’être sa sœur… » Aouch. Mais attendez... Ne venait-il pas de me menacer? Si je n'étais pas la soeur du mec qu'il se tapait quand ça lui faisait plaisir, il m'aurait fait quoi? Il m'aurait frappé? Laissez moi rire. S'il y en avait un des deux qui doit frapper l'autre, ça devrait être moi. Je  m'étais peut-être échappée ce soir, mais lui, il s'amusait à briser le coeur de mon frère. Aux dernières nouvelles, c'était lui l'hypocrite, la tapette qui ne s'assumait pas. S'il ce connard avait vraiment aimé mon frère, il aurait du être prêt à tout pour lui. Faire face aux gens, ça aurait été un minimum, non? « Fais moi pas chier, Cory. » Commençai-je en faisant mon possible pour rester polie et surtout, pour ne pas me frustrer d'avantage, chose qui demandait beaucoup de concentration vu mon caractère. J'avais tendance à sauter rapidement aux conclusions, à m'en faire trop pour des choses ridicules et à réagir un peu trop violemment face aux événements qui me contrariaient. Et cette rencontre me contrariait énormément, tout comme le traitement qu'infligeait ce connard à mon frère. Il prétendait l'aimer, mais il n'avait même pas assez de couilles pour le montrer aux autres. « Tu sais très bien que c'était un accident pour ta soeur. Et ça te fait quoi que je parle de vos problèmes? Qu'est-ce que tu peux bien en avoir à foutre de ce qui ferait plaisir ou pas à mon frère? » Raté. Moi qui voulait rester le plus calme possible... Je venais de faire un pas en direction du brun, plus du tout gênée par les effets de l'alcool. Ces derniers étaient loin de s'être dissipés, surtout vu la vitesse à laquelle je sentais la colère monter en moi, mais au moins, la pièce s'était stabilisée. « De toute façon, tu ne l'aimes même pas. T'es tellement égoïste que tu t'en fiche des sentiments de Zeke. Lui il ferait tout pour toi. Mais toi... » Je voyais rouge. Je n'avais même plus conscience de ce que je disais, ni de ce que je faisais. Je ne sentais même pas mes poings qui se serraient de plus en plus, au fur et à mesure que je parlais. De toute façon, c'était déjà trop tard. Je ne pouvais plus m'arrêter, ça avait toujours été comme ça. Incapable de gérer ma colère, défaut qui m'avait souvent causé bien des problèmes et qui était probablement sur le point de m'en causer encore. Mais ça m'était égal. « Si tu l'aimais vraiment, tu te battrais pour lui. Et si tu l'aimes vraiment, c'est que tu es encore plus lâche que ce que je croyais. Franchement! Si t'as réellement un problème avec moi, ne te retiens surtout pas sous prétexte que tu te soucies vraiment de Zeke. »

Tu pensais passer une soirée tranquille. Tu ne t’imaginais pas tomber par hasard sur Joelynn en train de déblatérer ton histoire avec son frère à un parfait inconnu. Et pourtant, le fait est qu’elle est là, dans un état probablement encore plus avancé que le tien en termes d’alcoolisation. Elle est là et ça te fais bouillonner de l’intérieur, de l’entendre raconter vos problèmes de couple à un mec qu’elle ne connait probablement que depuis cinq minutes. Tu t’en fiches pas mal qu’elle t’insulte, ça t’en as l’habitude, et c’est mérité de toute manière, mais tu ne veux pas de problèmes, alors tu te décides à quitter l’établissement. Mais c’est sans compter sur ton caractère de merde et ta fierté mal placée, tu fais demi-tour pour aller lui parler quand même. Tu sais pertinemment que c’est une très mauvaise idée, que cela ne va mener à rien de bon, mais tu ne peux t’empêcher. Et bien évidemment, tu es tout, sauf tendre quand tu t’adresses à celle qui est censée être ta belle-sœur. Le ton de ta voix est agressif et tu lui fais comprendre que tu te retiens parce qu’elle est… elle. La réponse tout aussi cinglante de la miss ne se fait pas attendre. T’es pas étonné le moins du monde. Tu la connais suffisamment bien, Joelynn, pour savoir qu’avec son caractère assez similaire à celui de ta sœur Cassandre, qu’elle n’allait pas se taire. Tu n’en attendais pas moins d’elle de toute façon. Mais cela n’empêche en rien sa réponse de te mettre encore plus en boule contre elle. « Sérieusement, un accident Joe ? Je suis certain que tu l’as fait exprès, t’as décidé pour moi quand le dire à Cass. » D’un côté, tu peux comprendre, ça l’obligeait à mentir à sa meilleure amie, mais quand même, c’était à toi de le faire, pas à elle et ça, tu vas avoir du mal à passer outre. L’inconnu, au final, tu t’en fou, il ne sait pas qui t’es, il ne connait pas Zeke et tu te contrecarres éperdument de ce qu’il peut bien penser de tout cela. Mais pas ta sœur. OK, elle semble avoir pris la nouvelle pas trop mal, hormis le fait de l’avoir appris de la bouche de Joe et non pas de la tienne. Tu ne pensais pas qu’elle accepterait ça comme ça et ça te soulage de la savoir de ton côté.

La blonde en face de toi te sort de tes pensées en s’avançant vers toi, alors qu’elle continue de te cracher à la figure tout ce qu’elle pense. Tu t’en doutais bien, mais jusque-là, elle ne t’avait jamais rien dit comme ça, aussi ouvertement. C’est dingue ce que l’alcool peut désinhiber les gens quand même. Heureusement pour toi, t’es pas aussi ivre qu’elle, sinon ça partirait probablement comme elle finit par te le suggérer. Oui, t’aurais bien envie de lui en coller une, juste pour la faire taire, mais non, tu ne le feras pas, c’est juste hors de question, et ce n’est pas seulement parce qu’elle est la petite sœur de Zeke. « Je ne te frapperais pas Joe. Je ne frappe pas les femmes. Je suis peut-être un idiot, un connard, un égoïste, un lâche ou tout ce que tout voudra en termes péjoratifs, mais ça, non. » Tu subis trop de coups à la maison et même si tu te laissais facilement emmener dans des bagarres entre mecs dans les bars, à l’école ou ailleurs avant, tu n’as jamais, absolument jamais touché une femme de cette manière-là. Et à priori, tu ne comptes pas commencer avec la miss Freeman aujourd'hui. « Tu ne sais rien de mes sentiments, tu ne sais rien de moi, tu ne sais rien tout court. Alors, mêle-toi juste de ce qui te regarde, ça me fera des vacances. » Ça t’agace, aucun ne semble ne vouloir comprendre que tu fais tout ça POUR Zeke, et t’en as marre de te justifier. T’as déjà dû dire à Alexee et Tal pour le chantage que ton paternel te fait, la menace qu’il fait planer sur ton homme, hors de question de le dire aussi à Joelynn. De toute façon, vu la grande gueule qu’elle a, elle trouvera le moyen de rétorquer quelque chose, et de te dire que ça ne justifie pas ton comportement, comme Ezekiel et les autres. Et toi, t’as qu’une envie, leur crier : BORDEL, MAIS VOUS NE SAVEZ PAS DE QUOI IL EST CAPABLE ! Sauf qu’une fois n’est pas coutume, tu fermes ta gueule. Parce que là, t’es dans un lieu public, et c’est bien la dernière que tu veux qui se sache, c’est que tu te fais battre par ton père et que t’es incapable de lui tenir tête.

T’es tellement exaspéré de la situation, que tu ne t’es pas rendu compte que tu t’es toi aussi, avancé encore un peu plus vers la blondinette. Tu as le visage fermé, tendu et les poings serrés. Tu ne comptes pas la frapper, ça te permet seulement de te canaliser pour t’empêcher de le faire. Cependant, tu ne peux t’empêcher de la provoquer un peu plus encore. Tu ne peux pas juste laisser les choses où elles en sont et partir, comme tu avais prévu de le faire au départ. « Mais vas-y, je t’en prie, défoule-toi, il semblerait que tu as besoin d’un punching-ball, là tout de suite. Je vois que tu en meurs d’envie, allez lâche-toi. » Tu dois être un peu maso sur les bords pour l’inciter de la sorte à te frapper. Comme si tu ne prenais déjà pas assez de coups au quotidien. M’enfin, vu ce que tu es capable de supporter venant de Jacky, tu sais d’avance que les petits poings frêles de Joelynn ne te feront pas grand mal, par rapport à ce que tu endures quotidiennement. « Tu attends quoi ? Je sais que tu attends que ça depuis longtemps. » Et tu avances encore, te retrouvant seulement plus qu’à quelques millimètres de son visage. Tu ne sais pas trop ce que tu espères, ce que tu attends de cette confrontation, c’est stupide, tu es stupide.

Franchement, je n'avais jamais vu de type aussi buté! Ce connard ne voulait rien comprendre et il m'en voulait tellement, qu'il ne devait même pas écouter mes excuses. Ou du moins, ça devait rentrer par une oreille et ressortir par l'autre, puisqu'il venait à peine d'insinuer que j'avais fait exprès de révéler la vérité à Cassie, chose qui était complètement fausse. Si je m'étais échappée ainsi, c'était purement accidentel. Le fait de devoir garder ce secret avait beau être compliqué, surtout que ça impliquait de devoir mentir à ma meilleure amie, mais je n'étais pas aussi idiote! Je m'étais tout simplement échappée après avoir reçu un message texte de la part de Zeke. Mon acte n'était nullement prémédité et je ne savais pas comment le faire comprendre à mon idiot de voisin. C'était probablement une cause perdue, mais j'étais aussi têtue que lui, alors je ne pouvais m'empêcher d'insister à chaque fois que le sujet était ramené sur le tapis. Je m'apprêtai donc à le contredire pour la millième fois, mais mon élan fut coupé brusquement par Cory qui me sortait de nouvelles paroles ridicules. Que je sois une femme ou pas, ça ne changeait rien, il pouvait bien me frapper s'il le souhaitait. Au pire, ça me donnerait une raison de plus de répliquer. Et ça, il le méritait amplement avec tout ce qu'il infligeait à mon frère. J'avais beau ne pas tout comprendre, ne pas tout savoir, comme il me le rappelait si bien, ça ne changeait rien à l'opinion que j'avais de lui. Pour moi, les choses étaient simples. S'il aimait vraiment mon frère, il serait supposé faire tout ce qui est en son possible pour être avec lui. Il ne devrait pas avoir honte de ses sentiments, ni se cacher derrière un faux mariage pour faire plaisir à l'arriéré qui lui servait de père. Et de toute façon, je ne comprenais pas pourquoi il s'empêchait d'aimer à cause de son géniteur. Surtout qu'il n'avait jamais été le père de l'année. Normalement, Cory aurait du se foutre de son avis et se battre pour Zeke, pas s'écraser à nouveau devant un homme qui ne s'était jamais vraiment occupé de lui. En agissant comme ça, il le faisait passer lui avant mon frère et ça, c'était simplement ridicule. Juste pour ça, j'aurais pu le ruer de coups et d'insultes. Personne ne s'en prenait à mon frère. Mais, malgré tout, je refusais de lever la main sur lui. Après tout, il en avait déjà assez bavé, puis je savais que Zeke m'en voudrait, alors je préférai m'éloigner, tout simplement.

« Mais vas-y, je t’en prie, défoule-toi, il semblerait que tu as besoin d’un punching-ball, là tout de suite. Je vois que tu en meurs d’envie, allez lâche-toi. » Ajouta Cory, alors que je m'apprêtai à faire demi-tour. Pas besoin de me le redire deux fois. Cette simple invitation avait suffit à me faire sortir de mes gonds. Au pire, si mon frère était fâché, je n'aurais qu'à lui dire que c'était lui qui m'avait prié de le faire. Je restai donc sur place plutôt que de m'éloigner, tandis que mon voisin s'avançait encore. Je profitai donc de l'élan de son mouvement pour lui coller mon poing au visage. Le coup était parti tout seul, peut-être même un peu plus fort que je ne l'aurais voulu. Mais de toute façon, il savait encaisser, le petit. Il devait avoir reçu pire de la part de son père. Et merde... Mais qu'est-ce qui m'était passé par la tête? Maintenant que je voyais le regard horrifié de Cory, je regrettais mon geste. Je n'aurais pas du franchir cette limite, surtout pas avec lui qui vivait déjà un cauchemar à la maison. Des coups comme celui-ci, il devait en endurer plusieurs par jour, tout ça pour protéger ses soeurs. Pour protéger Cassandre. Et merde...

Dégoûtée par moi-même, je reculai de quelques pas, ne sachant trop quoi faire. M'excuser? Ça me paraissait ridicule vu l'ampleur du geste que je venais de commettre. Et surtout, hypocrite. Qui s'excusait après avoir frappé son ennemi en plein visage? Sauf que justement, Cory n'était pas mon ennemi... Je lui en voulais d'infliger de tels souffrances à mon frère, mais pas à ce point là... Et je le connaissais depuis toujours. Il était mon voisin depuis ma naissance et jamais je ne l'avais vu se montrer gratuitement méchant ou violent. Puis il avait toujours été là pour Cassie et même si c'était loin de me plaire, il savait comment rendre mon frère heureux malgré tout. Il ne méritait pas ça et mon geste n'allait aucunement aider la situation... « Et merde... » Murmurai-je, toujours un peu sous le choc de ce que je venais de faire. J'avais frappé Cory, mon connard de voisin, celui qui se démenait à chaque jour pour le bien de ses soeurs, celui qui se faisait battre par son père... Et je me sentais terriblement coupable. « Je... je suis désolée, je ne voulais pas. Non. Je voulais te frapper, j'en avais envie, mais... Je n'aurais pas du. Tu méritais pas ça... » Mes excuses étaient ridicules, voir pitoyables, mais je ne savais que dire d'autre tellement mes pensées étaient confuses.

Tu ne sais pas ce qu’il te passe par la tête à provoquer Joelynn de la sorte. Tu ignores pourquoi tu as besoin d’aller tester ses limites. C’est d’autant plus stupide qu’avec l’alcool que vous avez ingurgité tous les deux, elle plus que toi, c’est prendre de gros risques à vous chercher comme ça. Quelle que soit l’issue, peu importe celui qui franchira la limite, tu sais que Zeke vous en voudra. Et c’est en partie cette pensée qui te permet de résister à l’envie qui démange tes points. Tu ne peux pas te le permettre, mais t’arrives pas pour autant à t’empêcher de la chercher comme le crétin que tu es. Tu la provoques encore. Tu l’incites à plusieurs reprises à te frapper. Tu t’avances vers elle pour te retrouver plus qu’à quelques millimètres de son visage. T’es vraiment un lâche Cory. Pousser une fille à te frapper parce que toi tu ne peux pas le faire, par principe et par peur de perdre définitivement ton homme. Parce que tu sais très bien que si tu touches à sa sœur, Ezekiel ne te le pardonnera jamais. Alors tu fais tout pour qu’elle frappe la première, comme ça au pire, si tu n’arrives pas à te retenir de répliquer, t’auras une excuse, tu te défendais. Piètre excuse à vrai dire, t’es même pas capable de le faire face à ton père. Et puis tu culpabiliserais trop de l’avoir frappée. Non, il ne faut pas que tu la touches. Seulement, la réaction de la blonde ne se fait pas attendre, et son poing t’arrive en pleine face. Tu vacilles un peu en arrière et machinalement, tu portes ta main à l’endroit de l’impact. Bordel, elle a bien plus de force que tu ne le pensais. Tu la regardes, choqué de la violence qu’elle a mise dans ce coup. T’as pris bien pire venant de ton père, il t’en faut bien plus pour te mettre à terre. Mais tu ne t’attendais pas à ce qu’elle soit capable de te faire perdre ton équilibre comme ça. « Putain, t’es balèze ! » Tu ne sais pas trop si c’est un compliment ou non, t’es juste surpris. T’es là sans bouger, la fixant de ton air ahuri alors qu’elle prend du recul. La surprise passée vient l’humiliation. T’es profondément vexé, tous les yeux sont braqués sur vous. Tu ne dis rien et avances, la poussant assez fortement, plus que tu ne l’aurais voulu, pour la dégager de ton chemin. « C’est bon je me casse. Pousse-toi de là ! » Tu as cette fois-ci, bien l’intention de te tirer de là, de rentrer chez toi et probablement ne plus en sortir avant très longtemps. Enfin jusqu’à ce que tu ais à reprendre le travail. T’as trop besoin de cet argent, tu ne peux te permettre de louper ne serait-ce qu’une journée.

T’avances vers la sortie, mais la voix de Joelynn te retient. Tu ne délires pas ? Elle est en train de s’excuser. Enfin pas réellement s’excuser, mais ça te touche quand même. Bien qu’elle n’ait absolument rien à se reprocher, tu l’as bien cherché. C’est toi qui l’as provoquée. Tu reviens vers elle. « Ne t’en fais pas, je ne t’en veux pas. T’as eu raison de le faire. Je ne l’ai pas volé. » Si tes paroles semblent gentilles, le ton de ta voix reste assez sec. Tu ne fais pas dans les sentiments, tu peux te montrer sympa, mais tu ne sais pas y mettre les formes. La niaiserie, c’est pas ta came. En lui parlant, tu sans un liquide chaud couler près de ta lèvre et tu te rends compte que tu saignes du nez. T’étais tellement sous le choc que t’avais pas encore remarqué. « Et merde… » Tu regardes Joe, t’as le regard probablement plus noir vers elle que ce que tu aimerais qu’elle voit, mais merde, elle ne t’a pas loupé quand même. « Putain, tu ne m’as pas loupé. Tu fais de la boxe ou quoi ? » Parce que oui, t’ignores que c’est réellement le cas. Si tu l’avais su, jamais tu ne te serais amusé à la provoquer comme ça. T’es maso peut-être, un poil suicidaire en te laissant marcher dessus par ton géniteur, mais t’aurais jamais agi comme ça en sachant qu’elle avait cette force-là. Tu ne t’imaginais pas un seul instant qu’elle serait capable de t’infliger des dégâts, certes minimes, mais quand même. Tu l’as clairement sous-estimé la miss Freeman. « Tu m’excuses, je vais aller nettoyer ça. Attends-moi au bar, commande-nous de la tequila frappée, je te rejoins. » Tu lui montres ton nez ensanglanté avant de t’éclipser vers les toilettes pour nettoyer avec une serviette et de l’eau froide, en espérant que ça cesse rapidement de couler. Si tu lui as proposé ce verre, c’est parce que tu veux enterrer la hache de guerre. Pour Zeke, pour Cassandre. Tu te doutes que vous ne deviendrez probablement jamais amis, mais si vous pouvez éviter de vous étriper chaque fois que vous vous croisez, ce serait déjà pas si mal.