Faisant volte-face, il étira son bras et appuya sur sa télécommande pour verrouiller les portes de sa luxueuse audi. Il enjamba les quelques marches qui menaient vers la porte d’entrée de l’immeuble et appuya sur la sonnette pour annoncer son arrivée. Une voix retentit, l’invitant à entrer. Il se rendit donc, armé d'un bouquet de fleurs et d’un beau sourire, jusqu’à la porte de l’appartement de sa soeurette. Cela faisait plusieurs fois qu'ils songeaient à se voir, elle et lui. Il savait qu'ils avaient beaucoup de sujets à couvrir étant donné les rares fois où ils s'étaient réellement parlé et confié par le passé. Tant de choses s’étaient produites depuis son départ à Londres et il savait que même s'il refusait de se l’avouer, il avait besoin de parler, d’extérioriser les sentiments qui le rongeaient depuis si longtemps. Il avait l’impression que ses entrailles se gangrénaient, prêtes à se détacher de son corps. Ses expériences passées avaient fait de lui une toute autre personne. Il était jadis un homme plutôt fort de caractère qui avait une joie de vivre malgré les quelques éléments qui rabaissaient son moral. Sa relation avec Anna l’avait démuni de toute force. Il n'était plus tenace, il n’était plus charismatique, il n’était plus confiant, il n’était plus heureux. Il se sentait comme un rien. Le verre n’était pas à moitié vide; il était complètement sèche. Son coeur était le Sahara qui attendait une pluie qui ne s’abattrait jamais.

Lorsqu'il arriva devant la porte, celle-ci était déjà grande ouverte et sa soeur était là, tout sourire. Il lui tendit les fleurs et ils se firent une chaude étreinte. Sa soeur et lui s'étaient beaucoup texté ces derniers temps et il sentait qu’une rigide amitié était en train de se construire entre eux. Il était bon de voir que les tirades entre frère et soeur n’étaient que du passé et qu'ils étaient enfin suffisamment matures pour profiter du lien familial qu'ils avaient la chance de partager. « Je suis passé devant le fleuriste et je me suis dit que ton moral en aurait bien besoin », lui dit-il alors lorsqu'ils se décollèrent l’un de l’autre. C’était la première fois qu'il voyait l’appartement de sa soeur. Il ne l’avait vu qu’à travers des appels vidéos. C’était incroyable de se dire qu’elle vivait ici depuis déjà quelques temps et que ce n’était que la première fois qu'il y mettait les pieds. « Ça sent incroyablement bon, que cuisines-tu? », lui demanda-t-il en se rendant dans la cuisine, suivant l’appel de la douce effluve qui s’y émanait.

Si autrefois la vie de Caitlin avait été réglée au quart de tour, ce n'était plus le cas depuis un moment. Elle n'était pas dupe, elle la sentait, toute cette tension dans l'air qui lui donnait l'impression que l'orage allait éclater. Pourtant décidée à s'en prémunir, elle ne savait comment faire pour s'y préparer, ne sachant pas ce qui allait voler en éclat en premier. Pour le moment, elle vivait surtout dans le déni. Le déni du mariage à venir, le déni du départ brusque de Caleb, le déni de sa relation avec Ezra qui s'effritait de plus en plus... Le déni total. Et elle le vivait bien, on aurait dit. Du moins en apparence, rien n'était visible sur l'état précaire de sa vie, veillant à ne mettre la puce à l'oreille à personne. Non, il ne fallait pas que personne sache que sa vie n'était pas parfaite, elle en crèverait. Sauf que Caitlin savait que ses longues nuits sans sommeil auraient bientôt raison d'elle, alors elle avait invité son seul allié qui lui vouerait du support inconditionnel dans ce monde: son frère. Lui aussi semblait avoir rapporté certains démons dans sa valise depuis Londres, alors si elle pouvait l'idée à s'en libérer, la blonde serait totalement partante. « Entre, je t'en prie » répondit-elle à son frère une fois qu'il toqua à la porte de sa jolie maison. Son sourire s'illumina à la vue des fleurs, comme un petit moment de bonheur qu'elle ne savait pas trop apprécier au quotidien. C'était un rappel que tout son monde n'allait pas s'effondrer, que Callum serait toujours là, à moins qu'il ne soit victime, lui aussi, des foudres de la future mariée... « Je fais cuire des pâtisseries pour la prochaine exposition, si tu veux je t'en donnerai quelques unes. » Répondit-elle, tout en invitant son frère à passer au salon. « Je reviens, je vais mettre ces superbes fleurs dans l'eau. » Elle huma le bouquet et passa à la cuisine, revenant quelques minutes plus tard avec un plateau sur lequel trônait un thé à la menthe pour elle, et thé noir pour son frère. « Alors, comment vas-tu ? » débuta la blonde, après avoir porté sa tasse à ses lèvres. À vrai dire, elle se doutait bien que son cadet trainait lui aussi ses blessures, et elle était bien décidée à l'aider à s'en défaire, ou du moins, l'aider à se délester d'un poids ouvrant une discussion propice aux confessions.

Sa soeur semblait heureuse de le voir, et le sentiment était réciproque. Callum attendait impatiemment cette soirée depuis qu’elle avait été prévue. Il se languissait de pouvoir voir un visage qu’il connaissait bien, une personne à qui il pouvait parler de tout, même les sujets les plus obscures. Même s’il n’aimait pas extérioriser ses sentiments, le jeune homme savait qu’il avait un besoin de parler qui le tiraillait. La douleur qu’il enfouissait au fond de lui était trop lourde. Il n’y avait plus de place pour la joie, plus de place pour les rires, plus de place pour rien mais que les remous du passé qui le torturaient à chaque instant. Il avait besoin de faire un trait sur les éléments de sa vie qui lui causaient autant de mal, lui coupaient sa respiration. Callum avait besoin de sortir sa tête de l’eau s’il désirait éviter la noyade. Et comme un corbeau qui guettait sa proie mourante, la noyade l’épiait des yeux, ne cherchant que le bon moment pour l’amener dans la noirceur des ténèbres. Sa soeur était la seule source de lumière dans sa vie à cet instant même, car rien ne lui souriait. Le besoin de se remettre sur ses pieds était imminent; il avait attendu trop longtemps pour s’ouvrir, se confier. Et peu importe la difficulté qui accompagnait les confessions, il devait les surpasser, rester fort.
Ses narines se laissant guider par la douce odeur des créations culinaires de sa soeur, il plaça son visage devant le four où cuisaient des petites merveilles. « Je fais cuire des pâtisseries pour la prochaine exposition, si tu veux je t'en donnerai quelques unes », lui répondit sa soeur. Callum ne put s’empêcher de laisser échapper un « hmm… » à la vue des petits cupcakes dont l’effluve emplissait l’ensemble de l’appartement. Derrière lui, sa soeur lui demanda comment il allait. Callum se tourna vers elle et soupira, ne sachant pas par où commencer, ni même s’il devait entrer dans le vif du sujet à cet instant. Il n’était pas du tout doué pour les relations interpersonnelles. C’était un peu différent dû au fait que c’était sa soeur et qu’il savait qu’il pouvait tout lui dire, mais il n’était aucunement habitué à se confier. À vrai dire, il s’agissait de la première fois qu’il s’apprêtait à libérer les tourments qui grondaient en lui depuis si longtemps. « Je… Pas vraiment, mais on en discutera plus tard », lui répondit-il finalement, incapable d’aller plus loin dans la conversation. Il était faible, ça il ne le se cachait pas. « Et toi? », enchaina-t-il immédiatement, n’attendant pas que sa soeur lui répondît.