« Maybe I'm foolish, maybe I'm blind »

caitlin & caleb

Huit jours. Huit jours que je suis là. Huit jours que j'évite tout contact avec les autres, ce que Jules appelle les autres sont mon père, Caitlin. Il réduit ces deux personnes à un seul mot, très péjoratif, surtout dans sa façon de le dire. Je soupire et regarde mon téléphone. Caiti a encore essayé de me joindre. Je n'essaie même pas de me demander pourquoi. J'ai fermé une partie de me pensées. Je n'ai pas envie de savoir ce qu'ils pensent de moi, je sais que je suis un lâche. Je fuis toutes mes responsabilités. Et ce n'est que le début. Il est temps que je prenne une décision. Et que je m'y tienne. D'après Jules, il est temps que je sache ce que je veux. Sauf que je ne sais pas ce que je veux. Je suis bien sûr allé bosser, mais j'évite le paternel. Je préfère pas être en contact avec lui et je pense qu'il l'a compris. Cependant c'est une autre affaire quand il s'agit de mon « chez moi » je n'ai toujours pas eu le courage de m'y rendre. Pourtant j'ai besoin d'affaire. Izzy a bien voulu me dépanner en y allant, mais bien sûr, elle a pris que quelques trucs. J'avais surtout pas prévu de m'éterniser chez Jules. Sauf qu'étrangement, je m'y sens bien, je me sens bien à ses côtés. Je ne sais pas si c'est le fait de le retrouver, ou alors d'échapper à toute cette atmosphère. J'ai l'impression d'être libre de mes mouvements. De mes gestes surtout. Mon téléphone s'allume. Jasper. Lui. Toujours lui qui me procure un sourire. J'ai l'air d'un idiot à sourire ainsi. On ne s'est toujours pas vu depuis ce moment dans la voiture. Ce moment où il a appris que j'étais « fiancé » ce que je suis toujours… une boule se forme autour de mon estomac. Je suis toujours lié à Caiti. Je ne sais pas si c'est bien ou pas. J'ai reconnu à Jules que je ne pense pas l'aimer comme elle le mérite. Ce mariage n'est pas pour moi. Je ne suis pas le prince qu'elle attend. Sauf qu'entre le dire et le faire. Il y a une grosse marche manœuvrable. Une fois que je lui aurais parlé, que je lui aurais dit ce que j'ai sur le cœur, tout deviendra réel… C'est peut-être ça qui m'effraie dans le fond. Que tout devienne réel. Je n'en sais rien. Tout ce que je sais à ce moment précis, c'est que je n'ai plus de chaussettes propres et s'il n'y avait que les chaussettes. Je souffle, résigné à me rendre au domicile dit « conjugal » je n'ai pas le choix. Je regarde l'heure, si ma mémoire est bonne, et dieu sait qu'en ce moment elle me fait défaut, Caiti doit être à la galerie. Oui, je compte l'éviter. C'est mal, je suis un lâche, je le reconnais. Je ne suis pas encore prêt à l'affronter. Pas encore prêt à savoir ce que mon avenir me réserve. Il y a encore quelques mois, semaines, tout était tracé pour moi. Et d'un coup tout a volé en éclat. Je me sens largué au bord de la route. Ne sachant pas quoi faire. Je souffle à nouveau, attrapant mes clefs, regardant le chien. Il est temps que je me bouge. Que je sache ce que je veux, pas vraiment, même si dans le fond, je le sais. J'ai juste envie d'être comme eux. D'être comme Jules, Lucas. D'avoir ce sentiment en moi. Ce bien être. J'ai envie d'être heureux tout simplement, c'est pas ça que je recherche l'humain avant tout ?

J'hésite un instant. Je rentre ou je ne rentre pas. La maison n'a pas changé, en même temps, je m'attendais à quoi ? Elle reste telle que je l'ai quitté y a un peu plus d'une semaine. Il est temps que je prenne mon courage à deux mains. Sa voiture n'est pas là. Je n'en ai pas pour longtemps. Je prends mes affaires et je repars. Tel un lâche, je fuis le conflit. J'ai toujours détesté ça. Alors pourquoi me jeter dans la gueule du loup ? Je ne sais pas si un conflit m'attend avec Caiti, je m'en doute juste. Quel personne prendrait bien le fait que son fiancé l'évite, qu'il quitte le domicile et l'évite ? Une personne censée péterait un câble et je redoute ces remarques. Je pense que c'est ça qui m'effraie le plus, ce qu'elle va me dire et me retrouver face à son regard. Je vais la faire souffrir et ça me fait plus de mal que je le pensais. Je n'ai peut-être pas les sentiments que je devrais à son égard, mais je tiens à elle. C'est une belle personne, qui a compté dans ma vie, nous sommes peut-être bien mieux en tant qu'amis qu'en tant que couple. Le rôle d'amant, ne nous convient pas. Il n'y a pas un bruit à la maison, je me faufile dans ma petite pièce, attrape un sac, ma guitare, quelques bouquins, cds et direction la penderie. Je ne sais pas vraiment de quoi j'ai besoin. Du strict minimum. Rien de voir ce dressing j'ai envie de partir en courant. Je prends sur moi et attrape des costumes. Malheureusement dans mes changements, mon travail est toujours là. Une chose à la fois, je ne suis déjà pas prêt à confronter Caiti. Alors pour le boulot ça va attendre. Un raclement de gorge me fait sursauter. Je me retourne, le sac sur le lit, mon costume à la main. Elle se tient là. Devant moi. Les bras croisés sur son torse. Je déglutis. Je l'avais pas vu venir ça. J'ai l'air pitoyable. Le lâche pris en flagrant délit. Je n'ose plus bouger. La main toujours suspendu, le costume au bout. Le sac ouvert laissant voir mes affaires. Mon regard se bloque sur le sien… « je … désolé. » finis-je par lui dire. Désolé pour quoi ? Tellement de chose. Je ne sais juste pas par où commencer. Et je me sens tellement … con. Oui c'est le mot. Merci Jules.

 

« Maybe I'm foolish, maybe I'm blind »

caitlin & caleb

Ma vie me glisse entre les doigts. Je ne saurais expliquer comment, parce que je ne savais pas jusqu’à tout récemment ce qui m’arrivait, certaine que ce que j’avais acquis professionnellement et sentimentalement ne pouvait m’être retiré. J’ai une carrière florissante, une jolie maison, le respect de mes pairs, un fiancé aimant, un amant passionné… Aujourd’hui, mes relations avec les deux hommes de ma vie se sont effritées à un point tel que je redoute ma rencontre avec eux. Mais à quoi je pensais aussi ? Que je pourrais avoir un amant même une fois que je serais mariée ? Comme si tout m’était dû ? La vérité est que je n’ai jamais réellement pu envisager ma vie sans Ezra depuis qu’il a passé le cap de ma galerie il y a presque un an. Sauf qu’il est partit, pour de bon cette fois. Pour un simple malentendu que je n’ai pas réussi à relever, consciente qu’il me rendait service en quittant lui-même ma vie pour me permettre d’être complètement heureuse avec Caleb. Parce que c’est supposé être lui, l’homme de ma vie, lui qui me donne des papillons lorsqu’il me lance un doux regard et pour qui mon être faiblit au moindre contact. Il devrait être le seul qui habite mes pensées, mais oh, nous sommes tellement loin de cette image de couple parfait que je me suis amusée à entretenir des années durant. Je le considérais comme mon meilleur ami, celui qui serait toujours là pour moi, même quand j’allais dans son dos abuser de sa confiance, il était là quand je rentrais, le soir, à des heures plus qu’indécentes. Il n’a jamais remis ma dévotion à notre mariage en question. Je ne mérite pas un homme aussi gentil que lui, et lui ne mérite pas quelqu’un qui le traite avec aussi peu de respect que moi… Sauf que sans Caleb, mon univers s’effondre. Je suis consciente d’à quel point je sonne égoïste en cet instant. Je base mon bonheur sur mon besoin d'être avec deux hommes, sans être capable de me complètement m'engager avec l'un ou avec l'autre. Je sais que mon problème me vient de là, que je suis incapable de me contenter d'une relation où d'une autre, l'idéale étant que la personne avec qui je m'apprête à passer ma vie soit l'union parfaite de ce que j'ai avec Caleb et Ezra. Mais non, ce n'est pas le cas, et plutôt que de trancher, je me laisse bercer par toutes les incertitudes de ma vie, consciente que tout va éclater d'un moment à l'autre. Déjà, mon fiancé préfère passer du temps avec son frère que dans notre maison trop grande, trop vide, trop... froide. Et je ne peux que le comprendre, alors que je m'éternise de plus en plus à la galerie, bien au-delà des heures d'ouvertures, repassant les dossiers plus de fois que nécessaire, dans le seul but de m'occuper l'esprit pour tenter d'oublier le chaos qui règne dans les autres sphères de mon existence. Outre Miranda, je n'ai adressé la parole à personne depuis quelques jours, envoyant tous mes appels à ma boite vocale, prête à me saisir du combiné seulement pour parler à mon artiste, mais lui aussi m'évite comme la peste depuis notre « rupture. » Puise-je vraiment qualifier la fin de notre entente charnelle comme une rupture ? Nous faisions l'amour, baisions, dans mon bureau, c'était tout ! Du moins, pour lui, parce que pour moi c'était clairement plus que de simples moment d'égarement sur le chemin de la luxure. Lasse de mon esprit qui divague, je ferme mon ordinateur, alors qu'il est déjà tard, décidant de rentrer chez moi. Je crève d'envie d'avoir de la compagnie, je supportant plus le silence pesant qui s'est installé dans ma demeure au cours des derniers jours, mais je me force à garder la tête droite alors que j'en passe le seuil plus tard dans la soirée. Un bruit m'attire à l'étage, ce qui me fait figer pour quelques instants. Peu encline à reculer, je décide de prendre mon courage à deux mains et d'aller voir. Si on m'attaque, je pense que cela sera récompensé comme un service rendu à la société, ou à moi-même du moins. Mes doigts poussent la porte de ma chambre et je vois Caleb, un costume à la main. Je croise les bras sur ma poitrine et lui signale ma présence d'un faible raclement de gorge. Ça le stop, le fige dans son élan, et je vois au regard qu'il me jette qu'il aurait tout donné pour ne me pas me croiser ce soir. « je … désolé. » Je souffle, baissant le regard. Je serre un peu mes poings, malheureuse que ma simple vue suffisse à apeurer mon fiancé. Lentement, je m'avance dans la chambre qui devrait être notre espace à nous, mais mes yeux qui balayent la pièce ne trouvent aucune trace de Caleb ici. Comme dans le reste de la maison d'ailleurs. « Tu vas où ? » Je lui demande, mon ton se voulant chaleureux, mais mon intonation est froide, comme à l'habitude. Mal à l'aise, je viens prendre place sur le lit, près du sac de Caleb, alors que lui n'a toujours pas bougé. J'aimerais que l'on parle, que l'on mette fin à ce malaise, cette tension entre nous, mais je ne sais pas comment aborder le tout sans débuter cette conversation par une joute verbale dénuée de tact.