le trottoir, le lieu de travail. la pluie qui a cessé de tomber. comme une bénédiction à sa soirée. la soirée de nana, une soirée de travail. parce qu'il en est ainsi. chaque soir, chaque nuit. dans l'obscurité d'une rue. la brune habillée bien trop légèrement. par n'importe quel temps. qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige. peu importe. nana, elle doit montrer ses atouts. nana, elle doit aguicher. le sourire aux lèvres. faux sourire. parce qu'elle n'est pas heureuse d'être là, nana. même si elle doit paraître. être forte, être belle. se taire et seulement écarter les cuisses. ce trottoir, sa place. l'endroit où elle ne bouge pas. jamais. sauf pour faire ses passes. seulement pour ça. de vingt-trois heures à cinq heures. parfois plus tard, ou plus tôt. tout dépend de la nuit. tout dépend si elle a bien travaillé, ou pas. la russe, toujours sur ses gardes. les flics, les fous. la russe qui guette la rue. scrutant le moindre bruit. nana, en état d'alerte constant. toujours. parce qu'elle a été élevée ainsi, nana. parce qu'elle exerce depuis dix ans maintenant. son quotidien, sa vie. la seule chose qu'elle sait faire, nana. sa place, son endroit. personne d'autre. et, ses clients, qui savent où la trouver, nana. les habitués. ceux qui la connaissent depuis longtemps. le bouche à oreille qui aide, aussi. nana, elle fait les cent pas sur sa place. là où aucune autre fille ne viendra. parce qu'elle s'est fait un nom, nana. parce qu'elle est la russe qui dit oui à tout. oui si les billets vont dans ce sens.
l'oreille tendu. le son qui émane d'un peu plus loin. il y a quelques notes. la mélodie perçu. douce, envoûtante. la brune se permet un écart. quitter sa place. pour quelques secondes seulement. pour pouvoir entrevoir le musicien. le féliciter peut-être. elle s'arrête, net. devant lui. l'inconnu qu'elle reconnait. celui qui hante son esprit depuis plusieurs jours. voire semaines peut-être. elle ne sait plus nana, depuis quand. combien de temps qu'elle le cherche. elle sourit. reste immobile devant lui. elle attend qu'il termine son morceau. envoûtée par l'inconnu. lui ou sa mélodie, elle ne sait pas. perturbée. nana, elle ne voit pas le temps passer. nana, elle perd la notion du temps. elle reste là, immobile. elle ne bouge pas. une statue.
t'as une clope ? il s'est enfin arrêté. elle, elle s'est avancée. elle a même déposé une pièce devant lui. en ajoutant une parmi tant d'autres. la même question que la dernière fois. cette fois où il a décidé de fuir. mais, nana, elle ne le laissera pas partir cette fois. non. hors de question qu'il s'échappe encore une fois. elle a un sourire sur ses lèvres, nana. taquine. nana, elle s'installe à côté de l'inconnu. assise contre un mur, à quelques centimètres de lui. une proximité déroutante.