Tourner en rond. Je ne faisais que ça, sauf quand je me prenais un coin de meuble quelque part. J’avais du mal à m’y retrouver. Des angoisses et des peurs à gérer. Comme tout le monde sans doute. J’aimerais pouvoir m’en sortir, mais c’était compliqué. Quelques jours, quelques semaines de cécité, cela m’aurait pu me convenir, j’avais beau demander au médecin de m’apprendre que dans peu de temps j’allais revoir, que j’allais pouvoir vivre ma vie. Mais non. Ce n’était pas la peine d’user ma langue pour cela. Si seulement mon impossibilité de voir le monde qui m’entourait était la seule chose qui me dérangeait, mais ce n’était pas que ça, ma grossesse, une grossesse pas désirée et en plus de cela que je ne pouvais pas assumer, mais avorter était une chose totalement impossible pour moi. Je m’en doutais même que si j’avais été violée, j’aurais sans doute gardé le fruit de cette aventure forcée. J’étais lasse de la situation, tournoyant toujours dans mon appartement, je repensais aux mots de ma cousine, grimaçant un peu tout en ruminant à la fois. Adopter un chien d’aveugle ? J’étais censée trouver cela où ? Je devrais être puni d’être aussi fière. Oui, peut être qu’un peu d’aide serait la bienvenue, mais l’avouer ? Non merci. Je n’étais pas si fière, mais la confiance que je pouvais porter aux autres étaient bel et bien complexe à donner. Dans le noir, j’avais la sensation de devoir toujours me coucher pour dormir, ce fût-ce que je fis pendant les premiers jours, jusqu’à ce qu’une infirmière tente de me faire bouger les fesses. Dormir, j’étais telle un ours en pleine hibernation, mais je ne devais pas oublier que je devais vivre. Voilà ce qu’on m’avait dit, mais autant dire que c’était bien plus facile à dire qu’à faire. Me repérer dans le néant voilà ce que je devais faire, je n’étais pas la seule dans cette situation si alambiquée. Je n’étais peut être même pas la plus à plaindre.  Un pas puis un autre. Aie. Bon sang. Le meuble avait-il changé de place ? Ou étais-je encore trop près de ce dernier ? Autant opter pour la version où mes meubles seraient vivants. Arrivant jusqu’à la porte d’entrée, je tâtais la porte ne cherchant pas la poignée, mais mon téléphone pour malvoyant. Exprès pour moi. Superbe. Je caressais ce morceau de plastique me permettant pourtant de réussir à m’en sortir pour appeler qui que ce soit. Je composais le numéro des renseignements. Écoutant cette musique d’attente qui résonnait dans ma tête, je réfléchissais à ce que j’allais faire et surtout si j’allais le faire. Je toussotais un peu finissant par avoir quelqu’un au bout de l’appareil. Finissant par avoir ce que je désirais je laissais mon interlocuteur raccrocher. Restant près de la porte et le téléphone en main, je tentais d’écrire un message, mais  je n’étais pas sûre d’avoir bien fait les choses. Alors quand mon téléphone se mit à sonner en m’annonçant le message de réponse de ma meilleure amie, je souris en secouant la tête ressentant comme une sorte de fierté d’avoir réussi cet envoi.  Marchant en traînant les pieds pour être sûre de ne pas me ramasser au sol, je cherchais à atteindre le meuble à chaussure. Fallait que je parvienne à trouver la paire de chaussure. Tout était rangé de telle façon que je puisse ne pas ressembler à une folle dehors. Cela m’était déjà arrivé au tout début de sortir avec des vêtements complétement insensé et des couleurs totalement contradictoires. L’horreur. J’aimais bien la mode, mais ce temps-là était sans doute fini pour moi, à quoi bon après tout, je ne voyais pas la face que j’avais. Je ne voyais plus rien.  Les baskets enfilés, je vérifiais à nouveau que j’avais bien une rainure et non un autre nombre, à ce moment-là j’entendis la sonnette. «   J’arrive !  » Que je m’écriais tout en marchant le plus lentement possible jusqu’à cette dernière l’ouvrant dès que j’eus la poignée dans la main.   «   Bonjour, vous pouvez m’aider à aller jusqu’à la voiture ?  » Que je disais montrant ma canne tout en laissant un sourire se forger sur mes lèvres. Il me guida, mais peu confiante, je ne faisais que marcher lentement tentant de bien vérifier qu’il n’oubliait pas de préciser une marche ou autre. En voiture. Je sentais mon ventre se nouer comme quand j’étais enfant et que la balançoire montait et descendait, je me sentais bien seule. L’homme étant venu me chercher ne parlait pas et je ne savais quoi dire, alors je déposais ma tête contre la vitre, je sentais la fraicheur de cette dernière tout en sentant des larmes me monter. J’avais horreur de cette obscurité qui était mienne depuis un moment maintenant. Je me sentais nauséeuse, mais je n’eus pas le temps de réfléchir plus que je venais d’arriver au centre de dressage pour chien. Je savais qu’ils avaient des chiens guide à proposer, alors j’allais tenter d’en avoir un, histoire de prouver à mes proches que je pouvais me dépêtrer de tout cela par moi-même.  Sortant de la voiture, j’entendais directement mon prénom ce qui m’arracha un sourire. «   Jenna c’est toi ?  » Je faisais semblant de ne pas savoir que c’était elle. Je connaissais cette voix par cœur et depuis bien longtemps maintenant. «   Tu vas bien ?  » Je sentais une main se placer dans la mienne.

Ma vie était assez complétement en bordel. Bon cela faisait quelques mois maintenant que je m’habituais à ces deux changements draconiens que j’avais dû subir à mon accident. La cécité et la grossesse, le plus compliqué était forcément l’inconnue de la grossesse et des enfants. Des questions à ce niveau-là parcouraient pas mal mon esprit. Comment allais-je gérer les enfants plus tard avec ma cécité. En fait, les deux ensembles étaient pas mal angoissants. Mais, j’allais réussir à m’en sortir, je voulais y croire et j’avais raison. La preuve, je venais de ne réussir rien que dans le fait d’envoyer un message grâce à mes touches en brailles sur mon téléphone. Ce n’était pas rien, un grand exploit, même si cela pouvait paraître ridicule. Je venais de prévenir ma meilleure amie pour lui donner un rendez-vous à l’endroit où là de suite j’avais envie d’aller. Pas de boutique. Non, juste un endroit où les chiens étaient testé pour devenir chien guide. J’avais hâte de rencontrer mon chien, aucune idée de qui j’allais avoir, une femelle, un mâle ? J’allais le savoir dès que j’y serais, pour le moment j’avais attendu que le taxi arrive. Une fois le taxi présent, j’étais parvenue à monter dans ce dernier grâce au chauffeur, certains étaient plutôt sympas, comme toujours, j’aurai aimé pouvoir regarder le paysage défiler sous mes yeux, sauf que je n’y parvenais pas. Trop compliqué à vrai dit. Je mordais un peu ma lèvre, car cela me faisait de la peine, comment réussir à se souvenir de certaine chose. J’avais peur que mes souvenirs hauts en couleur me manquent, me délaissent comme une pauvre petite feuille tombé de sa branche. Cette idée était effrayant, oublier la beauté des choses, car e n’arrivais pas à graver correctement ce que j’avais auparavant vu. J’aurais voulu être prévenu de ma cécité pour pouvoir mémoriser parfaitement ces choses que je ne prenais pas le temps d’apprécier. Le sourire d’un ami, les mimiques de ma famille … mon dieu que cela me faisait peur d’oublier ces choses. J’aurais presque eu le temps de repasser en revu chacune de ses peurs étant nées en même temps que ma nouvelle situation, j’étais sûre que d’autre peur serait capable d’arriver en court de chemin, j’espérais que non. Enfin, j’étais arrivée à l’endroit que je devais me rendre. Entendant mon prénom dès que la porte du taxi avait claqué pour se refermer, j’eus un sourire reconnaissant fort rapidement la voix de mon amie. Je laissais ce sourire fixé sur mon visage. Ma main était rejointe par la sienne, souriant doucement, alors que je commençais directement à lui demander comment elle allait. C’était dingue à quel point la main chaleureuse de ma meilleure amie me rassurait, me faisait un bien fou, c’était comme un morceau de chocolat fondant dans ma bouche, laissant mes papilles en euphorie appréciant le moment. « Oui ça va ! » Si je voulais être honnête autant dire que c’était coup ci coup ca au final au niveau du morale, mais je n’allais pas tout dire maintenant, puis je voulais juste passer un bon moment. Je hochais un peu la tête à sa question. « Oui, allons trouver la merveille que je vais accueillir. » Que je lui disais en souriant, alors que je gardais ma main dans la sienne, je sentais les petits mouvements et gestes qu’elle faisaient pour me guider, laissant mes pieds traîner parfois, c’était compliqué d’avancer en aveugle généralement, alors quand on l’était surement, on avait toujours énormément de mal à trouver des repères, pour ne pas se dire qu’on allait tomber à la seconde prés. « Sinon tu as des choses à me raconter ? » Que je lui demandais en laissant un sourire se dessiner sur mon visage. Rentrant avec Jenna’ à l’intérieur du bâtiment, je laissais toujours ma meilleure amie me guider, laissant toujours mon sourire aux lèvres alors qu’une voix vint à nous. « Bonjour, vous venez pour trouver un chien guide, c’est ça ? » Je hochais la tête avant de répondre. « Oui, je voudrais trouver un chien pour m’aider ! » Que je réponde alors que la jeune femme venant de nous parler nous demandait donc de la suivre.