Quatorze heures. Fin de la journée de travail. La belle vie, pourrait-on dire. Oui. Je prends la direction domicile couvert de peinture jusque dans les cheveux. J’avais commencé ma journée à cinq heures du matin et il était grand temps de mettre un terme à cette large matinée très, très, très productive. Le contact sur ma moto, le casque vissé sur la tête, je file à toute allure depuis Leeds pour rejoindre le quartier de Raventhorpe dans Dewsbury. La route est agréable, sans encombre. Je pourrais presque la faire les yeux fermés. Les autres habitants ont déjà déserté le secteur, rejoins leur petite vie tranquille ou leur boulot plaplan. Ca me convient, ce décalage vis à vis du reste du monde. Je suis mon propre rythme. J’aime ça en fait. Il faut dire que je n’ai pas vraiment un travail que l’on pourrait qualifier de « conventionnel », c’est le moins qu’on puisse dire ! J’ai l’immense chance de vivre de ma passion. Mon travail, c’est mon unique moyen d’expression, c’est un loisir. On dit souvent «Choisis un travail que tu aimes et tu n'auras jamais à travailler un seul jour de ta vie» . C’était un peu le concept. Moi pinceau et moi, deux fidèles, deux inséparables. Et une liberté folle en matière d’organisation de mon emploi du temps. J’ai également la chance d’être sous la « direction » d’une galériste particulèrement flexible en termes d’horaires. Mais pas que… Alors, dès que quatorze heures avaient sonnées, j’avais rendu mon tablier pour me diriger à l’appartement.

Ca fait déjà un moment qu’on habite ce duplex Logan et moi. Puis Ariane est venue compléter notre bande de joyeux lurons. C’est un mélange détonant, il est vrai. Mais dieu qu’il fonctionne à merveille. Si on omet les assiettes que la demoiselle se plait à lancer contre les murs de temps à autres. Simple désagrément entre ses trêves hormonales ? Un coup de peinture et les murs étaient comme neuf… Aujourd’hui je n’ai cependant pas à me soucier de l’éventuelle présence de mes très chers colocataires. Logan est au travail, il a des horaires bien plus conventionnelles que les miennes, il lui arrive même de finir alors que la nuit s’est installées depuis quelques heures. Aria, quant à elle, observe un emploi du temps plus variable. Cependant je mettais un point d’honneur à retenir ses éventuels rendez vous, et si ma mémoire ne me jouait aucun tour elle avait une répétition qui lui prendrait toute l’après midi.

Quel bonheur de pénétrer alors dans l’appartement désert. Sans cérémonie je passe mon t-shirt par dessus ma tête pour m’en débarrasser. Il atterrit au sol. Mon jean ne tarde pas à le rejoindre avec ma paire de chaussette. Bien plus à l’aise dans mon caleçon, et ne risquant plus d’étaler de l’aquarelle aux quatre coins de l’appartement, je pouvais aisément rejoindre la salle de bain de l’étage afin de procéder à un nettoyage dans les règles de l’art. L’eau chaude ne tarde pas à ruisseler sur mes épaules. La vapeur embrume rapidement la pièce, couvrant le miroir de buée. J’attrape à tâtons le premier gel douche qui me tombe sous la main. Un flacon qui me semble plus lourd que l’habituel. Je ne m’en préoccupe pas et appuie dessus pour voir ma main recouverte d’une espère gelée rose. Et merde… Une odeur de barbe à papa empli la pièce alors que je repose le gel d’ouche d’Ariane sur le bord de la baignoire. Encore une connerie de chez Lush qui sent la fée ou que sais-je… Je me frictionne rapidement le corps avec cette poudre de perlimpinpin qui me fait sentir le marshmalo géant et me rince en grognant. Même quand elle n’était pas là elle parvenait à me taper sur le système. J’attrape une serviette, me sèche rapidement et la pend pour qu’elle sèche. En habit d’Adam, je ne me formalise pas pour autant, persuadé que mes colocataires ne rentrerons pas avant deux ou trois heures. Je descends l’escalier sereinement pour récupérer mes vêtements rester à côté de la porte d’entrée.