C'est long, sans Callum à l'appartement. Son état va mieux, il arrive à marcher sans être pris d'arrêt à cause des douleurs. Alors Achille, pour faire passer le temps, il décide de faire quelque chose qu'il n'a pas pu faire depuis un long, les courses. C'est peut-être débile, mais pour lui, c'est un exploit. Il est presque essoufflé quand il descend les marches, parce que Callum a raison, descendre six étages sans ascenseur, c'est une torture. Mais Achille ne baisse pas les bras, sauf qu'il se fait stopper dans son élan. Parce qu'un homme, avec une carrure plus dense que lui, plus imposante, et avec un putain de regard noir, bah Achille, il perd ses couilles. Il se crispe, et les douleurs reviennent. Parce qu'il se fait plaquer contre le mur avec une telle force qu'il en a les larmes aux yeux, tant la douleur est vif. C'est là qu'il le reconnaît. Le père de son petit ami se trouve face à lui. « Tu m'écoutes, et tu fermes ta gueule d'accord ? » Achille hausse la tête, totalement soumis face aux mots de cet homme qui lui fout les jetons. « Je te laisse le choix, soit tu romps avec mon fils, soit je te fais la misère. Et crois moi, t'aura tellement peur que tu voudras t'en foutre une dans la tête. » Il a un sourire mesquin aux lèvres, et les larmes glissent toutes seules. I n'y a personne pour prendre sa défense, personne pour être témoin de cette terrible scène. « J'ai fait mes recherches, j'pense pas que tu veux revivre ta torture ? Parce que j'te ferais pire. Alors, quitte le, ou j'te fais vivre l'enfer. » Il lui crache dans la gueule, la salive du père de son petit ami est en train de coulé le long de sa joue. Puis il se casse, comme ça, laissant Achille dans une crise de panique incontrôlable.
Alors il court. Il court jusqu'à son appartement, le corps tremblent, la peur se lit sur son visage. Il s'enferme dans sa chambre, et s'enroule dans sa couette. Il est en train de s'étouffer. Putain, il a vraiment peur. Et il le sait, que ce n'était pas des paroles en l'air. Il a vu Callum avec son père, il a vu ses réactions, alors il sait qu'il ne bluff pas. Alors... Alors tant pis. Tant pis pour son bonheur, tant pis que tout s'éclate en mille morceaux, tant pis s'il ne se sent plus en sécurité. S'il est capable de toucher à Achille, il peut lui en faire des plus belles à Callum. Il pense à la sécurité de son petit ami avant tout, il n'arrive pas à être égoïste. Il se relève, va se chercher un verre d'eau. Callum rentre, et Achille voit qu'il s'approche vers lui pour l'embrasser alors il met sa main entre eux, pour les séparer. La bombe s'éclate aussi tôt, parce qu'il ne va pas être capable de lui dire aussi non. « C'est fini Callum. » Il se force à le regarder droit dans les yeux. Alors que son coeur est en train de se détruire, à petit feu.  

C’est le genre de journée où Callum a envie de s’en mettre une en plein dans la tronche. Ou se lancer en bas du 15e étage... au choix! Il a une masse de dossiers à s’occuper, soit en lien avec des clients du cabinet ou des dossiers judiciaires pour lesquels il doit préparer des plaidoiries avec ses associés. Il a l’impression qu’il va se noyer sous le poids des documents qui inondent son bureau. Il appelle sa secrétaire, à bout de nerfs. Il n’a qu’envie de tout lui refiler. Mais il sait très bien que cette dernière n’a pas la formation nécessaire pour s’attarder à des tâches aussi techniques. Alors il lui file ce qu’elle peut remplir, pourvu qu’elle soit capable de tout faire à temps et surtout, que Callum n’ait pas à repasser derrière elle. Le jeune homme a souvent des problèmes avec ses secrétaires. Soit elles font des oublis qui s’avèrent catastrophiques, soit elles ont qu’un seul neurone, soit elles finissent par faire une gaffe qui mette le jeune avocat dans une situation délicate. Alors en l’espace de trois mois, il a changé quatre fois de secrétaires. Il ne va pas sans dire que Callum a quand même des attentes élevées, mais le domaine juridique n’est pas celui où on peut se permettre d’erreur. Bref, c’est le genre de journée où il a envie de tout foutre en l’air. Ça ne l’a jamais passionné, être avocat. C’est pas comme le piano. C’est même très loin d’être le piano. Mais c’est tout ce qu’il sait faire et il ne peut nier qu’il est très bon dans le domaine. Ainsi, il ravale l’amertume qu’il porte à l’égard de son domaine et poursuit ses tâches, priant que la journée passe rapidement.
Le soir venu, il est content de rentrer enfin. Depuis les dernières semaines, il vit presque la majorité du temps chez Achille. Leurs blessures sont en grande partie guéries; Callum n’a plus son plâtre, malgré que sa jambe soit encore fragile. Quant à Achille, ses plaies sont fermées et en train de bien cicatrisées, ce qui remplit de joie son amoureux qui n’a d’yeux que pour le moment où il sera entièrement guéri. Malgré que leur convalescence soit avancée, ils ont appris à vivre l'un avec l'autre. Et cette petit dépendance qu'ils ont créée, ils l'apprécient. Conséquemment, Callum a pratiquement élu domicile chez Achille.
Il gare son véhicule dans le stationnement de l’immeuble à logements. Il a hâte d’embrasser son amant et de partager un repas avec lui. D’ailleurs, il n’a rien avalé depuis la matinée, tant il était concentré dans son boulot qui semblait interminable. Lorsqu’il entre dans l’appartement, il va directement rejoindre son amoureux pour l’embrasser. Toutefois, ce qui suit le laisse entièrement hébété. Ça prend qu’une seconde pour qu’il comprenne la froideur d’Achille: il le laisse. Callum le fixe, incrédule. Il ne parvient pas à comprendre la logique de la situation. Leur relation allait pourtant très bien le matin même; aucun problème n’était percevable. “Je… je comprends pas”, tente-t-il de dire. Il a besoin d’explications, besoin de comprendre ce qui se passe dans la tête d’Achille. Ce dernier le fixe intensément et il comprend que c’est sérieux, qu’il ne rigole pas. “Pourquoi?”, lui demande-t-il alors que les larmes envahissent ses yeux. Il essaie avec beaucoup d’ardeur de les retenir, elles qui tentent avec acharnement de s'échapper du globe oculaire du jeune avocat. La situation lui semble invraisemblable. Je dois rêver, c’est forcément ça, se répète-t-il sans cesse. C’est la fin d’un monde. De son monde.   

C'est difficile de tout bouleverser d'un coup. Achille n'a pas envie de tout arrêter, mais il a réellement peur des conséquences. Son père a été très précis, il a réussi à lui faire peur juste à travers des menaces. Achille est quelqu'un de fort, de base ce n'est pas censé le toucher comme ça. Mais là, c'est le cas. Il a peur de revivre l'enfer, il a peur que Callum vive l'enfer. Il l'aime trop qu'il fait ça peut être juste pour le protéger. Parce qu'il est capable de lui faire quoi, si Achille ne fait pas ce qu'il lui a si gentiment demandé ? Son corps se met à trembler, il a envie de vomir et il ne se remet pas de cette crise de panique qu'il a réussi à rétablir seul. Alors Callum arrive et le bonheur éclate. Parce qu'Achille a eu tort de croire que tout était terminé. Parce que la dispute qu'ils ont eue était simplement un aperçu de ce qu'il se passe maintenant. Sans savoir où le courage se trouve, il lui dit que c'est terminé. Achille doit être dur et méchant pour le faire fuir. Parce que c'est la seule solution qu'il a trouvée. Parce qu'il est hors de question qu'il lui dise la vérité. « Il n'y a rien à comprendre. C'est terminé. » Sa voix ne tremble pas et pourtant voir les larmes de son petit ami est en train de l'anéantir. Il lui doit des explications, il lui en doit sans craquer, sans lui dire ses véritables peurs. « Je me suis rendu compte que je ne t'aimais pas vraiment. » C'est tellement faux bon sang... Son coeur est en train de se briser, son monde est en train de s'écrouler et tout ça s'est de sa faute. « T'étais là parce que j'étais blessé, maintenant, je vais mieux tu vois ? J'ai plus besoin de toi. » Il prend son rôle trop à coeur, comme s'il croyait en ses mots et c'est ce qu'il tient à lui faire croire. Il se trouve cruel, il se trouve même horrible. Le rôle du connard prend trop le dessus. « Tu m'entends ? J'ai plus besoin de toi alors tu peux partir. » Achille est en train de pleurer intérieurement. Il en veut à ce type. Il voulait juste être heureux, c'était ce que lui procurer Callum, du bonheur. Achille est fou amoureux de lui alors il est persuadé de faire bien les choses, même si les mots ne sont pas les bons, même si les conséquences sont terribles. Parce que ce que ressent Achille pour Callum, c'est une chose qu'il ne ressentira plus jamais pour quelqu'un d'autre. Callum est l'homme de sa vie, et il ose croire que dans une autre vie, leurs chemins vont se retrouver.  

Anéanti. C’est le seul adjectif qui peut décrire l’état d’esprit de Callum. Les mots d’Achille sont durs. Ils transpercent impitoyablement le coeur de Callum. Il le fixe, ne retient plus ses larmes. Il ne comprend pas ce soudain changement. Ses poings se serrent; il a envie de le frapper tant il est blessé par ce qu’il dit, par sa façon dont il extériorise verbalement ses sentiments. Ça manque tellement de délicatesse, c’est si dur à entendre. Le jeune homme est terriblement blessé; son coeur s’effondre sous le poids des paroles déchirantes d’Achille. Alors il le frappe. Un coup droit sur la gueule. Parce que c’est tout ce qu’il mérite. “T’es un putain d’enfoiré”, lui hurle-t-il au moment où son poing s’élance sur sa cible. “T’as réalisé ça en un jour? Parce que c’est pas ça que tu me disais hier pendant qu’on… baisait”, rajoute-t-il, le visage ravagé par les larmes. Il s’en allait dire “pendant qu’on faisait l’amour”, mais était-ce le cas? Pour Achille, était-ce une marque d’affection ou était-ce simplement un acte bestial? L’avocat n’en rajoute pas plus. Il s’élance dans la chambre d’Achille et fout ses vêtements dans un sac. Ils seront froissés, mais il s’en fiche royalement. Il n’a qu’une seule envie, et c’est de partir au plus vite. S’il reste, il risque de commettre un meurtre. Il s’en va vers la porte, ne regarde même pas derrière lui et sort. Il ne veut même pas le regarder une dernière fois tant il est dégoûté par son comportement qui le laisse tout à fait perplexe. Il ne comprend toujours pas et il refuse de comprendre. Parce que le simple fait d’y penser, ça lui fait mal.

Callum rentre chez lui. Il est en furie. Il s’enferme dans sa chambre et pleure toutes les larmes de son corps. Il se tient silencieux, ne voulant pas qu’Orion entende ses sanglots. Il doit bien deviner qu’ils se sont engueulés, mais il n’a pas envie d’étaler la situation. Cette nuit-là, l’épuisement laissé par le torrent de pleurs le berce jusqu’au sommeil. Il se sent bizarre de ne pas partager son lit avec Achille, si bien qu’il s’imagine qu’il n’est pas seul. Quand il revient à ses sens, c’est brutal. Voir le lit vide, couché dans son propre appartement, c’est étrange. C’est un environnement quasi-hostile. Mais il essaie de ne pas trop y penser parce que ça lui fait trop mal. Il est fâché, mais il est surtout détruit. Détruit par la dernière personne qu’il croyait être capable de lui faire ça. Il avait déposé entre les mains d’Achille une confiance aveugle. S’il pouvait tout effacer, il le ferait. Peut-être que la vie serait mieux ainsi. 

Ce poing. Ce putain de poing qu'il se prend lui fait horriblement mal. Achille, si on le compare à Callum, il est franchement moins fort que lui. Il se recule, s'accroche au comptoir de la cuisine, et n'ose même pas lever son regard. Les larmes coulent toutes seules et la vérité frôle ses lèvres. Mais non, il ne peut pas. Alors il pleure en silence, son visage est déjà en train de lui lancer et il ferme les yeux, juste pour essayer de ne plus voir flou. Il ne répond plus rien, n'osant pas reprendre ses mots. Le mot baise lui fait extrêmement mal au coeur, parce que c'est loin d'être la vérité. Tout ce qu'ils ont, c'est sincère. Ce qu'ils font dans le lit, c'est sincère. Les sentiments d'Achille sont sincères. Mais Callum ne peut pas le comprendre, il ne connaît pas la véritable vérité qui se trame devant ses yeux. Callum claque la porte. Sans un dernier regard. Achille s'effondre sur le sol, il ramène ses jambes contre son torse et il explose en sanglots. Il vient de perdre l'amour de sa vie, et c'est franchement difficile à l'accepter.
Il n'a pas été capable de rejoindre son lit. Non. Parce qu'il n'y a pas Callum, parce que l'envie de prendre son revolver et de se le pointer dans la gueule est franchement tentant. Il est tard, vraiment tard, les larmes ne s'arrêtent pas et la douleur à son visage est de plus en plus insupportable. Il le mérite. Achille n'est pas quelqu'un de bien, en temps normal, il baise à droite ou à gauche. Mais Callum a changé ce garçon, à presque en devenir un homme. Achille est devenu dépendant de ce garçon, parce qu'il est quelqu'un de bon, quelqu'un qui mérite le meilleur bonheur au monde. Sauf qu'Achille, c'est un lâche. Il a eu peur des menaces de son père, alors il a fait la pire chose au monde. Il tremble de partout, il se sent affreusement faible et il n'a pas pris ses médicaments. Alors les douleurs reviennent. Il se retient de ne pas appeler Callum. Il ne se permet plus de le faire. Et pourtant, quand il relit les messages qu'ils se sont envoyés, son monde est en train de s'effondrer un peu plus qu'il ne l'est déjà. Alors il va juste rester seul, pour le restant de sa vie, c'est tout ce qu'il mérite.

Ce matin-là, il s’efforce à aller au boulot. Il n’en a pas envie. Il est fâché, mais surtout déchiré. Son coeur lui fait mal et le simple fait de respirer le torture. Il ne s’est jamais senti comme ça. Aucune de ses relations passées s’ayant terminées ne l’a laissé dans un tel tourment. Mais avec Achille, il sait que c’était différent. Sa relation avec lui n’était pas comme les autres. Il l’aime d’un amour fou. Et d’y penser au passé comme ça, c’est la pire chose qui soit. Il se prend un café, rajoute un peu d’alcool, puis monte à l’étage pour s’enfermer dans son bureau. Il n’a pas envie d’être dérangé, pas envie de parler à personne. Il veut travailler, régler ses dossiers, un point c’est tout. Il se dit chanceux de ne pas avoir de meetings ni de plaidoiries, sans quoi il aurait été dans un sale état. Il boit un peu, versant quelquefois de l’alcool dans son café. Il a besoin d’un petit remontant, d’avoir la tête un peu dans les vapes pour ne plus y penser. Ses yeux fixent les dossiers; il parvient difficilement à se concentrer tant ses pensées préfèrent s’aventurer dans le sinueux chemin du chagrin. Il a l’impression d’être physiquement là sans que sa tête, elle, n’y soit. Il se sent pris entre deux mondes. Qu’il saute dans l’un ou dans l’autre, il sera seul et triste.
Il agrippe son stylo, essaie de griffonner des notes sur ses papiers. Il lève ses yeux vers sa secrétaire qui est en train de le fixer. Elle lui sourit, un peu gênée puis se retourne. Il plisse les yeux, affichant une moue curieuse. Une deuxième fois, elle le fixe et leur regards se croisent à nouveau. Callum ressent une frustration, la frustration d’avoir été rejeté. Parce que bien sûr, il aime Achille et ne prend pas l’idée de ne plus être avec lui, et il n’aime pas non plus être celle d'être repoussé. Il a besoin de se sentir désiré, besoin de savoir que les gens l’envient et le désirent sur tous les plans. Alors il la fixe, n’attendant que le moment où elle se tournera à nouveau pour l’observer. Parce qu’il veut déceler un signe de désir dans ses yeux. Ça ne prend que quelques instants et elle tourne sur sa chaise, le regardant à nouveau. Il la voit rougir, mais il lit à travers ses yeux qu’elle veut plus. Alors il écoute ses pulsions, lui fait signe d’entrer dans son bureau. Elle se lève, un peu perplexe. “Ferme les stores”, lui dit-il alors qu’elle pénètre dans le bureau et referme la porte derrière elle. Elle ne se fait pas prier et plonge le bureau dans l’intimité complète. Callum se lève et fait le tour de son bureau. Il s’accote le fessier sur ce dernier et croise les bras, la fixant. Elle s’approche de lui, toujours indécise. Il ne sait pas trop quoi faire ni quoi dire, parce qu’il ne veut pas paraître comme un vieux pervers ni la faire fuir. Alors il s’approche d’elle à son tour et la regarde dans les yeux. “J’peux savoir pourquoi tu me fixais?”, lui demande-t-il, jouant la carte du gars qui n’a aucune idée. Elle ne sait pas quoi dire et baisse les yeux. Il ne peut pas ignorer le fait qu’elle est particulièrement jolie, ce qui, bien sûr, lui donne davantage l’envie de se la taper. Elle relève la tête et le regrde, puis doit détecter l’envie qui lui transperce les yeux, parce que ça ne prend que quelques instants avant qu'elle écrase ses lèvres contre les siennes.

Et les choses dégringolent rapidement…

Les vêtements s’envolent un à un. Lorsqu’elle retire son soutien-gorge, l’avocat ne peut s’empêcher de regarder sa poitrine. Ça lui est étrange de se dire qu’il n’a ni vu ni touché une poitrine féminine depuis des lustres. Il empoigne ses attributs alors qu’il l’embrasse langoureusement. Il fait chaud dans la pièce tant le moment est enflammé. Callum pousse ses dossiers, la couche sur son bureau. Rapidement, ils se retrouvent en plein milieu de l’acte. Ils se font silencieux, bien conscients qu’il y a des bureaux adjacents au sien. Il essaie de ne pas penser à Achille, il essaie très fort. Heureusement pour lui, le fait qu’il fasse l’acte avec une femme aide sa cause. Il se vide les couilles parce qu’il est fâché, parce qu’il a besoin d’une présence humaine, besoin de ce sentiment de désir et d’être désiré. C’est bon, mais ce n’est pas Achille...
Les deux se rhabillent. Sa secrétaire lui lance un regard aguicheur avant de quitter son bureau. L’avocat replace ses dossiers et prend place sur sa chaise. Il passe ses mains dans ses cheveux et soupire. La dérape s’en vient, il le sait. Il poursuit donc sa journée de travail, tentant tant bien que de mal de converger sa concentration là où elle a lieu d’être. Il termine vers dix-neuf heures, partage l’ascenseur avec sa secrétaire qui, bien sûr, ne peut s’empêcher de lui rappeler les événements de l’après-midi avec une once d’envie qui traverse ses yeux. Il sait qu’elle voudra recommencer, mais le voudra-t-il lui-même? D’une certaine façon, elle est une distraction et il en a de besoin. Alors peut-être se laissera-t-il convaincre. Parce que c’est toujours mieux que de penser à Achille et de pleurer silencieusement dans son bureau.

Il arrive à son appartement. Ça lui fait bizarre d’être chez lui plutôt que chez Achille. Aussitôt que ses choses sont posées, il prend la bouteille. Vers vingt-deux heures, il est déjà complètement saoul. Il s’affaisse dans son lit et fixe son portable avec un brin de malice. Il ne sait pas pourquoi, mais il a envie de le faire chier. Très envie de le faire chier, même. Alors il prend son iPhone et ouvre leur conversation. “Tu sais quoi?”, lui écrit-il pour débuter…
“J’ai baisé ma secrétaire aujourd’hui”
“Finalement…j’sais pas c’que je faisais avec toi”
“Pouvoir agripper des seins… ça me manquait”
“Pas besoin d’un enculé comme toi quand je peux avoir n’importe qui d’autre”
“Bref, va te faire foutre.”
Il lâche son téléphone et se met à rire. Il n’a pas toute sa tête. Ses messages textes sont bourrés de fautes, de lettres qui n’ont pas rapport. Il ne sait pas écrire correctement, a de la misère à enligner ses pensées. Mais il rit, juste parce qu’il espère vraiment que ses textos toucheront son orgueil.
Et pourtant, il se met à pleurer quelques instants après. Parce que p’tain qu’il n’avait envie que d’Achille et personne d’autre.

Il n'a pas dormi. Il n'en a pas été capable. Il a énormément tourné sur lui-même, cherchant l'espoir que Morphée vienne kidnapper le militaire. Alors... Alors il abandonne. C'est très difficile de fermer les yeux quand les habitudes sont bousculées. Parce que normalement, il n'est pas seul dans ce lit. Normalement, il a cette sensation d'être en sécurité. Et là, c'est loin d'être le cas. Achille est un foutu lâche, Achille n'aurait pas dû lui mentir et être aussi méchant. Peut-être qu'au final, il aurait dû lui dire la vérité. Parce que si Achille n'assume pas la nuit, il n'a pas été préparer à la journée qui va suivre.
Des bras autour des siens, il sert sa mère fort, très fort. Parce qu'Achille a besoin de lui parler. Il ne sait pas combien de temps ça fait, mais bien un long moment qu'il n'a pas passé une après-midi avec sa mère. Alors, elle le serre fort, sentant probablement que son fils ne va pas réellement bien. Depuis qu'il est revenu et qu'il a arrêté d'être militaire, sa propre génitrice est devenu très protectrice tout en sachant lui faire de l'espace. Achille parle d'un coup, parce qu'il a besoin d'avoir des conseils de quelqu'un. Il est amoureux de Callum, c'était loin d'être une plaisanterie, d'être des paroles en l'air. Et c'est bien la première fois qu'il expose ses sentiments à sa propre mère, lui habituer au coeur solitaire, lui qui penser terminer sa vie seule. C'est peut-être ce qu'il va se passer, finalement. Parce qu'il a perdu l'homme de sa vie, et c'est difficile. Difficile, parce qu'il sort et qu'il voit un couple qui semble foutrement amoureux. Difficile, parce que le moindre garçon qui ressemble à Callum lui donne des faux espoirs. Difficile, parce qu'il veut être avec lui bon sang. Et pourtant, il n'est pas capable de le contacter. Malgré tout, il y a Callum, ce même Call qui a levé la main sur lui. Alors, oui, il le mérite, mais il se sent franchement blessé. Humilié est peut-être le bon adjectif. Parce qu'il ressent encore la salive de son père qui glisse le long de sa joue.

Puis il y a ce soir, là où son téléphone est figé contre sa main. Achille lit les messages plusieurs fois, essayant d'être rassuré, de se dire qu'il ment. Callum doit avoir énormément bu, parce que ses messages sont bourrés de fautes d’orthographe. Mais c'est difficile, parce qu'il sait qu'il ne ment pas. Il sait que ce ne sont pas que des paroles blessantes. Et Achille ose avoir mal que Callum passe aussi vite à autre chose. Achille a horriblement mal d'être traité d'enculé alors que... Que ça lui plaisait à Callum d'avoir le dessus dans leur sexualité. Il ne lui répond pas, les larmes glissent toute seule et cette fois-ci, il ne retient pas son envie. Il prend une bouteille de whisky pure. Il se demande depuis combien de temps il n'a pas bu des choses alcoolisées. Depuis un très long moment, parce que Callum a changé Achille et que c'est bien la première fois depuis si longtemps qu'il n'a pas passé ses nuits ivres. « C'est bien, tu passes vite à autre chose. »
Puis le Achille inquiet prend trop rapidement le dessus. Il prend son courage à deux mains. « Tu es saoul, vas dormir, tu bosses tôt demain. » Il se souvient qu'il y a encore quelques jours plus tôt, il lui aurait dit qu'il aimait dans son message. Maintenant, il n'en a plus l'autorisation.

Il ne sait pas. Il ne comprend pas.
Ses yeux sont figés sur les messages textes envoyés la nuit passée par Achille. Il ne saurait dire si son ancien amant se fout de lui ou si, à travers son dernier message, il tente de lui dire qu'il y a encore une petite partie de lui qui se préoccupe de Callum. Ou du moins, il ose prétendre que c'est le cas.

Quelques jours ont passé depuis leur surprenante rupture. Callum a encore mal, ne réalise pas qu'il est seul quand il se réveille le matin. Et pourtant, quand le sentiment de solitude le frappe, ça fait mal. Jamais une séparation n'a eu un effet aussi dévastateur sur l'avocat. Normalement il est triste, certes, mais il s'en remet vite. Parce qu'il n'y a personne qu'il aime plus sauf sa propre personne... Sauf Achille. Achille il l'aime plus que lui-même et ça, c'est la première fois. Alors il trouve cette distance difficile et il prie intérieurement que celle-ci ne soit qu'éphémère, que son amoureux lui reviendra tôt ou tard. D'ailleurs, il n'a pas compris cette soudaine décision de le laisser. Le matin tout allait bien, ils s'étaient échangé une étreinte teintée d'un amour sincère et le soir venu, Achille était une toute autre personne. Un être froid et distant, à l'inverse de ce qu'il est normalement. Il a cherché à comprendre, mais ne peut se résigner à lui écrire, à lui demander des explications. Il ne veut pas lui parler, car la simple idée qu'il puisse avoir une autre confirmation que c'est terminé, ça le terrifie. Il ne veut pas qu'on lui dise d'arrêter d'avoir de l'espoir, d'arrêter de s'accrocher. Il ne veut qu'Achille et rien de plus. Et pourtant, une partie essaie de l'oublier, même si cette tâche s'avère difficile, voire impossible. Il lui arrive quelquefois d'avoir des élans de passion avec sa secrétaire alors qu'en réalité, il ne fait que penser à Achille à chaque fois. C'est malsain, il le sait très bien. Mais il doit au moins essayer de l'oublier, de ne faire que lui qu'un triste songe qu'on oublie.

Le vendredi soir, il reçoit un message texte de son ami Jake qui veut aller prendre un verre dans un bar. La paire termine la soirée dans un club où se déhanchent plusieurs centaines de personnes. Callum danse avec une très jolie fille et lorsque celle-ci veut aller plus loin; il refuse. Et pourtant, il l'aurait baisée dans les toilettes sans arrière pensée. Du moins, c'est ce qu'il aurait fait avant de rencontrer Achille. Avec sa secrétaire, c'était sa frustration qui, à chaque fois, prenait le dessus sur lui. Mais ce soir, c'est la tristesse, l'ennui, cette solitude qui le dévore vivant. Il ne pense qu'à lui, son sourire, son rire, son parfum. Il rentre alors chez lui, prend une bouteille de fort et boit jusqu'à ce qu'il s'endorme, complètement ivre. L'alcool est, en réalité, sa seule amie.
Il se réveille au beau milieu de la nuit, vers quatre heures. Il tourne dans son lit, incapable de fermer l'oreil à nouveau. Il prend son téléphone et le fixe, songeur. Il a envie de lui écrire, envie de le voir. Il commence à taper puis efface, puis recommence. Alors il se résigne à ne lui envoyer qu'un simple "tu me manques". Il ferme son portable et le met près de lui, sachant très bien qu'il ne dormira pas tant qu'il ne verra pas son nom apparaître sur son écran.

Reprendre des bases, c'est difficile. Le sentiment de solitude est de plus en plus compliqué à gérer et de nombreuses fois, Achille se remet en question. Parce qu'il n'en peut plus, de cette séparation. Il n'en peut plus parce qu'il a réellement besoin de son petit ami. Pas pour se confier de sa tristesse vie, mais tout simplement parce que Callum est devenu son pilier. Achille a trouvé, grâce à lui, un équilibre qu'il ne connaissait pas depuis un long, très long moment. Alors... Alors il reste là, incapable de dormir dans sa propre chambre, il a un simple plaid sur ses épaules et ses fesses ne quittent pas le sol de sa cuisine. Ses yeux fixent le piano avec intensité, et il ne peut s'empêcher de les fermer, pour revivre leurs derniers ébats à cet endroit précis. La seule et unique fois où il se lève, c'est pour prendre une douche et vider sa vessie. Son chargeur est branché dans une prise tout près de lui, les bouteilles d'eaux croulent autour de lui et les paquets de mal-bouffe sont eux aussi présents. Et pourtant, rien ne comble son coeur. Achille ne va pas bien, aujourd'hui, il s'est senti lassé de tout ce cinéma. Peut-être parce qu'il avait oublié, quelques heures, qu'il était de nouveau célibataire. Puis les choses ont déparés, ses doigts ont accidentellement appuyer sur la galerie photo de son iPhone, et la photo de lui et Callum lui a foutu un horrible coup de poing dans le ventre. Il n'a plus de larmes, depuis combien de temps son visage ne s'est pas éveillé ? Depuis combien de temps, ses cordes vocales sont aux repos ? Depuis un trop long moment. Achille se laisse tomber sur le carrelage, se sentant franchement faible. Ses paupières se ferment sans qu'il ne lutte, et pour une fois, il s'endort sans cauchemar, ses pensées sont tournées vers cette seule et unique personne.

« Chéri, j'pas envie. » Il murmure, en sentant des frissons sur son corps. Sauf que a s'arrête, et que si, il en a envie. Alors il ouvre les yeux. Il fait extrêmement sombre. C'est là qu'il se rend compte qu'il est finalement la nuit. La seule pointe de lumière, c'est justement son téléphone. Alors... C'est ça la sensation de frisson, c'est ça cette impression de frisson. Il regarde autour de lui, pas de Callum. La boule dans sa gorge se forme aussi tôt, et ses doigts s'emparent de son téléphone. Et là, c'est un noeud dans l'estomac. Il lit le message peut-être une dizaine de fois avant de réaliser l'impact de ses mots. Et si c'était sa seule et unique chance, alors ? Parce qu'Achille veut y croire. « Tu me manques aussi. » Sauf que ses doigts ne s'arrêtent pas à ce message. « Je suis désolé. » Il se lève, et ses jambes sont prises de fourmillements. C'est sa chance, de tout lui avouer pour le récupérer. Pour lui faire comprendre que ses mots n'étaient pas la vérité, qu'il a juste trop peur d'un type immonde. « J'arrive. » Parce que tant pis si Callum le fiche à la porte, il mérite de connaître la véritable version d'Achille. Il claque la porte, en laissant son téléphone chez lui, marchant rapidement dans les rues de Dewsbury. Il est incapable de prendre sa voiture, il peut provoquer un accident.

Il l'aime, alors s'il doit lui décrocher la lune pour le récupérer, il le fait.
Sinon il ira crever dans les bras de Satan.

Ses yeux n’ont pas quitté son portable un seul instant. Plongé dans la noirceur, il fixe avec intensité ce point précis où se trouve son téléphone. Il n’espère qu’une chose: que ce dernier brisera l’obscurité. Alors il ne peut s’empêcher de le fixer, priant intérieurement que l’écran finira par s’allumer.
Et ses prières sont entendues, parce qu’à peine quelques minutes plus tard, l’appareil s’illumine. Son coeur se serre, il s’emballe. Il prend son portable et s’empresse de lire le message. Puis un autre suit, et encore un autre. Il s’arrête de respirer pour un moment. Définitivement, il ne comprend plus rien. Il le laisse, lui dit qu’il ne serre plus à rien dans sa vie, qu’il ne l’aime pas et là, il s’en vient. L’avocat ne sait plus où donner de la tête tant cette situation lui semble invraisemblable. Il se sent comme une marionnette qu’on trimballe d’un côté et d’un autre, la faisant virevolter dans tous les sens pour qu’elle perde la tête. Et pourtant, sa poitrine s’enflamme à l’idée que l’homme de sa vie soit en chemin vers son appartement. Il se dit que ce sera difficile de ne pas sauter dans les bras d’Achille, de ne pas l’embrasser, parce qu’il doit garder la tête haute. Achille lui a fait énormément de mal et sans même comprendre pourquoi, celui-ci lui confesse s’ennuyer de lui. Alors il va rester dur, rester froid. Parce que si Achille ne veut qu’amadouer Callum dans le but de coucher avec lui, ça ne fonctionnera pas.
Le jeune homme sort donc du lit puis enfile une paire de jogging et un t-shirt. Il prend place dans le fauteuil du salon puis attend. Les secondes semblent passer comme des minutes et les minutes comme des heures. Il en vient même à se demander si Achille viendra réellement, si ce dernier ne se fout tout simplement pas de sa gueule. Mais il s’accroche à l’espoir qu’il entendra toquer à sa porte d’un instant à l’autre et que de l’autre côté de la porte se trouvera l’homme qui, à la fois, brise et fait battre son coeur. Et lorsqu’il les entend, ces trois sons répétitifs, il frémit. Il se lève pour aller répondre. Il a peur, ne sait pas ce qui l’attendra réellement de l’autre côté de la porte. Un Achille sincèrement désolé ayant une très, très bonne explication ou un Achille qui se fout de sa gueule, ne veut que se jouer de lui pour obtenir ce qu’il désire. Néanmoins, il ouvre. Parce qu’il veut le voir ne serait-ce que deux secondes. Callum ressent les petits papillons se réveiller au creux de son estomac parce que malgré tout, le jeune homme lui suscite encore la même euphorie. Il ne lui dit même pas bonsoir; il ne fait que le fixer d’un regard inquisiteur. Il veut des explications et il les veut maintenant.